Parole aux conseillers juridiques

L’avocat des ski-doo

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Agnès Rossignol

2014-03-24 15:00:00

Après avoir joué un rôle crucial dans la création de la société Bombardier Produits Récréatifs, cet avocat a gravi les échelons jusqu’à atteindre la vice présidence. Droit-inc l’a rencontré…

Me Martin Langelier est vice-président, services juridiques et secrétaire chez BRP depuis 6 ans.
Me Martin Langelier est vice-président, services juridiques et secrétaire chez BRP depuis 6 ans.
Membre du Barreau 1994, Me Martin Langelier a exercé 5 ans en pratique privée au sein du cabinet De Granpré Chait à Montréal. En 2000, il a choisi de s'installer en Estrie pour rejoindre la division Produits récréatifs de Bombardier Inc en qualité de conseiller juridique.

Âgé de 43 ans, il occupe depuis six ans les fonctions de vice-président, services juridiques et secrétaire de la nouvelle société créée en 2003, Bombardier Produits Récréatifs.

La compagnie est un chef de file mondial dans le marché des véhicules récréatifs motorisés. Elle emploie plus de 6800 personnes et possède des installations de fabrication en Amérique du Nord, Finlande et Autriche. Ses produits, Ski-Doo et Sea-Doo notamment, sont distribués dans plus de 100 pays.

Pourquoi avez-vous choisi de pratiquer en entreprise ?

En cabinet d'avocats, j'ai touché à beaucoup de matières (litige, corporatif, commercial, droit du travail). C’est une école de formation extraordinaire qui permet le développement de connaissances assez larges. La firme externe est le meilleur endroit pour apprendre le métier.

Cependant, après 5 ans, j'avais l'impression d'être un "mercenaire" : le matin je pouvais prendre une position avec un client et l'après-midi une position contraire avec un autre. L'appartenance à un groupe de gens ayant le même objectif me manquait. J'en concluais que le droit n'était pas pour moi :je voulais prendre part aux décisions stratégiques de l'entreprise. J'ai alors décidé de faire une maîtrise en administration des affaires (MBA) spécialisée en affaires internationales de l’École de commerce de Birmingham en Angleterre, afin de m’ouvrir des horizons.

De retour au Québec, je voulais travailler en dehors du juridique. J'avais décroché un emploi chez Téléglobe, en planification stratégique, mais compte tenu de son acquisition par BCE, les embauches ont été suspendues. J'ai alors intégré Bombardier Inc. comme conseiller juridique, poste qui pouvait me permettre d'atteindre mon objectif, soit d’avoir un impact sur la stratégie sans sacrifier mon expérience ni ma formation.

Vous avez vite gravi les échelons chez BRP...

Le rôle que j’ai nécessite de bien connaître les rouages corporatifs et commerciaux de l’entreprise. À la suite de la création de BRP, il était important d’avoir quelqu’un en place capable de gérer les affaires du conseil d’administration.. De plus, je connaissais tous les secteurs du département juridique à la différence de collègues plus spécialisés.

Je suis resté pour la nature de la compagnie, son rayonnement international, sa complexité : je n’ai jamais eu l'impression de faire une job répétitive, mais au contraire d'apprendre toujours. J'ai besoin d'avoir de nouveaux défis régulièrement et ça ne manque pas ici ! Ma personnalité et mes valeurs sont très en ligne avec celles de la compagnie. Les personnes sont humbles, simples, dynamiques et pratiques, j'ai beaucoup de plaisir à travailler avec elles.

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En quoi consiste votre poste et quels sont vos plus gros défis ?

Les tâches sont extrêmement variées. Le matin, je peux discuter de dossiers en propriété intellectuelle, l'après-midi en litige et avoir des appels avec le conseil d'administration sur des éléments de gouvernance.

La gestion du contexte multi-juridictionnel est un défi de tous les instants car nous vendons des produits dans 105 pays dont les règles sont différentes sur le plan de l’utilisation, de la vente, de la construction, de la gestion des employés. Notre département juridique compte 28 personnes dont 12 juristes situés principalement au Canada. Comme, nous n'avons pas un avocat par juridiction, il faut trouver d’autres façons de s’assurer d’être en conformité avec ces lois.

Dans les économies matures, c'est surtout le contrôle sur la conformité des autorités réglementaires qui a considérablement augmenté. En cas de violation, les amendes sont salées. Le défi est alors de ne pas faire la première page des journaux. En parallèle, les pays émergents votent de nouvelles lois différentes de celles déjà connues, pour favoriser leur développement économique et cela nécessite de nous y adapter juridiquement.

Un défi plus complexe : notre département doit gérer les conséquences juridiques du changement de statut de BRP en compagnie publique intervenu en 2013. Les nouvelles exigences réglementaires nous imposent de rédiger de nouveaux documents. Le défi est de les livrer à temps avec les bonnes informations.

Enfin, BRP est une compagnie axée sur l'innovation. Notre département juridique ne doit pas freiner ses élans mais doit assurer une saine gestion du risque.

