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Mike Ward, le P’tit Jérémy pis moé

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Rémi Bourget

2016-08-01 15:00:00

Un avocat, atteint d’un handicap, prend position dans le débat entourant le jugement rendu contre Mike Ward. Selon lui, il faudrait « se calmer le pompon »…

Me Rémi Bourget est associé chez Mitchell Gattuso
Me Rémi Bourget est associé chez Mitchell Gattuso
J’ai longtemps hésité avant de prendre position dans le débat entourant le jugement rendu contre Mike Ward.

D’abord, je dois dire que j’adore l’humour noir et que j’aime bien Mike Ward. Et ce, depuis le temps des jokes de shaft pogné dans chaine de bécik, à Musique Plus, il y a une bonne quinzaine d’années. J’avoue que j’ai ri en estie quand j’ai vu le clip du sketch de Mike Ward sur le p’tit Jérémy, tout comme j’avais ri de la joke sur Cédrika Provencher. Jugez-moi si vous voulez, mais ça m’a fait rire.

Tsé le genre de fou rire incrédule qui devient vite incontrôlable, parce qu’on sait ben qu’on devrait pas rire de ça, mais qu’on en rit quand même.

En privé, avec mes chums, tous les sujets y passent : l’obésité, la race, la religion, le handicap, la pédophilie, etc. Plus c’est déplacé, plus ça nous faire rire. Mais justement, y’a des jokes que tu peux faire dans ta cour ou ton salon, mais qui risquent de te mettre vraiment dans marde si tu les répètes en public (surtout si tu les répètes quelque chose comme 230 fois, pis que tu les mets sur DVD pis sur le web).

Se ranger du côté des bourreaux

Depuis le jugement, j’en suis venu à me questionner sur ce qui fait qu’une foule trouve ça aussi drôle de rire du p’tit Jérémy, par exemple. Mon humble hypothèse, c’est qu’on est vraiment bien quand on est une gang à rire de quelqu’un, justement parce que pendant ce temps-là, personne ne rit de nous.

On a tous un petit quelque chose qui fait qu’on pourrait être la victime des bullies, on est trop petit, trop grand, trop gros, trop maigre, trop pâle, trop foncé, etc. Facque quand c’est quelqu’un d’autre qui se fait rentrer dedans, on préfère se ranger du côté des bourreaux que de la victime; parce que c’est crissement plus l’fun dans ce camp-là!

Le texte a été initialement publié sur Urbania.
Le texte a été initialement publié sur Urbania.
Au moment où la poursuite contre Ward a été déposée, je dois dire que j’étais plutôt sympathique à sa cause.

D’ailleurs, en tant que handicapé, je suis le premier à rire des bonnes jokes de handicapés! Mais la faculté d’en rire n’arrive pas du jour au lendemain. Si t’as trouvé ça tough être au secondaire parce que t’avais de l’acné ou que t’étais un grand slack, imagine ce que ça a pu être pour quelqu’un qui est né avec un handicap.

Imagine maintenant à quoi ta vie peut ressembler quand t’es handicapé dans une école secondaire puis qu’il y a un humoriste hyper connu, super populaire auprès des ados, qui s’acharne sur ton cas pendant 230 représentations, en faisant des jokes sur ta mort; laissant entendre que ta vie vaut pas la peine d’être vécue. On s’entend que c’était pas des jokes banales à propos du fait qu’il chante mal…

Ben oué, Jérémy, on le sait tous qu’il rentre pas dans les standards de beauté. Pis même que je trouve qu’il chante mal moi aussi. Mais je peux très bien comprendre qu’un gars qui est né sourd et muet puisse vouloir dépasser ses limites en chantant pour le pape, par exemple; même si je trouve ça personnellement quétaine. Je suis pas mal sûr que c’est la même motivation qui m’a poussé à l’époque à poursuivre l’entraînement compétitif de boxe, dans le but de faire des combats sanctionnés : transcender les limites que la nature m’a imposées.

Développer la réplique assassine

Dans mon cas, j’étais chanceux. Mon handicap ne m’a jamais empêché de me défendre.

Au primaire, ben des kids de Lavaltrie se rappellent à quel point ça fait mal recevoir un coup de jambe de bois dans les schnolles! Plus tard, j’ai appris à développer la réplique assassine, à trouver les faiblesses de tout le monde, pour pouvoir leur faire subir une attaque nucléaire debullying, si jamais ils s’essayaient sur moi.

