Opinions
La facturation et la déontologie
Catherine Blanchard
2016-04-26 14:30:00
Selon cette juriste, il n’est pas acceptable que le CA du Barreau, prétende parler au nom de plus de 25 000 membres sur les questions entourant la facturation et la déontologie…
« Afin d’assurer la protection du public, le Barreau du Québec surveille l’exercice de la profession, fait la promotion de la primauté du droit, valorise la profession et soutient les membres dans l’exercice du droit » Nous venons de reproduire ce qui est présenté comme préambule au rapport synthèse adopté par le Conseil d’administration du Barreau du Québec en février 2016.
Le Barreau est donc censé valoriser la profession et soutenir ses membres dans l’exercice du droit. Qu’en est-il à la lecture du rapport synthèse ? Le 25 mars dernier, les lecteurs de La Presse ont eu droit à un portrait peu glorieux de la profession d’avocat, dans un article inspiré d’un rapport publié par le Barreau au mois de février. Le tout est écrit sans tenir compte de la divergence entre les domaines de droit, ni d’ailleurs de la réalité bien différente des avocats criminalistes.
L’Association des Avocats de la défense (AADM) a cru bon de réagir face à la publication de cet article. L’article et le rapport confondent le lecteur en l’invitant à croire que puisque la majorité des avocats utilisent la tarification horaire et que cette facturation encourage la passivité, la majorité des avocats seront inefficaces, placeront leurs intérêts financiers en contradiction avec ceux du client et tarderont à régler leur dossier dans l’espoir de rapporter davantage.
Le Barreau doit appliquer des mesures
Et si tant est que les fautes reprochées aux avocats dans l’article et le rapport existent, semblable comportement entrerait directement en contradiction avec le code de déontologie et le sens éthique de l’avocat. Le mode de facturation n’y change absolument rien ; le membre du Barreau qui ne respecte pas son code de déontologie le fera autant s’il facture à l’heure que s’il facture à forfait. Il reviendrait plutôt au Barreau d’appliquer les mesures disciplinaires nécessaires pour empêcher ce type d’abus.
L’auteure de l’article et le rapport vont même jusqu’à comparer les services juridiques offerts par les avocats aux services offerts par Uber et Airbnb, proposant aux avocats d’intégrer de cette mouvance plutôt que de la combattre. Nous ne pouvons passer sous silence ce rapprochement pour le moins étrange entre l’exercice au quotidien d’une profession qui est au cœur de la promotion des droits et libertés et la prestation de services utilitaires auxquels le rapport fait référence.
L’ouverture à de nouvelles technologies juridiques n’a rien à voir avec les modèles proposés dont même la légalité fait l’objet de débats partout où ils tentent de s’installer. Des pans entiers des pages 5 et 6 dudit rapport relatifs aux limites et effets néfastes de la tarification horaire et des modes dits alternatifs de tarification sont des vues de l’esprit inutiles, voire inapplicables. Il n’est pas acceptable que le conseil d’administration prétende parler au nom de plus de 25 000 membres du Barreau.
Si ce rapport est un coup de sonde, soit ! s’il est l’annonce d’une politique concertée à être imposée au fil des prochaines années dans le cadre de la formation continue ou de l’École du Barreau, il faudra infiniment plus que des groupes de discussion à 42 participants et deux sondages symboliques !
Catherine Blanchard a complété son baccalauréat en droit à l'Université de Montréal en 2015 et sa formation professionnelle à l’École du Barreau à l’automne 2015. Depuis janvier 2016, elle effectue son stage au cabinet Poupart, Dadour, Touma et associés à Montréal.
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