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La charte des valeurs vue par les avocats
Emeline Magnier
2013-10-21 15:00:00
Alors que la Commission des droits de la personne considère que la Charte des valeurs québécoises porte atteinte aux libertés fondamentales, qu'en pensent les avocats?
Hommes politiques ou journalistes, nombreux sont ceux qui se sont exprimés et ont fait valoir leur opinion sur ce sujet brûlant et presque intarissable.
Mais qu'en pensent les avocats? Ceux qui auront à en plaider les principes ou à en contester les fondements si le gouvernement va jusqu'au bout de sa démarche et de son engagement électoral?
Pour Me Rémi Bourget, avocat chez Mitchell Gattuso, la Charte des valeurs québécoises est un discours idéologique et populiste qui obligerait certains croyants à choisir entre les exigences de leur conscience et celles de leur emploi.
« Pour certains croyants, le port de symboles religieux est sacré, une obligation réelle dictée par leur conscience. Et les tribunaux ont reconnu que c’était là un droit fondamental, garanti par les Chartes des droits. (… )Le résultat prévisible des ces mesures est que certaines femmes renonceront à leur emploi, pour respecter leur conscience, ce qui ne fera qu’exacerber leur vulnérabilité, ainsi que la dépendance à leur conjoint», a-t-il déclaré à Faits et Causes.
D'après Me Marc Alexandre Poirier, avocat québécois qui pratique à Vancouver, la Charte ne fait pas la promotion de la neutralité de l'État et son indépendance de la religion, mais celle d'une croyance qu'il qualifie de religion déguisée.
« La «neutralité religieuse» ne requiert pas de l'État qu'il limite le port des signes ou symboles religieux, mais plutôt qu'il protège le droit de chaque individu de porter les symboles de sa religion, aussi bien que celui de s'abstenir d'en porter. Parce que ne pas en porter en dit autant sur la religion de quelqu'un qu'en porter », écrit-il dans un article paru dans le journal La Presse.
Exerçant à son compte à Montréal, Me François Côté a quant à lui affiché son positionnement en faveur de la Charte considérant qu'elle respecte les valeurs fondamentales.
« Il s’agit d’une mesure justifiée par une préoccupation sociale légitime et réelle, qui cherche à l’atteindre de manière appropriée, raisonnable et non-excessive et qui respecte la règle de proportionnalité. En outre, on notera que des mesures similaires ont également été adoptées dans plusieurs autres États occidentaux, notamment la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas», a-t-il déclaré à Faits et Causes.
Pour Me André Sirois, vice-président du Barreau des organisations gouvernementales internationales, le débat porte avant tout sur la politique d'immigration du gouvernement.
«Une société donnée ne peut pas intégrer plus qu'un certain nombre d'immigrants. Et c'est exactement le fondement de la réaction qu'on voit maintenant. Les gens ne réagissent pas seulement contre le fait de voir une femme voilée dans le métro, ce qui serait absurde. Les gens réagissent parce qu'ils ont, d'après moi, l'impression d'être envahis. Et je crois que cette impression-là est parfaitement fondée, et je crois qu'il faut faire le véritable débat sur l'immigration», a déclaré sur les ondes du 98,5 FM celui qui a passé 20 ans au service de l'ONU.
Si selon Me Henri Brun aucun juriste spécialisé en la matière n'oserait jurer de l'issue finale d'une contestation judiciaire de la mesure, il considère toutefois qu'il est difficile d’imaginer que la Cour suprême puisse juger cette mesure déraisonnable.
«Il faut rappeler que les libertés individuelles des chartes qui les garantissent ne sont pas absolues, et qu’en vertu des mêmes chartes elles peuvent faire l’objet de restrictions raisonnables. (…)Il est difficile de soutenir que cette mesure ( l'interdiction faite à des agents de l'État d'afficher des signes religieux) produit sur la liberté de religion des personnes des effets disproportionnés par rapport à ses effets positifs sur l’image de neutralité religieuse de l’État" a indiqué le professeur associé à la Faculté de droit de l'Université Laval dans Le Devoir.
Le débat bat son plein dans la communauté juridique. À vos claviers!
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