Le médiateur se fâche!

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Jean H. Gagnon

2015-08-11 14:30:00

Le médiateur répond à certains commentaires postés sous des articles de Droit-inc en rappellant que la profession de médiateur est humble et en revenant sur son parcours personnel...

Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre
Me Jean H. Gagnon a plus de 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre
Dans les multiples échanges des dernières semaines sur Droit-Inc.com concernant la crise opposant Me Lu Chan Khuong, Ad.E., la Bâtonnière du Québec, et les membres du Conseil d’administration du Barreau du Québec, un intervenant écrivant sous le pseudonyme « Inspecteur Clouseau » me qualifiait de « régleux » alors qu’un autre écrivant sous le pseudonyme de « Anonyme » m’affublait des lettres « Ad.E., LL.B., O.C., O.Q., C.r. [sic], B.C.B.G. » à la suite de mon nom.

Ces commentaires me permettent de revenir aujourd’hui sur un aspect très important du rôle d’un médiateur : l’humilité.

Un plaideur qui gagne une cause difficile peut être fier et s’enorgueillir de ce résultat et de la qualité de son argumentation.

Une avocate en droit transactionnel peut tout autant être fière et s’enorgueillir de la signature d’une importante transaction au cours de laquelle elle a fait preuve de créativité, de détermination et de grandes qualités comme négociatrice.

Comme médiateurs, nous ne réglons pas un litige ou un différend : ce que nous faisons, c’est d’offrir aux parties et à leurs procureurs des opportunités !

Une opportunité de rétablir une communication. Une opportunité de vraiment se comprendre. Une opportunité de rechercher ensemble une solution à leurs différends. Une opportunité d’en arriver à une entente répondant mieux à leurs intérêts présents et futurs qu’un jugement ne le pourrait. Une opportunité de mettre fin immédiatement, plutôt que dans quelques années, à leurs différends.

Le médiateur offre un environnement sécuritaire et confidentiel, un encadrement professionnel (fondé sur ses habiletés, ses compétences, sa formation et son expérience) et une approche adaptée sur mesure à chaque situation, permettant aux parties, et à leurs avocat(e)s, de tirer pleinement avantage de ces opportunités.

Par contre, en médiation, ce sont les parties et leurs procureurs qui négocient (d’où la définition de « négociation assistée » que l’on donne souvent à la médiation).

«Le pouvoir de la médiation vient des parties»

Ce sont aussi les parties et leurs procureurs, et non le médiateur, qui décident de conclure, ou ne pas conclure, une entente (totale ou partielle), ainsi que des modalités de ce règlement.

Par conséquent, comme médiateur, nous ne pouvons donc nous attribuer le mérite d’une entente conclue au terme d’une médiation.

Le professeur en médiation et auteur Thomas Fiutak écrit d’ailleurs avec justesse dans son livre « Le médiateur dans l’arène : Réflexion sur l’art de la médiation » : « Mais d’où provient le pouvoir dans une médiation ? Il doit provenir des parties. Le médiateur n’est que le facilitateur du pouvoir potentiel des parties. […]. Lorsque le médiateur est dépassé ou guidé par son propre ego, la médiation est en péril. Les problèmes n’apparaissent pas dans l’arène de la médiation, car les parties ne peuvent apprécier l’intervention implicite ou explicite du médiateur. La corrosion de l’accord se fait le lendemain ou plus tard, lorsque l’une ou l’autre des parties s’aperçoit que l’origine de l’accord provient du médiateur et non d’elle-même. […] La durabilité des accords conclus risque alors d’être remise en question. »

Pour moi, la véritable réussite dans mon rôle de médiateur n’est donc pas mon taux de règlement (puisque, avec ou sans médiation, près de 90% des litiges se règlent avant le procès), mais le degré de satisfaction des parties et des procureurs qui ont fait appel à mes services quant à (i) la qualité de mon encadrement et de mon soutien à leurs efforts de négociation et de recherche d’une solution, et (ii) la qualité de la solution retenue au terme du processus, laquelle doit provenir des parties elles-mêmes et ne pas être la première solution acceptable, mais celle qui, après examen de plusieurs autres possibilités, est celle qui répond vraiment le mieux à leurs besoins et leurs attentes légitimes.

