Parole aux conseillers juridiques

L’avocate aux bons tuyaux

Main image

Agnès Rossignol

2014-05-05 15:00:00

Après de nombreuses années en cabinet, cette avocate multidisciplinaire a fait le saut en entreprise, chez un leader manufacturier canadien. Elle s’est confiée à Droit-inc...

Me Nicole Chouinard est vice-présidente et chef des services juridiques chez Ipex depuis 2011
Me Nicole Chouinard est vice-présidente et chef des services juridiques chez Ipex depuis 2011
Me Nicole Chouinard est vice-présidente et chef des services juridiques chez Ipex depuis 2011.

Elle a mis sur pied le département juridique de ce leader canadien en matière de conception, fabrication et vente de systèmes intégrés de tuyauteries thermoplastiques, comptant 18 usines et 2000 employés répartis en Amérique du Nord.

Diplômée de l'Université d'Ottawa et membre du Barreau du Québec depuis 1986, elle avait auparavant pratiqué pendant 23 ans en cabinet privé avec un bref passage en entreprise.

Droit-inc : Expliquez nous votre parcours professionnel ?

Nicole Chouinard : J’ai débuté ma carrière en litige chez Guy & Gilbert principalement en assurances et en propriété intellectuelle où je suis devenue associée en 1992. Après 10 ans, je me suis orientée vers le conseil en droit des affaires (fusions acquisitions, corporatif et commercial). J’y ai pris goût car j’étais désormais capable de développer une clientèle et de bâtir avec elle. En 1999, j’ai intégré le cabinet Pouliot Mercure en droit des affaires et propriété intellectuelle avec un passage de trois ans chez Corporation Datacom Wireless qui était un de mes clients depuis environ six ans, en tant que vice-présidente, affaires juridiques et secrétaire corporative. J’avais besoin d’une pause et j’ai accepté un emploi à mi-temps sachant qu’il y avait un risque que cette star-up ne prenne pas d’ampleur, c’est ce qui arriva. Je suis alors retournée dans mon ancien cabinet devenu Miller Thomson Pouliot, jusqu'en 2011.

Comme j’avais aimé mon expérience chez Datacom, j’avais le goût de retourner en entreprise. En interne, on est mieux à même de répondre aux problématiques de l’entreprise car on est au courant de ce qui se passe, des objectifs et des réflexions stratégiques. Je fais d’ailleurs partie du comité de direction d’Ipex. Ce qui permet au service juridique d’avoir une intervention appropriée.

En quoi consiste votre travail au quotidien ?

Je suis responsable des services juridiques rendus aux sept sociétés, constituées par type de produits, qui composent Ipex en Amérique du Nord, en plus de conseiller l’équipe de direction. Comme la compagnie vend et fabrique pour divers secteurs (municipal, industriel, commercial et résidentiel), c’est intéressant car les approches sont différentes.

Dans le département juridique, basé à Montréal nous sommes trois avocates et deux adjointes. Nous préparons, supervisons et/ou négocions les ententes contractuelles avec les clients et fournisseurs ainsi que la documentation relative aux acquisitions et partenariats. La matière contractuelle occupe environ 75% de notre travail.

Nous avons aussi la charge de la documentation corporative des sociétés du groupe et la rédaction de politiques internes. Les avocates gèrent également avec les cabinets externes les dossiers de litiges, à 95% en responsabilité, sur lesquels je m’informe de loin. De plus, l’équipe coordonne, prépare et négocie les conventions de licence relatives à la propriété intellectuelle car lpex est un leader dans son domaine et développe de nouveaux produits à protéger. Je suis par ailleurs responsable de la négociation des renouvellements des polices d’assurance.

Il n’y a pas de journée type, on fait de tout et tout est à bâtir. Le quotidien c’est plutôt : « on n’a pas fait ce que l’on avait prévu de faire ! ».

imge #12654


Quels sont vos plus gros défis ?

Comme j’ai eu la tâche de créer le département juridique qui n’existait pas, le premier défi a été de faire valoir la plus-value des services juridiques aux gens d’affaires, telles que mettre l’accent sur une clause importante qu’ils n’auraient pas vue. Il fallait qu’ils acceptent la nouvelle étape juridique dans leur processus décisionnel. Ça a été un travail de vulgarisation et un changement de culture au niveau contractuel. Il fallait faire en sorte qu’ils aient le réflexe de passer par nous pour tous leurs engagements contractuels.

