Quelles indemnités pour les salariés de Heenan?

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Emeline Magnier

2014-03-05 15:00:00

À la suite de la dissolution de Heenan Blaikie, quelles indemnités ont été versées au personnel salarié licencié? Et dans quelles conditions? Droit-inc en a appris un peu plus...

La dissolution du cabinet d'avocats Heenan Blaikie s.e.n.c.r.l. a été annoncée le 5 février mais ce n'est que le vendredi 21 février vers 19 h que l'avis de cessation d'emploi a été envoyé par courriel au personnel de soutien, a indiqué à Droit-inc Camille (le prénom a été modifié), une adjointe qui préfère garder l'anonymat. La même lettre lui a par la suite été transmise par messager le mardi suivant.

Le signataire de l’avis n'est pas le cabinet d'avocats Heenan Blaikie s.e.n.c.r.l. , mais Société en commandite Gestion Heenan Blaikie, tel que l'atteste ce document. L'entreprise, qui employait notamment l'ensemble des adjointes et adjoints, est spécialisée dans la gestion de divers services de soutien et avait comme principal client Heenan Blaikie s.e.n.c.r.l.

Aucune obligation de fournir un préavis

Quelles indemnités pour les salariés de Heenan?
Quelles indemnités pour les salariés de Heenan?
Dans cette lettre, il y est d'abord précisé que l'emploi auprès de la société prend fin le 28 février. Il est également indiqué la raison de cette terminaison: «La Société doit mettre un terme à ses activités puisque son principal client, le cabinet d’avocats Heenan Blaikie s.e.n.c.r.l., a été soudainement dissout».

Suivent ensuite les conditions de fin d’emploi offertes aux employés. Considérant les «circonstances exceptionnelles entourant la fin de votre emploi, lesquelles s’apparentent à une force majeure ou un évènement imprévu» l'employeur précise n'avoir «en principe, aucune obligation de (vous) fournir un préavis de cessation d’emploi.»

Toutefois, dans un souci de «reconnaître la contribution de ses salariés et de les soutenir dans cette transition, la Société entend prendre les mesures raisonnables nécessaires afin de vous verser ex gracia une indemnité d’une valeur équivalente à douze semaines de votre salaire de base (…)».

Il est également souligné que cette somme ne doit pas en aucune façon «être interprétée, (...) comme une admission ou une reconnaissance de responsabilité de la part de la Société ou de la part du cabinet d’avocats Heenan Blaikie s.e.n.c.r.l.».

Avis de licenciement collectif tardif

Dans l'avis de licenciement collectif envoyé au Ministre de l'emploi et de la solidarité sociale - dont Droit-inc a obtenu copie - et affiché sur les murs d'une cafétéria du cabinet le 21 février, il est aussi indiqué que «le licenciement collectif auquel la société doit procéder survient en raison d'un événement imprévu, à savoir la dissolution soudaine de son principal client».

D’après Gestion Heenan Blaikie, ce sont ces circonstances qui «explique(nt) le fait que nous n'ayons pas été en mesure de vous transmettre le présent avis dans les délais prévus par la Loi sur les normes du travail.»

L'avis collectif indique également que 141 employés travaillant à l’établissement de Montréal sont touchés par la procédure de licenciement. Pour une entreprise de 100 à 300 employés, la Loi sur les nomes du travail prévoit que l'indemnité de préavis doit être de 12 semaines, ce qui correspond par ailleurs à l'indemnité offerte par la société Gestion Heenan Blaikie.

Deux semaines d'indemnité de préavis à Québec

Au bureau de Québec, l'indemnité versée aux employés de soutien serait l’équivalent de deux semaines de salaire. Christine, adjointe dans au bureau de la capitale nationale, a été extrêmement surprise et choquée par cette information qui ne correspond pas à celle qui lui avait été annoncée.

«Le 6 février, j'ai rencontré deux associés qui m'ont dit que je perdais malheureusement mon emploi dû à la dissolution de Heenan Blaikie. Ils m'avaient alors promis, ainsi qu’à d’autres personnes dans la même situation, que nous aurions entre 8 et 12 semaines d'indemnités en plus des vacances.»

D'après elle, neuf employés ont été licenciés au bureau de Québec. Or, la LNT prévoit une indemnité équivalente à huit semaines pour un licenciement touchant plus de 10 personnes.

Ainsi, une dizaine d'adjointes ont dû signer une lettre de démission avant de pouvoir être réengagées par un autre bureau.

«Elles renonçaient évidemment à leurs indemnités de départ sans parler que cela parait comme s'il n'y a pas eu plus de 10 mises à pied à Québec», ajoute Christine.

Une démission contre un emploi

C'est d'ailleurs la façon de procéder qui avait été préconisée par le comité de transition dans un memo envoyé aux associés le 5 février. Il y était indiqué que pour ceux qui emmenaient avec eux leurs avocats collaborateurs et-ou leur assistante, le comité «recommande fortement que les postes (offerts) au sein des nouveaux cabinets soient conditionnels au fait que Heenan Blaikie ait reçu les avis de démission de ces employés» afin d'éviter «de devoir leur payer une indemnité de départ».

Dans la semaine qui a précédé l'envoi des avis de cessation d'emploi, Camille mentionne que les ressources humaines du cabinet ont contacté l'ensemble des grands bureaux concurrents afin de connaître le nom des personnes à qui ils avaient offert un emploi.

Forte de cette information, et même si les employés concernés n'avaient pas encore démissionné, Gestion Heenan Blaikie leur précisait dans l’avis de cessation d'emploi que seul le paiement des vacances leur était dû, rapporte Camille. «Une de mes collègues est tombée de sa chaise: elle n'avait même pas encore accepté l'offre concurrente!»

Quant aux avocats salariés, l’adjointe explique qu’ils étaient embauchés par Heenan Blaikie s.e.n.c.r.l. et de fait, bénéficieraient d'une indemnité de préavis de huit semaines, ce qui ne serait pas sans soulever leur mécontentement.

Plaintes à la Commission des normes du travail

Au cours des derniers jours, une associée aurait demandé à un de ses amis parajuriste de faire des recherches sur les obligations et les sûretés affectant Gestion Heenan Blaikie, a appris Droit-inc. «Selon lui, la faillite serait une possibilité.»

Le versement de l’indemnité de préavis devrait intervenir par prolongation sur la paie, selon le cycle de versement suivant la fin d’emploi, donc au cours des prochaines semaines. «Mais qu’adviendra-t-il en cas de faillite?», s’interroge Camille qui n’a pas encore retrouvé d’emploi.

Devant tant de zones d'ombres et d'incertitudes, elle et plusieurs de ses collègues ont déposé une plainte à la Commission des normes du travail afin de s’assurer tous leurs droits ont été respectés. L'enquêteur qui l'a entendue lui a précisé que l'étude du dossier pourrait prendre entre 30 et 45 jours et que les plaintes contre Heenan Blaikie seraient certainement regroupées.

Camille considère toutefois que la procédure s'annonce difficile: son ancien employeur était l'un des cabinets d'avocats les plus réputés en droit du travail au pays.

Pour lire les deux documents, cliquez ici et ici.
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