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L’avocat bien aimé du ministère de la Santé

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Agence Qmi

2015-03-30 14:46:00

La dépendance du gouvernement envers les consultants ne se limite pas au domaine informatique : un avocat du privé a vu son contrat être renouvelé sans appel d’offres depuis plus de 11 ans…

Me Pierre Larrivée
Me Pierre Larrivée
Ce contrat visant le recours aux services de Me Pierre Larrivée, un avocat spécialisé en santé et en informatique, a été renouvelé à répétition même après la dissolution de l’organisme qui avait signé le contrat avec lui, a découvert le Bureau d’enquête de l’Agence QMI.

Sa conjointe et haute fonctionnaire Josée Noreau a été la directrice générale de la SOGIQUE (organisation responsable des projets informatiques du ministère de la Santé). Cet organisme a participé à la reconduction continuelle du contrat de Me Larrivée.

Le ministère de la Santé n’a jamais voulu nous préciser le nombre d’heures qu’il a travaillé chaque année ni le montant total du contrat.

Chose certaine, l’entente prévoit toujours au moins 1500 heures (700 heures pour avocats et 800 pour techniciens) de services juridiques chaque année pour Me Larrivée et son équipe du privé. Le contrat a ainsi facilement franchi le cap du million de dollars.

L’avocat agit à titre de « responsable » du contrat. Il nous a dit exiger des honoraires d’environ 200 dollars l’heure aujourd’hui et 160 dollars l’heure en 2008.Il précise que ce n’est pas lui qui réalisait toutes les heures du contrat.

De fonctionnaire à consultant

L’histoire de ce consultant remonte à 1999. Me Larrivée était alors fonctionnaire, à titre de directeur juridique de la Conférence des régies régionales de la santé, un organisme public.

Cet organisme décide alors de lancer un en appel d’offres pour embaucher un avocat du privé afin d’aider Me Larrivée dans son travail de directeur juridique.

L’avocat dit ne pas avoir influencé le processus d’appel d’offres, mais la Conférence lui a alors demandé de fournir une liste de firmes qui pourraient soumissionner, a-t-il admis.

C’est la firme Pothier Delisle qui a remporté le contrat de cinq ans.

Par la suite, Me Larrivée quitte son poste de fonctionnaire et passe au privé avec, justement, la firme Pothier Delisle.

Il deviendra alors le représentant de la firme pour le contrat. Son poste de directeur juridique au public ne sera pas remplacé lors de son retour dans l’organisme en tant que consultant, a-t-il confirmé.

Contrat toujours renouvelé

Le contrat s’est terminé en 2004, mais ses services ont été reconduits jusqu’en fin 2005, puis jusqu’en fin 2008, puis jusqu’en fin 2012, puis jusqu’en fin 2013, puis jusqu’en fin 2014 et, finalement, jusqu’en fin 2015.

Mais ce devrait être la dernière année, a expliqué le sous-ministre en titre à la Santé, Michel Fontaine.

Le service d’accès à l’information du ministère a fourni les contrats, mais a caviardé le montant des honoraires versés à Me Larrivée. Concernant le montant total des contrats, le ministère a mis un mois à répondre... que le Bureau d’enquête devait reformuler une demande d’accès à l’information qui s’est avérée infructueuse.

Sous contrat pour un organisme qui n’existe plus

Le contrat pour le recours à Me Larrivée a été signé avec un organisme qui n’existe plus depuis trois ans. Pourtant, le gouvernement a gardé l’avocat sous contrat et il l’est toujours.
La SOGIQUE a en effet été dissoute et intégrée au ministère à la fin 2012. Mais dans le contrat de Me Larrivée, une clause stipulait que pour mettre fin à l’entente, il devait y avoir un préavis d’un an.

La dissolution de la SOGIQUE a été annoncée sans avertissement en février 2012. On aurait donc pu s’attendre à ce que le préavis soit donné à ce moment-là par le ministère. Mais non seulement ce dernier ne l’a pas fait en 2012, mais il ne l’a pas fait non plus en 2013. Donc l’année de l’écoulement du préavis a finalement été... 2014.

Long transfert de connaissance

Son contrat devrait donc être terminé officiellement depuis le 31 décembre dernier. Mais le Bureau d’enquête a appris que ce n’était pas le cas. Il est encore employé pour l’année 2015, avec les mêmes conditions.

Le ministère a d’abord expliqué qu’il s’agissait d’un nouveau contrat de gré à gré pour l’année en cours. Ce contrat n’a jamais été rendu public.

Mais les relations médias du ministère n’avaient pas dit la vérité. Une demande d’accès à l’information a finalement révélé qu’il s’agissait, encore, du renouvellement du même contrat, même si le préavis avait été donné.

Le ministère voulait ainsi garder l’avocat afin qu’il réalise du « transfert des connaissances » à des employés du ministère.

Ainsi, même si le ministère sait depuis février 2012 qu’il doit développer cette expertise à l’interne, ce transfert n’a tellement pas avancé que l’avocat est toujours sous contrat, trois ans plus tard, pour continuer à partager ses connaissances.

« J’ai agi en toute bonne foi »

Tant Me Pierre Larrivée que sa conjointe Josée Noreau se sont défendus vigoureusement quant à la situation de l’avocat. Indiquant qu’étant donné son expérience, ses honoraires ne sont pas élevés, Me Larrivée a souligné que les avocats sont rarement embauchés par appel d’offres au public. Il a tenu à défendre son intégrité et mentionné qu’« il n’y avait rien de croche ».

Si le ministère a décidé de renouveler son contrat sans appel d’offres, ça regarde d’abord le ministère, nous a expliqué celui qui a accepté de nous rencontrer et de répondre à toutes nos questions.

Lorsque la SOGIQUE a renouvelé son contrat pour cinq ans en 2008, Josée Noreau, sa conjointe, était alors la directrice générale de cet organisme spécialisé en informatique. Cette ancienne candidate libérale et conseillère de Jean Charest est présentement vice-présidente du Centre des services partagés du Québec. Même si elle avait bien peu d’expérience ni de formation en informatique, elle a été nommée à la direction de la SOGIQUE en 2006 et elle a conservé ce poste jusqu’en 2012.

Documents à l’appui, elle nous a expliqué avoir signalé l’apparence de conflit d’intérêts au président du conseil d’administration de la SOGIQUE à l’époque. Des mesures ont été prises afin que Mme Noreau ne soit jamais impliquée dans les négociations concernant le recours à Me Larrivée.

« Dans le respect des règles »

Pour montrer patte blanche, Mme Noreau a admis qu’un document concernant son conjoint portait sa signature, mais il ne concernait pas le choix de l’avocat. Il visait plutôt à assurer des plus bas tarifs à son organisme pour le recours à Me Larrivée.

« J’ai agi en toute bonne foi et transparence, s’est-elle défendue. J’ai tout fait dans le respect des règles. Tout le monde était au courant de cette situation. S’il y avait eu quoi que ce soit de pas correct, pensez-vous que tous ces gens là m’auraient laissée aller ? »

Selon le ministère, il était inutile de retourner en appel d’offres toutes ces années puisqu’il avait en Me Larrivée un avocat qualifié à un tarif bas.
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