Commission Charbonneau: qu’en pensent les avocats?

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Daphnée Hacker-b.

2014-09-19 15:00:00

Alors que la commission Charbonneau a mis fin aux audiences publiques, des avocats critiquent le travail des procureurs, écorchant au passage Me Sonia Lebel…

Me Daniel Rock a représenté un des témoins-clés, Bernard Trépanier
Me Daniel Rock a représenté un des témoins-clés, Bernard Trépanier
Lorsqu’il parle de la commission Charbonneau, Me Daniel Rock ne mâche pas ses mots. « La commission a eu trop de pouvoirs, les avocats des témoins ne pouvaient rien faire, c’est devenu une inquisition! », lance l’avocat qui a représenté un des témoins-clés, Bernard Trépanier, l’ex-trésorier du parti de Gérald Tremblay (aussi surnommé « Monsieur 3% »).

Me Rock, qui a été le premier juriste à faire une sortie publique contre la commission, il y a un an de cela, n’en démord pas : à ses yeux, les procureurs de la commission ont trop souvent manqué de respect aux témoins, désireux d’offrir « un bon spectacle télévisé ». « Vous n’avez aucune idée combien de membres de la législature étaient heureux de ma sortie, ils ont été nombreux à me dire qu’il était temps que quelqu’un parle », confie-t-il.

Celui qui affirme « bien connaître » la commissaire en chef France Charbonneau ne lui réserve pas pour autant des mots tendres. « Parfois, même la juge Charbonneau traitait les témoins de menteurs… Ce n’est pas ça une commission d’enquête ça ! Il faut garder de la sérénité », dit-il sur un ton exaspéré.

Me Lebel et les procédures dans la mire

Me Danièle Roy, présidente de l'Association des avocats de la défense de Montréal
Me Danièle Roy, présidente de l'Association des avocats de la défense de Montréal
Me Rock admet avoir trouvé la procureure en chef de la commission, Sonia Lebel, particulièrement « acariâtre » lors des interrogatoires. « Quand tu es face à des gens qui n’ont pas été officiellement accusés, ni déclarés coupables, tu n’es pas en droit de les traiter comme des va-nu-pieds ». Contactée par Droit-inc, Me Lebel a décliné la demande d’entrevue.

Sur un ton plus réservé, Me Danièle Roy, présidente de l'Association des avocats de la défense de Montréal, admet qu’il y a eu durant les audiences de la commission des « commentaires déplacés et des scènes disgracieuses qui n’ont pas leur place dans une salle de justice ». Elle explique avoir « un goût amer » par rapport aux procédures et aux règles de la commission, qui ont grandement restreint la possibilité de tenir des contre-interrogatoires.

« Des réputations ont été tâchées, en se basant sur du double, du triple ouï-dire, sans possibilité de se défendre », déplore-t-elle. À son avis, la tenue de contre-interrogatoires aurait permis d’avoir un éclairage plus complet sur certains témoignages, particulièrement ceux des personnes qui bénéficiaient d’une immunité pour avoir collaboré.

Me Roy s’inquiète surtout de l’« image déformée du système de justice » qu’a renvoyée la commission Charbonneau durant plus de deux ans dans les écrans des Québécois. « Les gens ne font pas nécessairement la différence entre les procédures d’une commission d’enquête et celles d’une salle de cour », ajoute-t-elle.

« La commission donne l’impression au public que tous les avocats agissent de la sorte… Nous les membres du Barreau ont à l’air de quoi? » s’exclame pour sa part Me Rock.

Un avocat réplique

Pour Me Laprise, il a déjà vu pire.
Pour Me Laprise, il a déjà vu pire.
Me Sébastien Laprise, du cabinet Langlois Kronström Desjardins, qui conseille plusieurs organismes publics dans les processus d’octroi de contrats, ne partage pas la même opinion que les avocats de la défense. « Je n’ai pas été témoin de manque de respect de la part des procureurs… J’ai vu des témoins se faire pas mal plus brasser lors de procès », soutient-il

Selon Me Laprise, la commission n’est pas le « lieu tout indiqué » pour rétablir la réputation d’une personne malmenée. « La commission Charbonneau avait comme mandat de mettre à jour les stratagèmes, la mission est accomplie », résume-t-il.

« Oui, le mandat aurait peut-être pu être prolongé, certains témoins auraient peut-être dû être appelés… Ces questions sont légitimes, mais je crois qu’en général, les procureurs et la commissaire Charbonneau ont assez d’informations pour formuler des recommandations pertinentes », explique-t-il.

La commission télévisée aura permis au public de prendre conscience du système de collusion et de corruption qui a perduré durant des décennies dans le monde de la construction. « Les choses sont en train de changer, et c’est grâce à cette prise de conscience globale », conclut-il.
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