Ceci, combiné au fait que la médiation est un processus hautement confidentiel, fait en sorte que la profession de médiateur est une profession humble.

Nous sommes donc beaucoup plus des « aideux » que des « régleux ».

Pour revenir aux commentaires formulés à mon égard sur le site Droit-Inc.com, bien que je porte fièrement les lettres « Ad.E. à la suite de mon nom (lesquelles m’ont été octroyées beaucoup plus en raison de mon expertise en franchisage que pour mes qualités de médiateur, puisque les membres du comité qui octroie ce titre honorifique n’étaient pas en mesure d’évaluer mes qualités de médiateur en raison du fait que je préserve comme la prunelle de mes yeux la confidentialité de mes médiations).

Par contre, je n’ai pas le droit de porter celles de « O.C., O.Q. et C.r. », et ce n’est pas l’un de mes objectifs de l’obtenir (puisque, comme je l’écris ci-haut, la profession de médiateur est une profession « humble »).

Aussi, et contrairement à la plupart des avocates et avocats, je ne détiens aucun baccalauréat, ce qui fait en sorte que je n’ai même pas le droit de porter les lettres « LL.B. » (puisque, au moment de ma graduation en 1972 de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, l’on nous octroyait plutôt celles de « LL.L. »).

Enfin, après avoir grandi dans un quartier du sud-ouest de Montréal où très peu de personnes accepteraient de se promener à pied (et encore moins le soir) et dans lequel les différends se réglaient le plus souvent avec les poings, j’ai passé en 1970 quelques mois au Pénitencier fédéral Saint-Vincent-de-Paul (communément connu comme le « Vieux-Pen », heureusement fermé en 1988). Est-ce assez « B.C.B.G. » pour vous, Mme, Mlle, Me ou M. « Anonyme » ?

Évidemment, compte tenu des récents évènements au Barreau du Québec, je crois que, avec un tel antécédent, je ferai mieux d’oublier définitivement le poste de Bâtonnier du Québec.

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Bio

Avec 40 années d’expérience à titre d’avocat de négociateur, de médiateur et d’arbitre, Jean H. Gagnon est aussi l’un des pionniers du droit de la franchise au Canada. Il est également l’auteur de nombreux articles sur les moyens non judiciaires de prévention et de règlement des différends. Il est accrédité par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec, par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Canada, et par le Barreau du Québec.

Site internet: http://jeanhgagnon.com
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15 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Jean H. semble avoir pogné les nerfs
    Le calumet de la paix convient mieux à quelqu'un qui revendique l'humilité qu'une tempête dans un verre d'abréviations lancées avec humour.

    Quant à votre point de vue sur la médiation, il témoigne (surtout dans un contexte d'affaire) d'une vision assez naïve.

    Avant de pogner les nerfs, vous paraissiez très B.C.G.C. Maintenant, un petit peu moins, mais vous avez encore un score très élevé. Lâche pas Tiger!

    • Me Miville Tremblay, médiateur
      Me Miville Tremblay, médiateur
      il y a 8 ans
      Respect s.v.p.
      C'est facile de détruire dans l'anonymat! Essayez donc le silence Anonyme, nous en serons tous soulagés! Vos commentaires n'apportent rien alors que ceux de Me Gagnon cherchent à suggérer des solutions. Vous avez droit de ne pas partager son opinion, mais le respect demeure une valeur de civilité qui s'impose à nous tous...même dans l'anonymat un peu lâche.

  2. DSG
    Le médiateur se fâche!
    I think that the mediator and whoever wrote those comments that got him so angry should go to mediation.

