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La Cour suprême de la Colombie-Britannique refuse l'autorisation d'exercer un recours collectif dans une affaire de concurrence multiterritoriale

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Osler

2008-05-20 09:48:00

Le 7 mai 2008, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a publié sa décision dans l’affaire Pro Sys Consultants Ltd. v. Infineon Technologies AG.

Cette décision revêt une importance particulière pour les spécialistes de la concurrence des États Unis et du Canada, puisqu’il s’agit du premier cas où des tribunaux ont examiné et rejeté l’autorisation d’exercer un recours collectif au Canada dans une affaire de concurrence multiterritoriale.

Auparavant, les tribunaux canadiens ont autorisé l’exercice d’un certain nombre de recours collectifs en matière de concurrence pour la mise en œuvre d’un règlement (par exemple, l’affaire du cartel des vitamines). Toutefois, il n’y a eu que quelques cas où les tribunaux se sont penchés sur l’autorisation d’un recours collectif contesté en matière de concurrence, étant donné les exigences strictes des lois provinciales en matière de recours collectifs.

En outre, l’affaire Pro Sys Consultants Ltd. v. Infineon Technologies AG (Pro Sys) semble être la première où les tribunaux ont envisagé d’autoriser un recours collectif contesté en matière de concurrence parallèlement à divers recours collectifs entamés aux États Unis et ailleurs au Canada.

Dans l’affaire Pro Sys, la Cour a refusé l’autorisation, laissant entendre dans ses motifs que le demandeur en matière de concurrence a un fardeau considérable à surmonter afin de faire autoriser un recours collectif d’acheteur indirect au Canada, en particulier lorsque le produit sert d’intrant pour d’autres produits, plutôt que d’être le produit final, et qu’il est commercialisé au moyen d’un réseau de distribution complexe.

Les tribunaux canadiens n’ont pas adopté de règles similaires à celles établies dans les affaires Hanover Shoe et Illinois Brick. Par conséquent, les demandeurs peuvent chercher à faire autoriser des recours collectifs d’acheteurs directs ou indirects devant les tribunaux provinciaux.

En outre, les défendeurs peuvent invoquer dans leur défense les questions de transfert de la perte tant à l’étape de l’audition sur le fonds qu’à l’étape de l’autorisation du recours collectif au Canada. Avant 2007 cependant, il n’y avait eu que deux décisions en Ontario où le tribunal avait envisagé d’autoriser l’exercice d’un recours collectif intenté pour une activité de fixation de prix et d’autres conduites criminelles. Dans les deux affaires, soit Chadha (2001 2003) et Price (2002), le tribunal a refusé d’autoriser l’exercice du recours collectif.

Toutefois, au cours de la dernière année, il y a eu quatre décisions supplémentaires en matière d’autorisation dans trois provinces : Axiom (2007), Quizno’s (2008), Harmegnies (2007 2008) et maintenant Pro Sys (2008). Alors que les affaires Axiom, Quizno’s et Harmegnies soulevaient surtout des allégations de fixation verticale des prix, le projet de recours collectif dans Pro Sys a été décrit comme la première requête au Canada visant à obtenir l’autorisation d’exercer un recours collectif qui touche des acheteurs directs et indirects et est fondé sur des allégations de fixation horizontale des prix.

Les faits dans l’affaire Pro Sys
Dans l’affaire Pro Sys, les demandeurs ont déposé une requête en autorisation de recours collectif touchant un groupe d’acheteurs directs et indirects de puces de mémoire vive dynamique (DRAM) de Colombie-Britannique. Toutefois, le groupe était essentiellement composé d’acheteurs indirects de DRAM qui avaient été fabriquées à l’extérieur du Canada.

Étant donné les faits sous jacents, l’affaire a été considérée comme une cause type pour divers recours collectifs proposés au Canada découlant d’enquêtes en matière de concurrence menées dans plusieurs territoires sur l’industrie de l’électronique (et qui touchaient les DRAM, les SRAM, les cristaux liquides, la mémoire flash et d’autres produits).

Autorisation refusée
Dans son jugement, la Cour a souligné que le demandeur a le fardeau d’établir l’existence de questions communes et, par extension, qu’il doit faire la preuve que les questions centrales de la perte et de la responsabilité aux termes de la Loi sur la concurrence (Canada) pourraient s’appliquer à l’ensemble d’un groupe.

Étant donné la complexité des circuits de distribution des DRAM, le fait que les DRAM sont utilisées comme intrant dans une large gamme de produits (par exemple les ordinateurs portables, les consoles de jeu et les lecteurs MP3) et la nature théorique et préliminaire de l’analyse d’experts du demandeur à l’égard de l’incidence du transfert de la perte, la Cour a conclu que les demandeurs avaient été incapables de faire la preuve d’une méthode viable pour la démonstration du préjudice à l’échelle du groupe.

Par conséquent, le tribunal a jugé que le demandeur avait été incapable de démontrer que la responsabilité pouvait être établie à l’échelle du groupe. Étant donné l’incapacité du demandeur de démontrer que la responsabilité constituait une question commune, la Cour a conclu que le recours du demandeur céderait le pas à un grand nombre de questions individuelles et qu’il ne présentait pas l’apparence d’un processus gérable et traitable.

En outre, la Cour a conclu que le demandeur représentatif avait des conflits inconciliables avec les autres membres du groupe. Pour ces raisons et d’autres, la Cour a décidé de ne pas accorder l’autorisation d’exercer le recours collectif.

Importance de l’affaire
Cette affaire fait ressortir la difficulté de faire autoriser un recours collectif en matière de concurrence au Canada, en particulier lorsque le groupe comprend des acheteurs indirects et qu’il s’agit d’un produit intermédiaire distribué au moyen d’un réseau de distribution complexe.

La décision de la Cour souligne également que l’application des critères d’autorisation à un recours collectif en matière de concurrence repose largement sur l’évaluation que fait la Cour de la qualité et de la rigueur de la preuve d’experts. En outre, la Cour a semblé sérieusement douter qu’un demandeur représentatif puisse représenter un groupe mixte composé d’acheteurs directs et indirects au Canada, à la lumière des sérieux conflits d’intérêts liés à l’incidence de la surfacturation.

Étant donné l’importance de cette décision, il est fort probable qu’elle fera l’objet d’un appel; il y a d’ailleurs des procédures parallèles demandant l’autorisation d’exercer un recours collectif à l’égard des DRAM au Québec.

Il reste toutefois à voir si la décision de la Cour constituera le dernier mot à l’égard des principes qui régissent l’autorisation d’exercer des recours collectifs dans le domaine de l’électronique et dans d’autres affaires mettant en jeu des acheteurs indirects au Canada.

Par Peter Franklyn, Christopher Naudie, Tris Mallett, d'Osler , Hoskin & Harcourt LLP.

Osler a représenté l’un des défendeurs qui a eu gain de cause dans cette affaire.
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