Mais ça m’a pas empêché de subir une passe vraiment rough en secondaire 3, à l’âge où chaque différence par rapport à la masse risque de devenir un complexe et où tu rêves juste d’être comme tout le monde. À ce moment-là, je venais de changer d’école secondaire et il y a trois esties de trous de cul qui se sont acharnés sur mon cas pendant toute l’année scolaire faisant de ma vie un calvaire. J’en ai presque jamais parlé à personne, mais estie que cette année-là fut difficile. Pis on s’entend que je suis pas du genre trop vulnérable à la base… Mais ça m’a pas empêché de me sentir complètement traqué, démuni, impuissant; l’espace d’un an.

Mike Ward est au coeur de la polémique.
Mike Ward est au coeur de la polémique.
Mettons que les choses ont bien changé depuis.

D’ailleurs, si je revoyais ces trois petits crisses-là aujourd’hui, ça me prendrait tout mon p’tit change pour pas leur sacrer la volée de leur vie. Je le ferais pas, évidemment, mais j’en aurais salement envie. Parce que ce genre de blessures ne s’effacent jamais vraiment.

Tout ça pour dire que, si j’avais eu le malheur d’avoir un humoriste connu qui s’était acharné sur mon cas en faisant des jokes sur mon handicap et ma mort, l’année de mon secondaire trois, je ne sais honnêtement pas ce que je serais devenu. Sérieusement.

Se calmer le pompon

Sur le plan strict du droit, j’ai bien hâte de voir ce que la Cour d’appel décidera dans cette affaire. C’est seulement là qu’on pourra parler d’un « précédent » (seuls les tribunaux supérieurs rendent des « arrêts » qui sont des précédents, by the way).

Mais en attendant, on va se calmer le pompon un instant avant d’affirmer qu’on ne peut plus rire des handicapés, des gros, des noirs, etc.

Quand tu vises un groupe en général, et non une personne en particulier, tu peux toujours rire d’eux, à moins de verser dans le discours haineux; là ça tombe dans le ressort du Code criminel. Ce que le tribunal des droits de la personne vient dire ici, c’est que tu peux pas t’acharner sur quelqu’un, sur la base de son handicap, au point de contribuer à scrapper sa vie pendant des années, sans faire face à certaines conséquences.

Finalement, comme je te disais, je trouve ça drôle moi aussi les jokes de grosses pis de handicapés. Mais est-ce qu’on pourrait arrêter de donner à Mike Ward une posture avec laquelle il est lui-même inconfortable, celle de champion de la liberté d’expression?

Le gars ne fait pas de l’humour politique, il ne défie pas le pouvoir en place, il ne parle pas au nom des sans-voix, etc. Le fait de protéger la vulnérabilité d’un ado handicapé face à un humoriste privilégié ne nous amène pas sur une pente glissante menant à l’État totalitaire.

Demain matin, on va tous pouvoir critiquer le gouvernement publiquement, sans craindre d’être emprisonnés.

''Cet article est initialement paru sur le site Urbania. ''

Me Rémi Bourget est associé chez Mitchell Gattuso. Il exerce dans le domaine du droit de la famille, du droit du travail, ainsi qu’en litige civil, commercial et administratif. Il se démarque également par son implication sociale, que ce soit au sein du mouvement étudiant, communautaire ou coopératif.
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27 commentaires

  1. stephane
    stephane
    il y a 7 ans
    Humour réfléchi
    Est-il possible de faire de l'humour noir mais réfléchi
    Car à mon avis, ce n'est pas parce que tu as le droit de tout dire, de n'importe qui à n'importe, que l'on est obligé de le faire. Je crois en la liberté d'expression. Et cela dans un respect de l'autre. Désolé mais les jokes crues n'aurait pas ca place ici. Mike Ward aurait pu tout simplement s'excuser et passer à autre chose. Cela aurait coûte moins cher et le débat ne serait pas rendu là ou il est. Et ce rendre en cours suprême n'est pas une option

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Suite de la discussion
    Merci Me Bourget pour votre article.

    Mais juste pour poursuivre la discussion, ne croyez-vous pas qu'il aurait été préférable que le débat ait lieu devant un tribunal de droit civil plutôt que du Tribunal des droits de la personne? Je ne crois pas qu'il soit question ici de discrimination mais plutôt de diffamation...