    Seriously though; with all due respect if the court system wasn't so bogged down and if it operated they way it's supposed to operate, there wouldn't be a need for mediators. For a while there was a fad to have mediation clauses in commercial contracts so as to avoid lengthy court proceedings which were detrimental to fast moving business operations. For whatever reason, that fad is as dead as disco.

    • Dispute Resolution Lawyer
      Dispute Resolution Lawyer
      il y a 8 ans
      True, but
      You're right, but with the coming into force of the new C.p.c., I think it will see a resurgence. At the very least, the parties will try some kind of ''pro forma'' mediation before moving on to either arbitration or litigation or a transaction.

  3. Pigeon Dissident
    Pigeon Dissident
    il y a 8 ans
    belle réponse
    Félicitations Me.Gagnon. très belle réplique à tous ces gérants d'estrades.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    HAHAHA
    "Évidemment, compte tenu des récents évènements au Barreau du Québec, je crois que, avec un tel antécédent, je ferai mieux d’oublier définitivement le poste de Bâtonnier du Québec."

    Hahaha, elle est bonne. Si j'ai bien compris les commentaires, la question serait: était-ce avant ou après 1972 (parce que tout a changé à ce moment)?

  5. Pierre Chagnon, Bâtonnier
    Pierre Chagnon, Bâtonnier
    il y a 8 ans
    avocat
    Félicitations mon cher Jean pour tes propos. Et si jamais le poste de bâtonnier du Québec t'intéresse, je t'offre mes services de même que ceux de mon équipe qui est partout au Québec.

    • avocat
      avocat
      il y a 8 ans
      wow...
      Le directeur de campagne de Lu Chan propose dejà ses services à un autre poulain avant même la fin de ce conflit? Chic!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      Beau commentaire
      Très classe

  6. Jean H. Gagnon
    Jean H. Gagnon
    il y a 8 ans
    Merci Pierre... et je ne suis pas vraiment fâché!
    Merci Pierre de ta trop gentille offre.

    Je ne suis cependant aucunement intéressé par le poste de Bâtonnier, ma passion demeurant avant tout la médiation puis, aussi, mon rôle de conseiller en franchisage et en droit de la pharmacie.

    De toute manière, je ne suis pas certain de vouloir dévoiler tous mes antécédents.

    P.S. pour les autres intervenants dont je ne connais pas le nom: Je ne suis pas vraiment fâché et le but de mon article est vraiment de souligner le fait que la médiation est une profession qui demande une bonne dose d'humilité de la part de tout médiateur qui veut vraiment remplir son rôle.

    Jean

    • DSG
      Ca marche pas l'affaire
      Tu n'es pas fâché? Ben voyons, chef. Le titre dit "Le médiateur se fâche!" La je ne comprend plus rien.

    • Papillon
      Papillon
      il y a 8 ans
      Qui choisit le titre ?
      Peut-être est-ce Droit inc. tout simplement ???

  7. incompertus
    incompertus
    il y a 8 ans
    médiateur
    Il y a là beaucoup de théorie, mais je ne comprends toujours pas la profession de médiateur, ou est la business là-dedans? Qu'est-ce qu'il offre de plus qu'un cadre pour les parties, qui sont déjà ouvertes à un règlement? Qu'est-ce qu'il apporte de plus qu'une simple discussion de bonne foi? Comment peut-il contrer la mauvaise foi de l'une des parties? Quelle est sa raison d'être? Quelle est la plus-value qu'il apporte aux parties?

    • Linda Bérubé
      Linda Bérubé
      il y a 8 ans
      Médiatrice
      Je comprends que parfois on ne peut voir certaines choses "On ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux" St-Ex

  8. SANS
    DAVID
    J'adhère vraiment à l'idée que les Médiateurs sont plutôt "aideux (ou aidants) que régleux (ou réglants)", nous nous affilions davantage du côté de l'"empowerment"(responsabilisation des personnes en France), il ne faut pas en démordre je pense au risque de trouver des "identités professionnelles concurrentielles"

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