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Investissement et concurrence : Analyse du rapport Wilson

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Peter Franklin

2008-07-09 10:00:00

Le 26 juin dernier, le Groupe d’étude sur les politiques en matière de concurrence (le « Groupe d’étude ») a déposé son rapport intitulé « Foncer pour gagner ».

Le rapport renferme un certain nombre de recommandations importantes visant à améliorer la compétitivité et la performance économique de l’économie canadienne.

Le rapport propose un « programme de compétitivité pour le Canada » conçu en vue d’améliorer la productivité du Canada par le renforcement de son intensité concurrentielle.

Dans l’ensemble, le rapport est rationnel et audacieux et il présente un certain nombre de recommandations positives sur le fonds et la forme dans des secteurs mûrs pour une réforme.

Outre la recommandation de changements importants aux lois canadiennes en matière d’investissement étranger et de concurrence, le rapport propose des changements qui viendraient réduire ou éliminer certaines restrictions quant à la propriété étrangère propres à un secteur d’activités.
Voici les principales recommandations du rapport.

Loi sur Investissement Canada

• Bien que le rapport ne recommande pas une réduction de la portée de la Loi sur Investissement Canada (la « LIC ») comme le recommandaient certains (p. ex., exiger l’obtention de l’approbation d’Investissement Canada uniquement pour les entreprises culturelles), si elles sont mises en œuvres, les recommandations auraient une incidence sur le nombre de transactions assujetties à l’examen du gouvernement en raison de l’augmentation du seuil déclencheur d’examen (pour toutes les transactions ne portant pas sur le secteur culturel) à 1 milliard de dollars (le seuil actuel est de 295 millions de dollars) en fonction de la valeur d’entreprise de l’entreprise acquise (plutôt que de ses actifs bruts, comme c’est le cas à l’heure actuelle). Le Groupe d’étude indique que ce seuil plus élevé est conforme à son point de vue selon lequel l’envergure d’intervention devrait être plus ciblée et qu’il répondrait à la prémisse sous-jacente que l’investissement étranger avantage le Canada, sauf dans certains cas particuliers.

• Dans l’une de ses plus importantes propositions du rapport, le Groupe d’étude recommande de renverser le fardeau de la preuve et d’exiger que le gouvernement démontre qu’une transaction envisagée irait à l’encontre de l’intérêt national du Canada avant de refuser la transaction plutôt que d’exiger de l’investisseur étranger qu’il fasse la preuve que la transaction constitue un « avantage net pour le Canada ».

• Déterminer une exemption de minimis pour les transactions mettant en cause des entreprises culturelles si les activités culturelles ne sont qu’accessoires et ne représentent que moins de 10 millions de dollars ou, si ce montant est inférieur, que moins de 10 % des revenus bruts.

• Comme prévu, le rapport ne traite pas de l’inclusion d’un critère de « sécurité nationale » dans la LIC. Toutefois, le Groupe d’étude ne donne pas explicitement son appui à l’intention du Ministre de mettre en place de nouvelles exigences pour les transactions soulevant des préoccupations au titre de la « sécurité nationale » et suggère que ce processus d’examen tienne compte de celui qui est utilisé par le Comité sur les investissements étrangers des États-Unis. Le Groupe d’étude a également « bien accueilli » la récente clarification du Ministre portant sur l’application de la LIC aux entreprises de la Couronne.

Loi sur la concurrence

Bien qu’il reconnaisse que la Loi sur la concurrence est reconnue mondialement comme étant à la fois « moderne et flexible » et qu’elle ne fait pas obstacle à la compétitivité du Canada dans son ensemble, le Groupe d’étude a conclu que la modification de certaines dispositions des lois canadiennes sur la concurrence pourrait entraîner des améliorations à long terme de la productivité canadienne. Le Groupe d’étude a recommandé les changements suivants :

• Faire correspondre davantage le processus d’avis de fusion à son équivalent des États-Unis au moyen de l’établissement d’une période initiale d’examen de 30 jours, assortie d’une « deuxième étape » d’examen discrétionnaire qui prolongerait le processus jusqu’à 30 jours après avoir répondu à une « deuxième demande » d’information. Cette mesure pourrait accroître la certitude des délais et simplifier le processus d’examen des grandes fusions extraterritoriales. Les incidences sur les grandes fusions à l’échelle nationale ne sont pas aussi évidentes.

• Ramener de trois ans à un an la période pendant laquelle le commissaire peut remettre en question une fusion déjà terminée.

• Abroger les dispositions désuètes en matière criminelle sur la discrimination des prix, les allocations promotionnelles et les ventes à prix abusif et remplacer les dispositions actuelles sur les complots criminels (qui exigent la preuve d’un effet « injuste » sur la concurrence) par une disposition criminelle per se pour prendre des mesures contre les activités des grands cartels et par une disposition civile fondée sur les effets pour agir contre d’autres types d’ententes entre concurrents.

• Remplacer les dispositions criminelles actuelles sur le maintien du prix per se par une nouvelle disposition civile, fondée sur les effets (et accorder un droit privé d’application de cette nouvelle disposition).

• Prévoir des sanctions administratives pécuniaires pouvant atteindre 5 millions de dollars en cas d’activités anticoncurrentielles par des participants au marché en position dominante (à l’heure actuelle, le Tribunal de la concurrence ne peut rendre que des ordonnances prescriptives; il ne peut pas imposer de sanctions économiques).

• Abroger les règles et sanctions « Air Canada » sur l’abus de position dominante touchant expressément le secteur du transport aérien.

Recommandations propres à certains secteurs

Le rapport recommande un relâchement dans les restrictions sur la propriété étrangère dans plusieurs secteurs d’activités :

• Dans le transport aérien, augmenter le plafond de propriété étrangère à 49 % des actions avec droit de vote sur une base réciproque, accélérer les négociations « ciel ouvert » avec l’Union européenne et examiner la possibilité que des investisseurs étrangers puissent fonder des transporteurs aériens intérieurs constitués en personne morale au Canada.

• Libéraliser la propriété d’installations d’extraction de minerai d’uranium par des non-résidents, à condition qu’une nouvelle loi sur la sécurité nationale soit adoptée et que les Canadiens obtiennent un accès à des marchés de développement de ressources d’uranium à l’étranger ou un accès à des technologies de traitement de l’uranium servant à la production de combustible nucléaire destiné à des centrales nucléaires.

• Adopter une approche en deux étapes pour accroître la participation étrangère à l’industrie des télécommunications et de la radiodiffusion en permettant aux entreprises étrangères d’établir une nouvelle entreprise de télécommunications au Canada ou d’acquérir une entreprise de télécommunications existante ayant une part de 10 % ou moins du marché et, ensuite, examiner les politiques touchant la radiodiffusion et la culture, en vue d’assouplir les restrictions quant aux investissements dans les secteurs des télécommunications et de la radiodiffusion de façon « neutre sur le plan de la concurrence ».

• Faciliter la fusion de banques en mettant fin à l’interdiction de facto entourant la fusion de banques et de compagnies d’assurance ainsi que la diversification « interpilier », lorsqu’il s’agit de grandes institutions financières, tout en maintenant la règle de « participation multiple » applicable aux grandes institutions financières (qui empêche une personne d’être propriétaire de plus de 20 % des actions avec droit de vote et de 30 % des actions sans droit de vote)

Par Peter Franklyn, associé au bureau de Toronto d’Osler et président du groupe de droit de la concurrence du cabinet.
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