    Et dans tout ça, pourrions-nous être portés de croire que la mère du petit Jérémie a gravement manqué de GBS (gros bon sens) en envoyant son enfant handicapé chanter devant le pape et aussi au centre Bell? Euh... me semble qu'un adulte d'un niveau d'intelligence moyen aurait su que cela aurait pu arriver (càd qu'on rit de son enfant)? Je comprends la bonne intention de la mère mais dans la balance, ça ne pèse pas fort comparativement à tout ce que l'on peut vivre dans notre société...

    • Louise
      Louise
      il y a 7 ans
      Fleurent
      Bijs

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Le "moé" pi les enjeux de société
    Me Bourget, je n'aime pas du tout le titre que vous avez donné à votre billet. Il me semble que rien de cela n'est à propos de "toé". C'est un débat sur la place du tribunal des droits de la personne et les limites à la liberté d'expression. Tsé, ça serait sympa si vous pouviez concentrer vos messages sur les questions débattues.

    • soul99
      soul99
      il y a 7 ans
      Pourquoi ?
      Je comprends pas ton point. Il écrit un article en donnant son avis, sur un espace de discussion où il écrit en SON nom, selon SON point de vue en s'appuyant sur SON expérience. C'est donc tout à fait normal qu'il parle de lui. Et c'est l'un des avis les plus argumentés que j'ai lu sur le sujet

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Question
    Rémi, le texte est drôlement rédigé. On ne comprend pas c'est quoi votre handicap. Vous avez été amputé d'une jambe?

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Autre explication
    "Facque quand c’est quelqu’un d’autre qui se fait rentrer dedans, on préfère se ranger du côté des bourreaux que de la victime; parce que c’est crissement plus l’fun dans ce camp-là!" est plutôt simpliste comme explication.

    Une meilleure explication serait le QI de ceux qui sont capables rient d'un enfant handicappé.

    Après tout, le public typique de Ward n'est tout à fait composé de membres de Mensa.Si le l'humour de Ward ne vole pas haut c'est que le QI de son public est encore plus bas.

    • Léonie
      Léonie
      il y a 7 ans
      Franchement!!
      ''Une meilleure explication serait le QI de ceux qui sont capables rient d'un enfant handicappé.''

      Premièrement, est-ce que quelqu'un comprend le sens de ta phrase parce que moi, je suis dans le néant là...
      Et puis, on dit ''handicapé'' M. Mensa, je ne crois pas que vous ferez partie de cette société oh si distinguée de sitôt!

      Et puis, quand on va voir un spectacle d'humour, ce n'est pas pour se faire aller les neurones, c'est plutôt pour leur donner un ''break'' au contraire! Rabaisser le public cible de Mike Ward, dont je fais partie, ne sert aucunement la cause de Jérémy non plus... ''Get a life!''

    • Yarabundi
      Yarabundi
      il y a 7 ans
      De kossé ??
      "...Et puis, quand on va voir un spectacle d'humour, ce n'est pas pour se faire aller les neurones..."

      Vous peut-être pas mais moi si !!! J'aime l'humour intelligent -celui qui est réfléchi, subtil. Le contraire de..truc, là !! qui au bout du compte peut sans doute vous faire rire mais ce n'est pas pour autant que c'est de l'humour.

    • Léonie
      Léonie
      il y a 7 ans
      Bon, bon, bon
      Tant mieux pour vous, si vous aimez l'humour intelligent, réfléchi et puis quoi encore! Qui êtes-vous pour juger de ce qui est de l'humour ou non? Avez-vous un powerpoint là-dessus, je serais ravie de le voir! Il ne faut pas juger pour autant ceux qui apprécient un humour différent de celui que les autres affectionnent. C'est comme la musique, les tenues vestimentaires, il y en a pour tous les goûts et c'est tant mieux!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      fan
      Je suis moi aussi un fan de Mike Ward (surtout le gros show - et je me considère relativement intelligent). Cela dit, je crois que c'est complètement hors sujet. Le QI des fans de Mike Ward ou encore la qualification de son humour à titre d'humour "intelligent" ou non n'ont aucune pertinence dans le débat.

    • JoL
      neurones
      Il y a ''ne pas se faire aller les neurones et ''ne pas se faire aller les neurones''. Quand ça te relaxe de rire d'un enfant, handicapé de surcroît et que tu ris de lui parce que sa maladie c'est d'être laitte, effectivement, des neurones tu dois en avoir juste une, qui s'allume juste une fois en faisant le tour de ton cerveau. Choisir Ward plutôt qu'André Sauvé, on s'entends-tu qu'on ne parle pas de la même catégorie de personnes. C'est drôle, moi je grince moins des dents, donc je relaxe pas mal plus à écouter Sauvé que Ward. Pis mon cerveau, je ne le met pas à off quand je relaxe. Mieux que ça, j'adore relaxer, rire et faire fonctionner mon cerveau en même temps. L'humoriste qui réussit à me faire faire ça, est un artiste, un vrai. L'autre qui dit qu'un enfant handicapé est laitte, est pas mal plus laitte que lui, pis ceux qui rit de ça ne sont pas mieux. Désolée, mais il faut assumé vos choix.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      re neurones
      "L'humoriste qui réussit à me faire faire ça, est un artiste, un vrai."

      Donc la qualification d'artiste, de vrai, est donné exclusivement à travers le prisme de votre appréciation? Est-ce que vous vous rendez compte de combien c'est prétentieux de se poser en tant que seule personne qualifiée pour faire une détermination valide au niveau artistique? À l'encontre des dizaines de milliers de mono-neurones qui aiment Ward et son genre d'humour (ex. le Nasty Show). Mais j'ai comme l'impression que vous serez d'accord pour dire que tous ces gens sont justement pas dans la même classe que vous...

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      Sauvé vs Ward
      Pauvre Jol. Sauvé est un artiste, mais pas Ward ? Merci de donner raison à Ward. C'est exactement ça la censure. Déterminer qu'une forme d'art ou qu'un propos artistique n'a pas sa place au motif qu'il ne fait pas consensus. J'ai pas l'impression que vous allez comprendre ce que viens de dire, mais c'est pas grave.

      P.S. "Lautre qui dit qu'un enfant handicapé est laitte, est pas mal plus laitte que lui."

      Really ?

  6. Rémi Bourget
    Rémi Bourget
    il y a 7 ans
    Me
    Merci pour les commentaires.

    Il faut comprendre que le texte fut repris de la chronique que je tiens régulièrement sur le magazine web Urbania, dans lequel il fut souvent question de mon handicap par le passé (diagnostic d'amputation multiple, amputation complète du pied gauche et partielle de la main gauche et du pied droit).

    Bref, il s'adressait à l'origine aux fidèles d'Urbania qui ont suivi les chroniques depuis le début, d'où l'impression que certains coins furent tournés rondement.

    Le style familier et les références personnelles font partie de la marque distinctince d'Urbania (cela aurait été différent si le texte avait été destiné dès le début à un média plus "officiel").

    Vu le fait que le texte traite d'une question importante touchant le monde juridique, nous avons néanmoins accepté qu'il soit reproduit dans droit-inc.com et nous sommes très heureux que le texte ait eut autant de résonnance.

  7. Huguette Gagnon
    Huguette Gagnon
    il y a 7 ans
    Membre du Barreau du Québec à titre d'avocate à la retraite
    J'ai toujours défendu la liberté d'expression et je tenais à connaître les motifs qui avaient amené le juge Scott Hugues à conclure, dans l'affaire Ward, que la discrimination, dont Jérémy Gabriel avait été victime, était injustifiée, Mike Ward ayant "outrepassé les limites de ce qu’une personne raisonnable doit tolérer au nom de la liberté d’expression".

    Le juge Hugues fait d'abord état des principes élaborés par les tribunaux, dont la Cour suprême, sur la liberté d'expression. Je résume ici quelques-uns de ces principes.

    Les Chartes des droits protègent la liberté d’expression pour que chacun puisse manifester ses pensées, ses opinions, ses croyances, toutes les "expressions du coeur ou de l’esprit, aussi impopulaires, déplaisantes ou contestataires soient-elles";

    "l'humour permet de tenir des propos dénigrants ou blessants susceptibles de porter atteinte à la dignité des membres d’un groupe protégé; les formes d’humour, au détriment d’autres personnes, peuvent être dénigrantes et mêmes répugnantes. Des blagues, des railleries ou des injures, qui rabaissent un groupe minoritaire ou qui portent atteinte à sa dignité par des blagues, peuvent être blessantes". (Re jugement Whatcott de la Cour suprême (2013, RCS, 2011)

    Ces principes me rassurent et il me semble qu'ils sont de nature à rassurer les humoristes puisqu'un grand "terrain de jeu" leur appartient. Après avoir fait référence à ces principes, le juge Hugues mentionne que l'affaire Ward s'en distingue "du fait que les propos discriminatoires de monsieur Ward ne visaient pas un groupe mais une personne en particulier". Il indique que la question, sur laquelle il doit se prononcer, est de déterminer "si la liberté d’expression protégée par la Charte permet de faire des blagues discriminatoires en lien avec le handicap d’une personne nommément identifiée".

    Le juge Hugues précise que monsieur Ward a dit, dans son témoignage, que le rire du public lui servait de balise, que son objectif est de faire rire mais aussi de briser des tabous. Pour lui, rire d’une personne ayant un handicap, c’est lui faire une place et ne pas la prendre en pitié. Le juge Hugues reconnait que l’humour peut avoir des vertus inclusives mais il ajoute que l’humour ne peut "servir de prétexte, de paravent ou de justification à une conduite discriminatoire». Le juge mentionne que des propos inacceptables en privé ne deviennent pas automatiquement licites du fait d’être prononcés par un humoriste dans la sphère publique.

    Il indique que Jérémy a été pris pour cible par monsieur Ward, sans jamais y avoir consenti, le consentement constituant "la différence importante avec la situation de monsieur Dave Richer, dont a fait mention monsieur Ward dans son témoignage". Le juge Hugues conclut que les blagues de monsieur Ward ont outrepassé les limites de ce qu’une personne raisonnable doit tolérer au nom de la liberté d’expression et que la discrimination, dont Jérémy a été victime, est injustifiée

    Je rappelle la question étudiée par le juge: "la liberté d’expression protégée par la Charte permet-elle de faire des blagues discriminatoires en lien avec le handicap d’une personne nommément identifiée?" Ce que le juge dit, c'est que les humoristes ne doivent pas faire de discrimination. Certaines personnes, dans le débat actuel, donne à la décision du juge Hugues une portée qu'elle n'a pas, en affirmant que les tribunaux vont dicter aux humoristes ce qu'ils ne doivent pas dire. Si c'était le cas, je serais prête à me battre pour que la liberté artistique des humoristes ne soit pas brimée mais je ne monterai pas aux barricades pour appuyer les humoristes qui voudraient pouvoir, au nom de la liberté d'expression, faire des blagues discriminatoires liées au handicap d'un adolescent nommément identifié.

    Voici un extrait du témoignage Mike Ward relatif à ses blagues sur Jérémy: « 5 ans plus tard, y’est pas encore mort! je l'ai croisé «dans un Club Piscine» et «essayé de le noyer» pour finalement constater "qu’y est pas tuable», pour ensuite résumer ensuite la maladie de Jérémy en disant «Y’est lette!». Mike Ward a affirmé que ses blagues sur Jérémy avaient pour but de briser des tabous et de faire une place à une personne qui a un handicap, de ne pas la prendre en pitié. CES BLAGUES AURAIENT POUR BUT DE FAIRE UNE PLACE À UNE PERSONNE QUI A UN HANDICAP??? L'expression populaire, qui me vient à l'esprit, est: "Mike Ward, prends-tu les québécois pour des valises"

    Plusieurs humoristes reprochent à Jérémy Gabriel de ne pas avoir plutôt intenté une action en dommages-intérêts contre Mike Ward: en entrevue à Radio-Canada ce matin (samedi, 30 juillet 2016), Gilbert Rozon a répété cela. Quel argument fallacieux!!! Les humoristes, ça suffit!!! Toute personne est libre de prendre le recours qui lui semble le plus approprié. Quant à moi, il est louable qu'une personne décide de défendre un principe et le recours choisi par Jérémy démontre que, contrairement à ce qu'a dit Mike Ward dans son témoignage, il ne s'agissait pas pour Jérémy d'une question d'argent. La cause se rendra très probablement en Cour suprême et c'est avec grande attention que je lirai les décisions à venir. Le recours de Jérémy va permettre d'établir si une personne handicapée, nommément identifiée par un humoriste et sans son consentement, doit tolérer être victime de discrimination au nom de la liberté d’expression.

    En attendant, n'y aurait-il pas lieu qu'un humoriste (au moins) tende une perche à Jérémy Gabriel? Je crois que ce jeune homme de 19 ans a le sens de l'humour. En juin dernier, j'ai eu l'occasion de le voir jouer dans une pièce de théâtre (pas un spectacle d'humour) et je peux vous dire qu'il est un excellent comédien.

    Huguette Gagnon,
    Lévis

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      Petite bémol
      " et sans son consentement "

      Il y a un certain consentement implicite lorsque que vous décidez de devenir un personnage public. Selon moi, c'est sur ce point que le jugement accroche.

    • Paul Martin
      Paul Martin
      il y a 7 ans
      Bravo
      Bravo, Me Gagnon, et merci.

      Enfin un peu de substance - et de sagesse - dans ce débat.

    • Huguette Gagnon
      Huguette Gagnon
      il y a 7 ans
      avocate à la retraite
      Réponse aux commentaires intitulés "Petite bémol" et "gbs".

      Il faut lire le jugement au complet. Vous l'avez peut-être fait mais, sinon, il est important de le faire. Le juge Hugues tient compte de toutes les circonstances.

      il dit que, le fait que Jérémy soit connu du public en raison de ses activités artistiques l’expose à être l’objet de commentaires et de blagues sur la place publique mais que cela ne saurait être interprété comme une renonciation à son droit au respect de son honneur, de sa réputation et de sa dignité, sans discrimination fondée sur son handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap (Jérémy porte sur la tête un appareil qui lui permet d'entendre: sans cet appareil, il n'a aucune audition. Ward a ri de cet appareil utilisé pour pallier à un handicap.

      En fait, être dans l'espace public, c'est s'exposer à des blagues... mais ce n'est pas consentir à être victime de discrimination.

      Le juge dit également que plusieurs blagues de Ward ne sont pas de nature discriminatoire. C'est seulement lorsque Ward s'attaque au handicap de Jérémy qu'il y a discrimination, compte tenu que les Chartes accordent une protection aux personne souffrant d'un handicap. À mon avis, plusieurs blagues de Ward visent personnellement Jérémy.

      J'ai bien hâte de voir ce que décidera la Cour suprême mais, à première vue, je crois qu'il est très possible qu'elle ratifie le jugement du Juge Hugues (plusieurs droits prévus aux Chartes sont en cause, pas seulement la liberté d'expression.) DÉBAT TRÈS INTÉRESSANT À SUIVRE

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      intéressant
      En effet, débat intéressant. Je ne suis pas d'accord avec l'argument de la pente savoneuse à l'effet qu'une restriction quelconque sur la liberté d'expression dans un cas semblable implique le début de la fin de notre démocracie.

      Cependant je m'interroge quant aux balises à appliquer. Par exemple, est-ce que la même chose s'appliquerait aux politiciens? Je pense à Jean Chrétien qui en raison d'un handicap avait la bouche croche. Est-il approprié de rire de son handicap? N'est-ce pas une attaque contre son handicap? N'a-t-il pas droit à sa dignité?

      La même chose pourrait être dite au sujet de Lucien Bouchard et de sa canne. René Lévesque et sa petite taille. Ginette Reno et les blagues sur son poids (moins fréquentes depuis un certain moment, c'est vrai), Daniel Pinard et son orientation sexuelle (de mauvais goût, mais illégale?) etc.

      Je comprends que pour Jérémy, c'est évident, mais il faut tout de même avoir des limites.

    • Jo Cardi
      Jo Cardi
      il y a 7 ans
      Merci, Me Gagnon
      Merci de partager l'information. Ça permet de mieux comprendre les tenants et aboutissants.

  8. Ginette Dupont
    Ginette Dupont
    il y a 7 ans
    l'acharnement tue
    Je suis d'accord avec vous...et merci de vos explications. l'acharnement tue.

  9. anon
    gbs
    il n'y a rien de discriminatoire dans la blague de Mike Ward. il ne vise pas Jeremy personnellement, il vise un point de référence, une image que nous connaissons tous. L'humour et l'humoriste nécessitent des points de références, c'est d'ailleurs pour cette raison que l'humour est irréductiblement culturel.

    Si les tribunaux ne corrigent pas la décision de la commission, et ne découpent pas une exception pour ce type de propos, le droit aura laissé sa place à la rectitude morale. Ce sera une grande perte pour l'institution et un danger pour notre société.

  10. EFL
    Je dois en manquer un bout...
    Je suis le débat sur "l'affaire Mike Ward" avec un certain intérêt et il me semble qu'on oublie un élement important du débat.