Aujourd’hui, mon plus gros défi est d’être capable d’aider l’entreprise dans des domaines variés. J’utilise tout ce que j’ai appris en pratique privée en suivant les opportunités. Je peux ainsi mettre à profit mes connaissances et mon expérience en matière de litige, droit des assurances, corporatif, contractuelle, propriété intellectuelle. Le grand message de Steve Jobs lors de la collation des grades de Stanford en 2005 était : « At some point, you will connect the dots ». Et c’est mon cas aujourd’hui !

Quels sont vos critères pour choisir les cabinets externes ?

Selon Me Nicole Chouinard, les entreprises embauchent de plus en plus de juristes car ils connaissent mieux les besoins de l’entreprise, coûtent moins cher et sont disponibles en tout temps.
Selon Me Nicole Chouinard, les entreprises embauchent de plus en plus de juristes car ils connaissent mieux les besoins de l’entreprise, coûtent moins cher et sont disponibles en tout temps.
Nous externalisons peu nos dossiers, et uniquement quelques litiges car ils surviennent partout en Amérique du Nord. C’est notre compagnie d’assurance avec laquelle nous avons développé une relation de confiance depuis de nombreuses années qui sélectionne les cabinets externes en collaboration avec nous. Nous discutons ensemble de la stratégie mais il nous revient de gérer le dossier avec les firmes externes qui sont de taille et de spécialités variées.

Les critères de choix sont la relation de confiance avec la personne et le rapport coût/qualité du service. On engage l’avocat au dossier. Quand la relation de confiance est là, les coûts sont raisonnables et quand les services sont de qualité, il est plus facile d’accepter les coûts.

Nous n’avons pas de système d’évaluation, on y va dossier par dossier. Le volume de litiges n’est pas assez important pour établir des règles en matière de facturation, nous sommes donc facturés à l’heure. Mais les factures sont examinées dans le détail et nous posons des questions en cas de préoccupations.

Quels sont les avantages à embaucher un avocat en interne ?

Aujourd’hui les coûts exorbitants facturés par les cabinets externes minent terriblement la relation avec le client et font en sorte qu’il devient intolérant. Si un avocat me charge 800$ de l’heure et qu’il oublie une clause dans une entente, c’est tolérance 0.

Les entreprises embauchent ainsi de plus en plus de juristes car ils connaissent mieux les besoins de l’entreprise, coûtent moins cher et sont disponibles en tout temps. Les services rendus sont ainsi adaptés. C’est la valeur ajoutée d’un avocat en interne.

Si l’on veut une compétence spécifique, très pointue, on va la chercher à l’externe. Ainsi, en cabinet, la spécialisation est plus importante qu’à l’interne, surtout pour rester à long terme. La plus-value se trouve dans le partage de l’expertise juridique avec les autres avocats, ce qui nous manque ici.

Quelles sont les qualités du juriste chez Ipex ?

Ipex a une forte culture entrepreneuriale, les avocats doivent donc rapidement comprendre les enjeux de la compagnie et se préoccuper de ce qui est essentiel.

Être attentif au besoin du client est primordial. « We exist for the customer » est notre logo qui est aussi ancré au sein du département juridique. Par exemple, nous expliquons les clauses que nous refusons dans un contrat ou, en cas de réclamation sur un produit mal installé, nous prenons le temps de démontrer pourquoi ce n’est pas de notre responsabilité, afin que le client comprenne notre position.

Les avocats doivent avoir une bonne capacité de simplifier, d’exposer les problématiques et d’y répondre rapidement, dans la même journée ou sous 24 heures souvent. Il faut pouvoir aussi sauter d’un type de dossier à un autre. Enfin, un bon esprit d’équipe est important pour moi.

Envisagez-vous de revenir en pratique privée ?

On me pose souvent la question… J’aime ce que je fais chez Ipex, mais l’interaction avec les autres avocats dans un cabinet me manque ainsi que la diversité de la clientèle qui apporte différentes façons de voir. Mais en entreprise, je suis au cœur de l’action ! Il y a donc du pour et du contre dans les deux.

Quel avantage tirez-vous d'être membre de l'ACC ?

Je suis vendue à l’ACC ! Je me sens moins seule dans ma pratique au quotidien avec cette somme intarissable d’informations (articles de doctrine, modèles de contrats, etc.) sur des sujets que je choisis en fonction de mes besoins et qui me permettent de me garder à jour sur l’actualité. Les conférences sont très professionnelles. Actuellement, les informations de l’ACC nous aident à cibler les enjeux d’un projet d’exposition de nos produits sur un site internet et à l’adapter.
18766

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires