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Le Protecteur du citoyen, un recours simple et efficace

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Jean-claude Paquet

2015-05-26 11:15:00

Selon cet avocat à la retraite, pour permettre aux clients d’Hydro-Québec de faire valoir efficacement leur plainte, la société d’état devrait être soumise à la compétence du Protecteur du citoyen..

Jean-Claude Paquet est un avocat la retraite, auteur de « L’ombudsman au Québec »
Jean-Claude Paquet est un avocat la retraite, auteur de « L’ombudsman au Québec »
Mme Stéphanie Grammond a bien décrit le mur auquel fait face tout client d’Hydro-Québec aux prises avec un problème le moindrement complexe, qui ne trouve pas satisfaction par une plainte au service à la clientèle de cette société d’État.

Ce problème, c’est l’absence d’un recours simple, gratuit, accessible, rapide, sans formalités, sans besoin d’un avocat, à un organisme impartial et indépendant dont le rôle premier, voire unique, est d’intervenir lorsqu’un citoyen ou client d’une telle société subit une « lésion », un préjudice à la suite d’un geste ou d’une inaction de celle-ci, ou est aux prises avec un problème de qualité des services. Or, ce recours existe au Québec depuis 1968 et c’est la plainte au Protecteur du citoyen!

Mme Nathalie Vachon, attachée de presse chez Hydro-Québec a fait un vaillant effort pour nous convaincre que la Régie de l’Énergie peut protéger les clients d’Hydro-Québec « au meilleur coût possible et avec un mécanisme efficace de traitement des plaintes ».

Rappelant que la Régie est « une instance disposant d’un pouvoir quasi judiciaire », elle affirme que l’appel à cet organisme, qui joue d’abord un rôle de régulation économique et dont la compétence première est de statuer sur les tarifs de l’énergie et de l’électricité, constitue un système qui fonctionne bien. Mais pour qui ?

Je n’ai aucun doute sur le bon fonctionnement de cet organisme dans l’exercice de sa compétence à l’égard des entreprises et sociétés du domaine de l’énergie, et même quant aux plaintes des très rares clients d’Hydro-Québec qui ont le temps, le courage et les moyens de s’y adresser pour régler un problème, après avoir franchi le système à paliers multiples que représente le service à la clientèle d’Hydro. Mais il ne peut en aucun cas se comparer, de par son rôle de tribunal et de régie, à un ombudsman.

Qu’il suffise de se référer à la brochure de la Régie, « Votre plainte à la Régie de l’énergie; toutes les étapes pour bien vous préparer », qui explique en 20 pages comment le faire. Mentionnons les frais de 30 dollars pour déposer la plainte, le passage sur « le choix d’être représenté par avocat », où l’on explique que « le distributeur sera presque toujours représenté par avocat » et que « la Régie ne paie pas les honoraires de votre avocat ».

Quant au cheminement de la plainte, un schéma le décrit en neuf étapes, qui culminent par le déroulement de l’audience, en passant par l’assermentation des témoins, leur témoignage, interrogatoire, contre-interrogatoire par les parties et l’avocat de la Régie, les plaidoiries etc.. Un système sans doute efficace pour les entreprises et Hydro-Québec, où les avocats (dont je suis...) sont particulièrement à l’aise !

Un processus de traitement des plaintes plus accessible

Comparons le fonctionnement de ce tribunal avec celui de l’ombudsman parlementaire du Québec, le Protecteur du citoyen, qui offre un recours simple, gratuit, sans formalités compliquées, qui fait lui-même sa propre enquête, rigoureuse et objective, écoutant toutes les parties concernées, transmettant par la suite ses recommandations, dont 98% sont acceptées, aux autorités concernées, afin qu’elles corrigent la situation le plus rapidement possible. On ne peut que constater qu’il serait de loin beaucoup plus facile et préférable de s’adresser à ce véritable ombudsman !

Quant à l’argument de l’attachée de presse voulant que « l’entreprise est visée par une loi qui lui est propre et est une société à volonté commerciale qui a son propre service à la clientèle », plusieurs des entités soumises à la compétence du Protecteur du citoyen sont aussi régies par leur propre loi constitutive, dont la CSST, la Régie des rentes, l’Autorité des marchés financiers etc., et agissent dans presque toutes les sphères de l’activité économique au Québec.

De plus, la plupart de ces ministères, organismes et sociétés d’État se sont dotés, outre d’un service à la clientèle classique, d’un mécanisme interne de traitement des plaintes ouvert et efficace, qui relève des plus hautes autorités et agit à la manière d’un ombudsman interne. Ce qui n’empêche pas le recours au Protecteur du citoyen, qui peut toujours agir sur plainte ou de sa propre initiative.

Enfin, en ce qui concerne l’aspect dit « commercial » du service d’Hydro-Québec, la Cour suprême du Canada a déjà rejeté avec force, en 1984, dans l’affaire Friedmann, l’argument voulant qu’une activité commerciale ne pouvait être soumise en principe à la compétence d’un ombudsman parlementaire, alors qu’une société d’État britanno-colombienne contestait la compétence de l’Ombudsman de la Colombie-Britannique.

D’ailleurs, les citoyens de l’Ontario et des autres provinces du Canada peuvent s’adresser à leur propre ombudsman quant aux activités et services des sociétés équivalentes à Hydro-Québec.

Comme le souligne Stéphanie Grammond, dont j’endosse les propos, il suffit, si on a la volonté politique, pour accorder ce recours simple et efficace aux clients d’Hydro-Québec, d’ajouter un alinéa à la Loi sur le Protecteur du citoyen.

L’Assemblée nationale vient d’ailleurs de soumettre Hydro-Québec à la compétence du Vérificateur général, autre mandataire de celle-ci, qui en exerce aussi le pouvoir de surveillance et de contrôle. Les clients d’Hydro-Québec bénéficieraient alors de la même protection qu’ils ont à l’égard des ministères, organismes et sociétés d’État déjà sous la surveillance du Protecteur du citoyen.

Jean-Claude Paquet est un avocat la retraite, auteur de « L’ombudsman au Québec » (2014). Il a été responsable des affaires juridiques au Protecteur du citoyen de 2001 à 2009.
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