    Un des éléments que semble dénoncer Mike Ward est le côté "phénomène de cirque" de la "carrière" de Jeremy. Je ne pense pas qu'il y ait une personne sur la planète qui écoute Jeremy chanter pour apprécier la qualité de sa performance - ce que les gens voient, c'est un jeune handicapé qui se donne en spectacle. En fait, pire encore, on voit un jeune handicapé que ===sa famille donne en spectacle=== - c'est d'un spectaculaire mauvais goût. Quand on voyait le jeune Kenny se promener sur son skateboard, on apprenait une certaine tolérance pour une personne très différente et on appréciait son courage et sa persévérance pour tenter de mener une vie normale. Dans le cas de Jeremy, tout ce que le public pouvait voir, c'était un jeune handicapé qui chantait comme un pied.

    Il y a très très longtemps, un juge québécois avait interdit la tenue de freakshows dans les bars et on voir encore des juges se prononcer contre les spectacles de "lancer du nain". Je pense que le dossier de Jeremy est dans les mêmes eaux. Si quelqu'un est en faute et devrait se faire poursuivre, ce sont les parents de Jeremy, qui l'ont exposé à la curiosité publique et, disons-le, au ridicule...

  11. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Relativité de concepts
    C'est amusant combien pour plusieurs ce n'est pas le principe mais plutôt s'ils (ou quelqu'un qu'ils apprécient) sont visés par le discours en question.

    Les québécois avons l'épiderme particulièrement sensible aux critiques émanant d'autres juridictions. Je me souviens de l'impact de l'article de McClean's qui disait que le Québec était la province la plus corrompue (c'était avant la Commission Charbonneau...).

    C'est la même chose avec les articles contre d'autres pays ou religions. On peut être Charlie et pour la liberté d'expression absolue quand on n'est pas concernée, pas convaincu qu'on l'aurait trouvé si drôle s'il y avait eu un spécial Québec où l'on s'était moqué de façon aussi rustre et vulgaire de nous, si par exemple on nous avait fait passé pour des imbéciles heureux et non sophistiqués.

    Jérémie en est un autre exemple. Si tu sympathise avec lui, le principe de la liberté d'expression est soudainement moins important...

  12. Huguette Gagnon
    Huguette Gagnon
    il y a 7 ans
    avocate à la retraite
    Réponse à "J'ai dû en manquer un bout"

    En lisant le jugement au complet, vous allez vous rendre compte que votre remarque "un jeune handicapé que sa famille donne en spectacle"

    n'est pas conforme à la réalité de la famille Gabriel.

    Je copie ici quelques extraits des témoignages, de Mike Ward notamment. Après avoir lu ces extraits: qu'en pensez-vous: est-ce que Mike Ward a répandu des faussetés sur cette famille, notamment sur la mère de Jérémy, de son propre aveu? Le juge Hughes ne s'est pas prononcé sur les propos "possiblement diffamatoires" parce qu'il n'avait pas compétence à cet égard. Si le recours avait été en dommages-intérêts, un juge de la Cour supérieure aurait pu accorder des dommages pour de tels débats. Or, la famille Gabriel n'avait pas d'argent pour intenter une poursuite en dommages-intérêts. Simplement pour que vous puissiez juger un peu des propos possiblement diffamatoires de Ward et de quelle personne il a attaqué, voici des extraits du jugement:


    "De plus, en raison d’un déficit de son système immunitaire, Jérémy doit recevoir des transfusions sanguines aux trois semaines. Depuis sa naissance, il a subi 23 chirurgies ayant nécessité une anesthésie générale et a été hospitalisé à de nombreuses reprises. Le syndrome dont il souffre n’affecte toutefois pas ses capacités intellectuelles ni son espérance de vie.

    En 2003, alors que Jérémy est âgé de six ans, ses parents prennent la décision de lui faire implanter un appareil auditif ostéo-intégré connu sous le nom de BAHA. Sans son implant, Jérémy n’aurait aucune audition. Son implant lui permet d’entendre 80 à 90 % des sons.

    Monsieur Ward insinue, par ailleurs, que la mère de Jérémy a utilisé l’argent de ce dernier pour s’acheter des biens de luxe.

    s'il a fait des blagues insinuant que la mère de Jérémy a poussé son fils à réaliser ses rêves à elle et a profité de son argent à des fins personnelles, c’est pour faire référence au phénomène fréquent des «showbiz moms ». Il ne croyait pas vraiment que sa mère s’enrichissait aux dépens de Jérémy.
    Il a pendant longtemps été impossible pour elle d’avoir un emploi. La famille occupe une maison modeste et a vécu pendant longtemps avec le seul salaire de monsieur Lavoie. Ils n’ont ni chalet ni voiture sport, contrairement à ce que laisse entendre monsieur Ward dans l’une de ses capsules.

