Entrevues

« J’étais associée pour 20 000 $ par année… »

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Céline Gobert

2016-09-22 15:00:00

Avant d’être associée à 25 ans, cette juriste a essuyé une vingtaine de refus de cabinets et débuté bénévolement. La preuve qu’il ne faut jamais abandonner ses rêves!

Me Rachel Rhéaume s’est jointe au cabinet Richard Dion Avocats à l’été 2012 et y a effectué son stage du Barreau du Québec
Me Rachel Rhéaume s’est jointe au cabinet Richard Dion Avocats à l’été 2012 et y a effectué son stage du Barreau du Québec
Me Rachel Rhéaume s’est jointe au cabinet Richard Dion Avocats à l’été 2012 et y a effectué son stage du Barreau du Québec. Avant de d’accéder au rang d’associée à 25 ans, elle a essuyé une vingtaine de refus de cabinets.

Aujourd’hui directrice du cabinet-boutique Dion Rhéaume Avocats et avocate en droit des affaires, Me Rhéaume revient sur son ascension pleine d’obstacles dans le milieu juridique!

Droit-inc : Commençons du début. En 2012, vous faites la Course aux stages. Comment cela s’est-il passé?

Me Rachel Rhéaume: C’est une période charnière dans la vie de beaucoup d’étudiants en droit. Avec du recul, je me dis que je manquais peut-être de préparation. J’ai été refusée plus d’une vingtaine de fois. Quand je me suis rendue compte que dénicher un stage allait être plus laborieux que prévu, j’ai attendu de terminer le Barreau avant de me remettre en recherche de stage. Par le biais d’un client au restaurant dans lequel je travaillais, j’ai finalement trouvé un stage. Ce n’était pas le premier avocat à me dire de lui envoyer mon CV… mais je me suis dit que je n’avais rien à perdre.

Et cela a marché?

Oui. J’ai envoyé mon CV à la fin de mon shift, à 3 heures du matin. L’heure d’envoi a retenu l’attention de Richard, et on m’a appelée pour une entrevue. J’ai vraiment senti en entrant dans les locaux qu’il y avait de la place pour bâtir quelque chose. J’ai commencé à y travailler bénévolement car il n’avait pas d’emploi à m’offrir, mais je voulais juste une carte d’affaires, et une clientèle auprès de laquelle m’investir.

Comment votre entourage a-t-il réagi quand vous avez présenté l’idée de commencer un stage bénévolement?

J’ai de très bons parents, ils me supportaient financièrement alors j’avais la possibilité de prendre ce risque-là. C’est sûr qu’ils étaient un peu déçus, ils s’attendaient à quelque chose de plus prestigieux après mes études de droit. Mes amis, qui avaient tous trouvé un stage dans des grands bureaux, trouvaient que j’avais du front.

Concrètement, comment cela se passait au début?

Comme les revenus n’étaient pas là, j’étais rémunérée au salaire minimum et on avait convenu de partager les honoraires que j’engendrais. On s’était dit que si j’amenais un montant X, j’avais un % de l’entreprise. Après 8 mois, il a fallu me payer. Nous avions triplé le chiffre d’affaires du cabinet. Tout le monde a des objectifs de développement. Nous offrons une échelle salariale non pas concurrentielle mais raisonnable, jumelée à un bonus de performance. Je demande environ 1200 heures facturables ainsi que 300 à 400 heures d’investissement gratuit chez les clients et réseaux. Un avocat avec plus de 3 ans d’expérience sera payé environ 50 000 $.

Et tout cela vous mène au rang d’associée à 25 ans… Comment vous vous sentiez?

J’étais fière mais ce n’était pas gros encore, je n’avais qu’une employée. J’étais associée mais je ne me versais pas 20 000 $ par année… Ce n’était pas si glamour à mes yeux. Mais je me disais “ t’as ton nom sur le bureau et tu vas bâtir quelque chose”.

Comme une entrepreneure... Vous définiriez-vous d’ailleurs comme une « entrepreneure juridique »… ?

