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Prenez garde aux chasseurs !

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Emeline Magnier

2014-11-26 15:00:00

Ils traquent leurs proies en leur faisant du chantage au litige dans le but de leur soutirer de l’argent. Qui sont-ils ? Comment opèrent-ils ? Bienvenue dans le monde des chasseurs de brevets...

Ils ont peut-être animé les contes que vous lisiez plus jeune voir même hanté vos rêves d'enfant. Vous pensiez leur avoir échappé une fois l'âge de raison dépassé et pourtant, les trolls pourraient ressurgir dans le cadre de votre pratique au grand dam de vos clients.

Les « patents trolls », autrement appelés « chasseurs de brevets », sont des entités qui ne commercialisent aucun service ni produit. Leur modèle d'affaires repose sur la détention de brevets et la poursuite judiciaire d'entreprises qu'ils accusent de contrefaçon dans le but d'obtenir le versement de royautés.

« Les chasseurs de brevet fonctionnent avec une logique de chantage au litige et espèrent obtenir un règlement en concédant une licence d'un montant moins important que le coût d'un litige », explique Alexandra Daoud, agente de brevet et associée chez Norton Rose Fulbright.

Qui sont les chasseurs de brevets ?

Ses entités inactives peuvent être de tailles très variables. Certaines sont de réels consortiums très puissants qui comptent plusieurs milliers de brevets à leur actif. On peut citer par exemple le consortium formé par Apple Microsoft et Sony qui a acquis le portefeuille de brevets de Nortel en 2011 à la suite de la vente de l'ensemble de ses actifs.

D'autres engagent des ingénieurs et informaticiens chargés d'obtenir des brevets sur des inventions sans les exploiter tandis que des entités de taille plus réduite vont offrir leurs services à des propriétaires de brevets pour traquer les entreprises susceptibles de prendre une licence.

Comment fonctionnent-ils ?

Mme Alexandra Daoud est agente de brevet et associée chez Norton Rose Fulbright.
Mme Alexandra Daoud est agente de brevet et associée chez Norton Rose Fulbright.
De manière générale, les chasseurs de brevets optent pour une approche large et non ciblée en envoyant des centaines de lettres types pour harponner leurs proies.

« Il s'agit de correspondances très génériques dans lesquelles les chasseurs identifient le numéro de brevet mais ne font aucune référence au produit développé par l'entreprise cible ni aucune comparaison entre le produit et le brevet pour établir la contrefaçon », poursuit Mme Daoud.

Qui sont leurs cibles ?

Les chasseurs de brevets n'ont qu'un seul objectif : faire de l'argent. « Ils peuvent chercher à obtenir 1.000.000 de dollars d'une entreprise ou 1.000 dollars de 1.000 entreprises.»

De grandes entreprises technologiques - telles que Research in Motion poursuivie par NTP inc aux États-Unis en 2001- étaient les cibles privilégiées de ces entreprises de litige, mais depuis quelque temps, les start-up sont également entrées dans leur ligne de mire. « Les jeunes entreprises sont souvent plus vulnérables et ont moins de moyens pour se défendre », ajoute l'agente de brevet.

Une industrie au complet peut aussi être visée les chasseurs qui misent alors sur l'effet d'entraînement. « Si une entreprise cède au chantage au litige, les autres seront plus portées à céder aussi.»

Et pas besoin d'opérer dans un secteur de pointe pour croiser la route des chasseurs. « Des sociétés qui utilisent de la technologie de base comme des scanners ou des cartes de fidélités sont aussi des cibles. Ça peut être des hôtels ou des restaurants.»

Quel est leur terrain de chasse ?

Ce phénomène est né au États-Unis, une terre propice au chantage aux litiges considérant les coûts afférents aux procédures judiciaires. Mais depuis quelques années, la pratique a franchi la frontière et commence à se propager au Canada, notamment dans l'industrie pharmaceutique, un marché important dans le pays.

Des règlements survenus après l'introduction de procédures ont été enregistrés, mais aucune jurisprudence n'est encore connue, précise Alexandra Daoud. « Dans les trois dernières années, un chasseur a déposé une trentaine de poursuites au Canada mais aucune n'a procédé pour le moment.»

Les chasseurs américains et canadiens priorisent souvent une procédure aux États-Unis et les entreprises canadiennes qui y développent des activités sont alors des proies toutes trouvées.

Comment leur faire face ?

« Si une entreprise reçoit une lettre d'un chasseur de brevet, il ne faut pas y donner suite. Cette tactique leur permet d'identifier les cibles intéressantes. Celles qui ne répondent pas ont une chance de rester sous le radar. »

Si la correspondance reçue identifie le produit exploité et expose des éléments caractérisant la contrefaçon, il est alors préférable de consulter un avocat en propriété intellectuelle ou un agent de brevet. « Nous allons vérifier s'il y a un risque de contrefaçon et analyser la validité du brevet et les antériorités éventuelles », poursuit la spécialiste.

Un des moyens de défense des entreprises cibles est de remettre en cause le brevet du chasseur qui peut être trop large. « Si le brevet est invalidé, aucune royauté ne pourra être réclamée. »

Comment prévenir ces attaques ?

Il faut être proactif avant de commercialiser un produit et effectuer des recherches poussées sur les inventions brevetées pour éviter tout risque de contrefaçon.

Il est également important que les détails techniques d'un produit ne soient pas accessibles. « La description et la spécificité du produit sont la ligne de défense de l'entreprise poursuivie en contrefaçon. On ne veut pas que le chasseur y ait accès trop tôt », conclut Alexandra Daoud.
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