Karim Renno

L’étendue de la bonne foi

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Karim Renno

2016-08-24 14:15:00

Quelle est la portée exacte de l'obligation d'agir de bonne foi en matière contractuelle ? Me Karim Renno se penche sur la question avec une décision récente…

Le jeune super plaideur Karim Renno
Le jeune super plaideur Karim Renno
Nous parlons souvent de l'étendue de l'obligation d'agir de bonne foi en matière contractuelle parce qu'il s'agit d'une des pierres d'assise du droit québécois. Reste que la portée exacte de cette obligation n’est pas simple à cerner. C’est pourquoi il est intéressant de lire les propos de l'Honorable juge Jacques Babin dans l'affaire Houde c. Laprise (2016 QCCS 2456) où il indique que le devoir d'agir de bonne foi va beaucoup plus loin que de ne pas poser des gestes qui nuisent à autrui.

Dans cette affaire, les Demandeurs intentent des procédures en dommages contre le Défendeur, dans lesquelles ils allèguent que ce dernier a contrevenu à une promesse d'achat bilatérale.

Le Défendeur fait valoir qu'il n'a commis aucune faute puisque les Demandeurs ont été incapables d'obtenir le financement requis pour procéder à l'achat. Le hic est que le Défendeur vend l'immeuble à un tiers trois jours avant l'expiration du délai convenu entre les parties.

Pour le juge Babin, il ne faut aucun doute que le Défendeur n'a pas agi de bonne foi. Il souligne à ce chapitre que la bonne foi est plus que simplement ne pas poser de geste pour nuire à notre co-contractant:

(25) Comme le soussigné l'indiquait en 2010 dans une affaire précédente :

(125) Selon les auteurs Baudoin et Jobin, dans leur traité sur Les Obligations, la nécessité d'agir de bonne foi ne se résume pas à ne pas poser de gestes pour nuire à son cocontractant, mais va jusqu'à être tenu de collaborer pour que la finalité du contrat soit atteinte:

« Dans Houle, la Cour suprême a choisi la voie qui commande l'exercice raisonnable d'un droit, en se fondant justement sur le devoir d'agir de bonne foi. La bonne foi que l'on exige des parties ne peut donc plus être entendue seulement dans son sens purement subjectif, c'est-à-dire le fait d'agir sans malice et en ayant une perception erronée de la réalité (ne pas savoir qu'on agit de façon illégitime ou illégale). C'est surtout la bonne foi dans son acception objective qui doit présider à la conduite des parties: chacun doit exercer ses droits en personne prudente et diligente. Cette norme très large interdit même l'usage de ses droits à des fins complètement étrangères à celles prévues par les parties ou le législateur. Aucun droit, aucune liberté ne peut échapper au contrôle de l'abus de droit: il n'y a plus de droit absolu désormais.

(…)

(126) Toujours au sujet de la bonne foi exigée en matière contractuelle, le juge Baudoin indiquait également dans une décision de la Cour d'appel rendue en 1991:

Par contre, notre droit des contrats est soumis à un autre grand principe qui est le respect de la parole donnée et l'exécution de bonne foi des engagements. Un contractant ne peut refuser de respecter ses obligations en invoquant un simple prétexte ou tenter de se soustraire aux conséquences d'un contrat valablement conclu par de simples arguties.

Voilà une décision intéressante en la matière.

Me Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc. Il est le fondateur et rédacteur en chef du blogue juridique À bon droit où il publie quotidiennement des billets de jurisprudence.


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2 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Il n'y a pas absence de faute, mais plutôt de causalité
    "Le Défendeur fait valoir qu'il n'a commis aucune faute puisque les Demandeurs ont été incapables d'obtenir le financement requis..."


    L'obligation de bonne-foi va finir par escamoter les autres principes de la responsabilité contractuelle.

  2. Houle
    Houle
    il y a 7 ans
    Une question de consonne
    Houde c. Laprise (2016 QCCS 2456)

    « Dans Houle, la Cour suprême a choisi la voie qui commande l'exercice raisonnable d'un droit, ...

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