Oui! Et je pratique le droit des affaires depuis plus de trois ans maintenant, je serais bien malheureuse à faire de la recherche juridique ou doctrinale.

Comment avez-vous fait concrètement pour tripler le chiffre d’affaires du cabinet?

Au début, c’était des modifications de surface : quand j’ai commencé à 23 ans je n’étais pas crédible alors je me suis tournée vers la clientèle exaspérée par les avocats. Certaines facturations de coûts, comme les conversations téléphoniques, les dérangeaient. Aujourd’hui, cela va plus loin, tout est basé sur la gestion financière de mon entreprise, je ne fais pas de grosses commandites de la mort, pas de gros cocktails à tout casser, je demande à mes avocats de faire moins d’heures. On s’entend que plus t’as le fardeau des heures facturables, plus tu vas vouloir facturer tout ce que tu peux, comme les conversations téléphoniques.

De quoi est fait votre quotidien?

Je rencontre beaucoup de clients, environ 2 à 5 fois par jour. J’accompagne autant des projets d’assurances que des achats d’entreprises. Je fais aussi beaucoup attention à mon réseau, je dîne avec ma banquière, des comptables, des fiscalistes, des avocats concurrents. Il faut développer son réseau, prendre le temps d’aller donner du temps! S’impliquer dans des C.A, créer des réseaux d’affaires, aller dans des déjeuners, des dîners, des 5 à 7, des cocktails bénéfices… Par semaine, j’ai environ 4 déjeuners d’affaires, 4 dîners d’affaires, et de 2 à 3, de 5 à 7… Mais j’aime ça, je suis heureuse. Cet investissement est nécessaire selon moi.

Donc j’imagine qu’aujourd’hui vous vous versez plus que 20 000 $ ?

(Rires) Oui, il fait bon vivre. Et j’ai 11 employés à qui je suis capable de verser un salaire. Chez nous, tout est transparent. On se rencontre de façon trimestrielle et on regarde où l’on est rendus en matière de dépenses et de revenus. On regarde toutes les heures facturables des avocats, mais pas dans le but de dénigrer qui que ce soit. Au contraire, si l’on voit qu’un collègue n’a pas rempli ses objectifs d’heures, on va lui donner de la job !

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui pourraient se sentir découragés?

La Course aux stages n’est pas représentative du marché actuel. Il y a de la place pour une restructuration de la profession. Il y a moyen de faire les choses autrement avec des modèles de gestion différents. D’ailleurs, j’étudie en ce moment la possibilité de lancer un nouveau modèle d’affaires très différent de ce que l’on voit dans les cabinets d’avocats. Je travaille avec des fiscalistes et des comptables pour que cela entre en vigueur en janvier 2018.

Est-ce que l’avocat de demain est nécessairement un bon entrepreneur?

La plus belle qualité que peut posséder un avocat est d’être libre et autonome. C’est la clé du succès. Cela lui offre de la valeur aux yeux de ses pairs mais aussi sur le marché du travail. Si Richard et moi cela ne fonctionne plus, je suis libre, j’ai ma clientèle, mon nom. Tout avocat en bureau privé est une entreprise en soi.

Quels sont vos objectifs maintenant?

Avoir de nouveau triplé le chiffre d’affaires du cabinet dans les prochains cinq ans, via une croissance organique ou des acquisitions. J’ai aussi un nouveau projet en lien avec la nouvelle ère de délivrer des services juridiques. J’aimerais aussi que le bureau ait une seconde place d’affaires.

Me Rachel Rhéaume est titulaire d’un Baccalauréat en droit de l’Université Laval, Faculté de droit (2012), d’un Certificat en science politique de l’Université Laval (2009) et d’un Programme Émergence de L'École d'entrepreneurship de Beauce.

La clientèle de Dion Rhéaume est composée en grande partie de sociétés par actions, de fiducies et de particuliers en affaires. Le cabinet accompagne autant les entreprises bien établies dans leur développement et leur expansion que les entreprises dans leur démarrage.
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