Entrevues
Tétraplégique et sans limites
Daphnée Hacker-b.
2015-03-30 15:00:00
Ce n’est pas le premier avocat en chaise roulante. Mais probablement un des seuls à poursuivre une carrière en droit malgré sa tétraplégie. Pour Alexandre Poce, immobilité, ça ne rime pas avec immobilisme…
« Tout est possible, un jour à la fois », lui répétait sa mère. C’est avec cette philosophie de vie qu’il a survécu à la « période noire » qui a suivi son accident, le 14 mars 1987, et qu’il a décidé deux ans plus tard d’entamer des études en droit.
La chute de hockey qui a fait basculer sa vie, elle est gravée dans sa mémoire. « Il restait 2 minutes 43 secondes à la partie, je me lance tête première pour aller chercher la rondelle, je percute la bande, puis j’entends un craquement dans mon cou, puis c’est noir…», se remémore-t-il.
Auteur et conférencier prisé, il raconte son histoire à qui veut bien l’entendre, des élèves du secondaire aux jeunes hockeyeurs, en passant par les vendeurs d’assurance. Quand il est temps de rappeler l’importance de poursuivre ses rêves, Me Poce est sur toutes les tribunes.
Depuis 2013, il est aussi conseiller municipal de la municipalité de Blainville. « J’avoue que mon horaire commence à être très chargé. Surtout que j’ai de plus en plus de clients au cabinet », souligne celui qui est aussi PDG de la Fondation du Centre de réadaptation Lucie-Bruneau.
L’arrivée en cabinet
Le parcours en droit d’Alexandre Poce n’est pas si « rose ». Après avoir fait des études à l’UQAM et à l’École du Barreau, où il a fait un stage au ministère fédéral de la Justice, Me Poce applique pour divers postes. « Nous étions en 1997, je crois que l’ouverture d’esprit des cabinets était peut-être moins grande qu’aujourd’hui. Des gens étaient mal à l’aise avec mon handicap… J’ai décidé de partir à mon compte.»
Au bout de deux ans en pratique solo, il décide de s’impliquer à la Fondation André Senécal, devenue Fondation pour la recherche sur la moelle épinière. Son énergie et son sens de l’organisation en impressionnent plusieurs, il devient vite directeur général. C’est durant ces années qu’il rencontre Me François Alepin, qu’il convainc de devenir président.
« C’est devenu un ami, un confident. Et lorsque j’ai eu envie d’un nouveau défi, il m’a encouragé à retourner vers le droit et à joindre son bureau. J’ai foncé ! » lance-t-il. En plus de devoir se familiariser à nouveau avec les notions de droit, il a décidé de se développer une expertise en responsabilité médicale et en accident de la route, sachant qu’il comprend d’emblée les complexités qui peuvent suivre un accident.
Appelé à aller au tribunal, comment se sent-il devant les magistrats ? Ses pairs ? L’impression d’être jugé ? « Non. Car je sais comment approcher les gens, les rendre confortables. Je ne suis plus du tout gêné de ma situation, et ça ne fait que susciter le respect de mon entourage », explique Me Poce.
« Il faut le traiter comme les autres »
Sur le site Internet du cabinet Alepin Gauthier, la photo d’Alexandre Poce ne montre pas sa chaise roulante, ni son respirateur artificiel. On pourrait croire qu’il est « comme les autres ». C’est voulu, explique le cofondateur du cabinet, François Alepin. « Pour moi, c’est important de traiter Alexandre comme les autres, car même s’il a sa particularité, ça ne change en rien son professionnalisme et son incroyable énergie », dit-il.
Me Alepin estime que l’arrivée au bureau de Me Poce a eu un effet très positif sur l’équipe, « ça nous humanise », avance-t-il, « ça nous aide à mettre en perspective nos propres difficultés ».
Est-ce que le milieu du droit intègre suffisamment les personnes en situation de handicap ? « Je ne détiens pas une réponse précise à cette question, mais je dirai à tous les employeurs ceci. Chaque employé a ses particularités et ses limites. Reste toujours à considérer sa capacité à s’adapter au milieu », répond-il, ajoutant du même souffle: « Alexandre, il a peut-être un handicap physique, mais il a surtout une détermination contagieuse ».
Comment maniez-vous les objets ? J’ai un bâton buccal qui me permet de faire plusieurs choses, taper à l’ordinateur, lire des documents, écrire, répondre au téléphone, etc.
Comment fonctionnez-vous au bureau ? Pour toutes les tâches que je ne peux pas faire, comme la photocopie de documents, c’est mon assistant Jean-Philippe Éthier qui m’aide.
Vivez-vous seul à la maison ? Oui, mais j’ai de l’assistance pour les repas, ainsi que pour me coucher et me lever. Un système technologique « par le souffle » m’aide au contrôle de l’environnement : je peux allumer les lumières, ouvrir la porte ou encore changer les postes de télévision.
Publier un nouveau commentaire