Entrevues

50 ans de Barreau, ça se fête!

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Theodora Navarro

2016-09-27 15:00:00

L’ex-juge et actuelle conseillère Me Louise Mailhot vient de fêter ses 50 ans de Barreau. Pour Droit-inc, elle revient sur son parcours et l’évolution de la pratique…

L’ex-juge et actuelle conseillère Me Louise Mailhot vient de fêter ses 50 ans de Barreau.
L’ex-juge et actuelle conseillère Me Louise Mailhot vient de fêter ses 50 ans de Barreau.
« Vous avez vu la photo? », s’esclaffe Me Louise Mailhot, ex-plaideuse, ex-juge et actuelle conseillère, notamment pour les avocats en droit du travail et en litige. Le cliché est parfaitement représentatif de la réalité de l’époque, celle qu’a connue Me Mailhot lorsqu’en 1966 elle est assermentée. 30 avocats. Une seule femme.

Fraîchement issue de la Faculté de droit, elle vient grossir les quelque 3% d’avocates que compte alors le Barreau. « Au début, je n’étais pas très consciente de ça. Je pensais que mon diplôme était le même que les hommes. » Rapidement, on lui fait comprendre que les choses ne vont pas être aussi évidentes. Un temps reléguée - à sa demande - au rôle de recherchiste, Me Mailhot accède finalement rapidement à la fonction d’avocate plaideuse.

La suite? Elle la raconte à Droit-inc, revenant sur 50 ans d’évolution dans la profession de juriste, du droit, du milieu juridique et d’accès au Barreau et aux postes d’associées pour les avocates.

Droit-inc : 50 ans, c’est un bel anniversaire! Quel regard portez-vous sur votre carrière?

Me Louise Mailhot : C’est assez impressionnant à plusieurs égards. Ça passe tellement vite! Le visage de la profession a changé, la féminisation s’est réalisée. Quand j’ai commencé il y avait environ 3% d’avocates alors qu’elles représentent maintenant presque la moitié des membres du Barreau et 70% des étudiants en droit. L’égalité s’est accomplie.

Quels sont pour vous les principaux changements qui ont eu lieu au niveau du droit?

Il y a eu l’avènement de la Charte, des Chartes plutôt, qui a beaucoup changé la pratique. Il y a eu une forte augmentation des causes et un volume plus grand de décisions rendues à la Cour Suprême. Il y a donc eu plus de lectures et de travail pour les juges et les avocats.

L’avènement de la technologie a fait que nous avons désormais accès à toutes les décisions de tous les tribunaux de toutes les provinces de tous les pays. De nouveaux domaines de pratique se sont développés comme la santé, la propriété intellectuelle ou même le droit du travail, qui était loin d’être aussi fourni et complexe lorsque j’ai commencé.

La pratique a-t-elle changé?

La façon de faire a évolué je dirais : il y a désormais l’obligation de faire de la conciliation. J’ai siégé il y a 20 ans dans un comité sur l’avenir de la justice civile au Canada, j’y représentais le Québec. Déjà, à l’époque, on voulait imposer la conciliation, que le juge n’intervienne vraiment qu’en dernier recours. Mais ça prend du temps pour faire tourner le paquebot de la Justice! (elle rit). Ça change complètement la culture, pour les juristes comme pour les justiciables.

Quels autres changements importants avez-vous constatés chez les avocats?

Leur nombre a augmenté de façon exponentielle. Nous étions 3000 alors que nous sommes presque 21 000 désormais. Du même fait, la façon de travailler a également changé. À l’époque, on parlait beaucoup des dossiers avec les autres avocats. On n’avait pas de courriels à vérifier, on n’était pas pris dans le trafic pour se rendre au palais, il n’y avait pas de formation continue à effectuer alors on avait du temps!

Ça devait influencer la pratique…

Me Mailhot regrette qu’aujourd’hui les avocats se rencontrent moins pour trouver des solutions.
Me Mailhot regrette qu’aujourd’hui les avocats se rencontrent moins pour trouver des solutions.
Oui, beaucoup! Je regrette d’ailleurs qu’aujourd’hui les avocats se rencontrent moins pour trouver des solutions. A cette époque, on travaillait surtout aux résultats. C’est plus tard que le phénomène horaire s’est manifesté. Je crois que ça a commencé à se répandre quand les associés sont apparus. À la même époque, j’ai eu ma première fille, je partais à 18 heures pour m’occuper d’elle quand les autres partaient à 21 heures. J’ai ressenti de façon très forte cette pression, la façon de comparer le travail de chacun est apparue. La garderie n’existait pas comme maintenant, la conciliation famille-travail était de fait difficile.

Est-ce que vous avez douté à un moment de pouvoir pratiquer en tant que femme?

Au début, on me disait que j’allais avoir de la difficulté pour plaider, que les clients n’allaient pas me faire confiance. Lorsque j’ai commencé en cabinet, j’ai demandé à faire de la recherche car je croyais que c’était ma place. Mais c’est seulement une fois entrée dans la profession, pas quand j’étais encore à l’université, que je me suis rendue compte de ça. On plaidait toujours devant des juges hommes par exemple. C’est pour ça que j’ai voulu écrire l’ouvrage Premières (ndlr : sur les premières femmes nommées juges). Ça a pris du courage d’exercer comme avocate mais aussi de la résilience. Il faut passer par dessus les remarques, mettre de l’eau dans son vin. Ça prend du doigté…

Mais vous avez toujours cru très fort à l’importance d’avoir des avocats, des juges, des associés de façon égalitaire…

Oui, c’est indispensable cette mixité. Dans des postes de direction, dans les comités, les conseils d’administration, les femmes apportent leur regard spécifique. Il est toujours fondé par rapport à l’expérience vécue. Les femmes n’ont généralement pas la même expérience de jeunesse et d’enfance, elles n’ont pas toujours développé les mêmes valeurs. C’est pour ça qu’avoir les deux sexes, et pour pousser plus loin, des gens de différentes cultures, origines et milieux sociaux, est une vraie richesse.

Outre la pratique privée, vous avez été juge durant 25 ans, d’abord à la Cour supérieure puis à la Cour d’appel. Vous étiez même la première femme du Barreau de Montréal à y siéger. Vous avez préféré quoi?

Les deux, la pratique et le rôle de juge! Au début je m’ennuyais à la magistrature mais une fois l’adaptation faite j’y ai pris du plaisir. J’ai encore plus aimé la Cour d’appel car la collégialité implique que l’on peut argumenter pour convaincre les autres juges. J’y ai retrouvé un peu le côté plaidoirie. Désormais je suis conseillère pour le groupe Litige et Droit du travail, c’est encore un nouveau rôle...
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