Qu'est-ce que cela vous apporte d'être au comité de direction ?

Le département de Me Langelier doit assurer une saine gestion du risque.
Le département de Me Langelier doit assurer une saine gestion du risque.
Cela permet de voir venir les initiatives stratégiques et de se préparer en conséquence. Je peux aussi influencer en amont ces initiatives lorsqu'il y a des enjeux juridiques importants. Il ne faut pas crier au loup quand il n’y a pas matière. Notre département est ainsi perçu comme crédible, pragmatique et créatif pour permettre aux gens d'affaires d'atteindre leurs objectifs sans mettre trop d'obstacle.

Comment choisissez-vous les cabinets d'avocats externes ?

Au Canada, nous traitons avec Stikeman Elliott pour le droit corporatif et les valeurs mobilières, avec Brouillette Charpentier pour la propriété intellectuelle qui intervient aussi à l’international, la gestion des brevets et marques de commerce étant centralisée à Montréal. À l’international cela varie beaucoup. On utilise souvent Baker & McKenzie, notamment en Europe, Russie, Australie. S’agissant des litiges portant sur la responsabilité des produits dont la majeure partie se trouve aux États-unis, nous faisons appel à de plus petites firmes spécialisées en litige.

Au-delà de la firme, la connaissance des avocats est très importante. Par exemple, lorsque Warren Katz, associé chez Osler avec qui nous traitions, a rejoint Stikeman Elliott, nous avons décidé de le suivre car la relation la plus importante était avec Warren et non avec la firme. Nous n’avons pas de loyauté absolue envers un cabinet. Nous pouvons aussi préférer un cabinet de niche.

Trois éléments sont essentiels pour leur sélection : la qualité du service, à savoir le résultat et surtout le respect des échéanciers, ainsi que le coût des honoraires et la prévisibilité au niveau des coûts car je dois savoir où je me situe par rapport au budget initial. Nous demandons des budgets par projet et les évaluons sur leur performance versus le budget initial.

Pour la facturation, tout dépend du mandat, c’est très variable, soit au forfait, au pourcentage ou à l’heure.

Quelles sont les qualités requises pour être un bon juriste en entreprise et chez BRP ?

Cela ne nécessite pas la même spécialisation qu’un avocat externe qui fait la même chose pour différents clients: nous faisons différentes choses pour un seul client. L’avocat interne doit surtout bien connaître l’entreprise, ses processus, sa culture, les gens, la sensibilité par rapport aux risques. C’est là sa plus-value car il est un intermédiaire entre l’entreprise et l’avocat externe.

Le côté pratique est essentiel. Il doit pouvoir synthétiser l’information juridique reçue des avocats externes pour traduire de façon concrète l’implication pour la compagnie et la rendre accessible. Chez BRP, le Power Point est maître en termes de communication. La crédibilité du département juridique dépend de notre capacité de pouvoir bien communiquer les enjeux juridiques. Être capable de parler le même langage que les gens d’affaires a été une difficulté que j’ai dû surmonter lorsque j’ai intégré l’entreprise.

Le côté créatif est primordial : chez BRP, notre approche est toujours de proposer des solutions pour qu’un projet aboutisse.

Comment voyez-vous l'avenir de la profession de conseiller juridique ?

Dans l'avenir, Me Langelier croit qu'il y aura plus de généralistes ou de spécialistes.
Dans l'avenir, Me Langelier croit qu'il y aura plus de généralistes ou de spécialistes.
Plus de généralistes ou de spécialistes, tout dépend des besoins des entreprises.

Il y a 10 ans, on discutait peu de gestion de risques. Aujourd’hui elle fait partie intégrante du plan stratégique et va devenir de plus en plus importante. Comme le conseiller juridique est un gestionnaire de risques avant tout, c’est prometteur pour son rôle en entreprise.

Les pays émergents sont des marchés à conquérir. Compte tenu des différences culturelles, un des défis du conseiller juridique sera d’acquérir cette sensibilité culturelle. Chez BRP, cette adaptabilité du juriste est cruciale.

Quels sont vos projets professionnels futurs ?

Mon objectif est de continuer à apprendre, à être stimulé et faire face à de nouveaux défis. Par exemple, je suis responsable de la responsabilité sociale de l’entreprise. Cela me permet de promouvoir quelque chose de porteur et inspirant. Cette initiative à l’extérieur du juridique m’amène à croire que je peux continuer à travailler chez BRP.

Qu'est-ce qui vous a motivé à devenir membre de l'ACC ?

BRP est impliqué dans l’association. Nadia Martel, de notre département juridique, a été Présidente d'ACC Québec. Faire partie de l'association est un excellent investissement. Cela permet d'avoir accès, par le biais d'une panoplie d'expériences d'avocats et de discussions, à des solutions concrètes face à des problèmes de fonctionnement interne ... Ces expériences ont à mon avis plus de valeur que de demander une opinion juridique.
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