    Dans une capsule diffusée sur le Web qui met en scène Jérémy en tant que personnage, monsieur Ward qualifie ce dernier de « pas beau qui chante ». Il fait aussi référence au fait que la bouche de Jérémy ne ferme pas au complet. Du même souffle, le personnage de Jérémy enchaîne en disant : « C’est une opération que j’aurais aimé avoir, mais ça l’air que j’aimais mieux mettre tout mon argent dans le char sport que ma mère a acheté. Faque là moi je suis pogné avec ma petite boîte de son sur la tête, ma gueule qui ne ferme pas pis un livre assez moyen merci. » Ces propos ont un lien avec le handicap de Jérémy.
    Monsieur Ward précise qu’il ignorait que Jérémy a une malformation qui empêche sa bouche de fermer complètement. S’il a fait une blague à ce sujet, c’est parce que sur la photo utilisée pour la capsule, la bouche de Jérémy est entrouverte.

    Compte tenu de sa compétence en matière de discrimination, …des propos pourraient être diffamatoires ou autrement fautifs sans que le Tribunal ait compétence pour les sanctionner. (ma note: si le recours avait été en dommages-intérêts, le juge saisi d'un tel recours, s'il avait conclu à des propos diffamatoires, aurait pu les sanctionner)
    Dans une capsule, il était question du pape et de pédophilie …. Le Tribunal juge que ces propos sont sans lien avec le handicap de Jérémy…. Le fait que Jérémy soit connu du public en raison de ses activités artistiques l'expose à être l'objet de commentaires et de blagues sur la place publique. (ma note: seulement les blagues discriminatoires liées au handicap de Jérémy sont sanctionnées par le juge)

    Les propos mensongers de Ward circulent énormément sur le Web: les gens attaquent beaucoup la mère qui a tant fait pour son enfant. Lisez le jugement: vous allez voir que l'idée de faire chanter Jérémy ne vient pas d'elle.

    Mike Ward a beaucoup d'argent, selon ses déclarations, et le Festival Juste pour rire fait un spectacle-bénéfice pour lui. Pourquoi pas maintenant un spectacle-bénéfice pour la famille Gabriel pour une poursuite en dommages-intérêts (s'il n'y a pas prescription), puisque cette famille n'a pas d'argent pour intenter un tel recours? Je dis cela ironiquement.

    • soul99
      soul99
      il y a 7 ans
      Réponse à Madame Avocate à la retraite
      Merci Maître pour ces précisions et ces pensées. Je suis d'accord avec vous, Mike Ward aurait pu (du ?) se retrouver devant les tribunaux pour diffamation en plus de ce procès en cours. Mais par dessus tout, indépendamment de ce qui est légal ou pas, ce que je déplore est l'opportunisme de cet artiste. Si dans une assemblée, quelqu'un commence à faire une blague sur une personne forte présente, qu'il la traite de grosse vache, de truie, et que tout le monde se met à rire, c'est déjà bête et méchant. Mais soit. Si elle réagit bien, qu'elle a de la répartie et qu'elle entre dans le jeu, pourquoi pas... Navrant, mais bon... Si elle se met à pleurer toutes les larmes de son corps, qu'elle souffre visiblement de ces remarques, et que notre petit comique continue encore et encore, on ne parle plus de la même chose. Il ne peut plus plaider le fait qu'il ne savait pas qu'il faisait du mal. Mike Ward fait des blagues limite, bien. Il lui est signifié d'arrêter, il continue, c'est déjà trop. Il se fait poursuivre et veut se servir d'une tribune (le Gala des Oliviers) pour continuer encore et encore, en plaidant la liberté d'expression, sérieusement non. Il a pris une ligne très "Dieudonné" qui a fait de l'humour gentillet, complétement dépolitisé pendant des années et peu populaire, a vu que ses blagues extrêmistes marchaient bien et en a fait son cheval de bataille. Pourquoi les mêmes qui applaudissent le refus de laisser Dieudonné entrer au pays s'insurgent qu'on limite la liberté d'expression d'un Mike Ward ?

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