Entrevues

Tout quitter pour exercer en région!

Main image

Theodora Navarro

2016-10-24 15:00:00

Pourquoi choisir de quitter Montréal pour aller en région? Comment y faire sa place? Est-ce si différent? Du haut de ses 15 années d’expérience, cet avocat se confie à Droit-inc…

Me Benoît Amyot avait un désir de s'installer en région
Me Benoît Amyot avait un désir de s'installer en région
10 227. C’est le nombre d’habitants évoqué au dernier recensement de Roberval, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Un petit terrain de jeu pour Me Benoît Amyot, mais qui lui convient parfaitement. Pourtant, il y a 15 ans, il pratiquait encore à Montréal, après avoir fait ses débuts comme avocat à Valleyfield. Pourquoi un tel changement? À quoi ressemble la pratique en région? Pour Droit-inc, Me Amyot revient sur son parcours.

Droit-inc : Pourquoi avoir choisi de quitter Montréal pour la région?

Me Benoît Amyot : On me dit souvent que j’ai fait ce choix parce que ma conjointe est du Saguenay (il rit)! C’est vrai qu’elle est du Saguenay mais c’est un désir commun que nous avions de nous installer en région. J’avais un enfant en bas-âge, deux ans, je ne me faisais pas à l’idée de vivre à Montréal en perdant du temps dans les transports matin et soir pendant les trente prochaines années.

Comment se sont faits les choses?

J’ai vu une offre d’emploi chez Cain Lamarre. Je ne connaissais pas Roberval, j’y étais juste passé. La difficulté quand on vient en région, c’est de trouver un emploi intéressant pour les deux conjoints. Les gens de Cain Lamarre m’attendaient. Et finalement on a trouvé pour ma conjointe quelques mois après. Et finalement nous sommes là depuis 15 ans.

Vous avez trouvé un emploi dans votre domaine?

Oui, j’ai rejoint Cain Lamarre dans le même domaine. Je faisais du litige civil chez Dunton Rainville, à Montréal, en droit municipal et droit du travail. Chez Cain Lamarre, j’ai commencé avec une pratique plus généraliste, mais en étant toujours limité au civil. Comme le cabinet Cain Lamarre est présent partout, il est plus facile de développer une spécialité. Néanmoins, le fait d’être en région fait que tu dois avoir une pratique plutôt généraliste au départ.

Mais vous vous êtes spécialisé?

Oui! En droit autochtone. Ça représente aujourd’hui 75% de ma pratique. Nous avons une bonne clientèle autochtone donc je me suis développé une expertise dans ce domaine et même dans de nouveaux créneaux à l’intérieur du droit autochtone, car il faut savoir que celui-ci est très vaste. Je travaille beaucoup au niveau des revendications particulières.

Comment fait-on sa place en région?

Quand on arrive en région, qu’on a pratiquement pas de famille, qu’on ne connait personne, c’est important de se faire connaître. Même d’un point de vue personnel, pour se faire un réseau, se faire des amis, l’implication sociale est primordiale. C’est un peu la recette du succès en région, il faut aller vers les gens. Alors je me suis impliqué beaucoup durant les 10 premières années dans des organisations sociales et communautaires, ainsi qu’auprès de mon ordre professionnel. Je crois que c’est important de contribuer à notre ordre. J’ai voulu participer au conseil de section comme administrateur à partir de 2011 puis je suis devenu président du Barreau de section pour l’année 2015-2016.

Quels sont les points positifs dans le fait de pratiquer en région?

La plus grande satisfaction pour moi, c’est la dimension humaine dans les contacts avec les clients. C’est une autre approche, souvent il y a un aspect de relation plus personnelle car on côtoie nos clients en dehors d’un contexte professionnel. Par exemple, il n’est pas rare de croiser son client lors des activités sportives de nos enfants, assis dans les gradins d’un aréna, ou lors de sorties sociales. Je pense que ça nous permet de mieux comprendre nos clients et de leur offrir un service encore plus adapté. C’est vrai également pour les collègues de travail. Il est plus facile de les côtoyer, qu’il s’agisse des autres avocats ou des adjoints et adjointes par exemple.

Il y a quand même un revers à la médaille d’avoir cet aspect personnel lié à vos clients, non?

Le revers ne me dérange pas. On dit que nous sommes avocats 24h sur 24, 7 jours sur 7, et c’est vraiment ça! Mais il est vrai que, lorsque je vais au restaurant ou dans des sorties, je suis je suis pratiquement toujours perçu comme l’avocat. Mes commentaires et comportements sont vus et interprétés à travers ce prisme, ce lien-là. Ça, c’est un aspect qu’il faut considérer. Nous devenons des personnalités connues. Cependant, pour ma part, j’y vois plus d’avantages que d’inconvénients.

Est-ce que certaines choses vous manquent au niveau professionnel?

Non, vraiment pas. En termes de mandats, de dossiers, j’ai encore beaucoup d’amis qui pratiquent dans de grandes firmes à Montréal, mais je ne me sens pas envieux, je travaille sur des dossiers hyper intéressants. En étant l’entrée du client, on le connaît et on suit le dossier de façon continue. Même si je le transfère à un autre avocat pour un point particulier, je vais continuer à suivre le client. C’est vrai même en l’absence de mandat. Dans un monde idéal on devrait être en contact constant avec ses clients et en région c’est certain que c’est bcp plus facile. Les gens sont ouverts et chaleureux, une dimension humaine différente.

Est-ce qu’il y a des choses qui vous manquent au niveau personnel?

Certaines choses oui, comme le fait que la possibilité d’activités sociales est réduite : peu de restaurants, peu d’offres de divertissement. Au début, c’est difficile, mais on s’adapte.

Est-ce que vous seriez parti en région si c’était pour vous lancer en solo?

Non c’est clair, j’ai fait le saut parce que c’était Cain Lamarre. Je ne serais pas parti de Dunton pour aller dans une pratique solo. J’estime avoir le meilleur des deux mondes en ce que je bénéficie du soutien technique et professionnel, avec les ressources, notamment en termes de personnel, à l’intérieur d’un petit bureau à dimension humaine.

On souligne toujours la grosse différence salariale lorsqu’on parle des régions...

Les taux horaires sont moindres, ce qui fait en sorte que les revenus sont moindres mais on s’entend que les dépenses pour un cabinet situé sur le boulevard Saint Joseph à Roberval ne sont pas les mêmes qu’un autre situé Place Ville Marie à Montréal! En bout de ligne, on est pas perdant. Je ne paie pas 200 dollars pour me stationner tous les mois, je vais souvent dîner chez moi le midi… Le coût de la vie est moindre, il faut en tenir compte.

Que diriez-vous à un avocat, un jeune par exemple, qui souhaite venir pratiquer en région?

Je lui dirais qu’il y a des mandats professionnels hyper intéressants. Qu’il est plus facile de prendre du galon rapidement. Que les jeunes ont énormément de responsabilités rapidement et qu’il y a donc des possibilités d’avancement supérieures à ce qu’on peut voir dans les grands centres. Il faut seulement faire sa place en s’impliquant. Comme juriste, on a un rôle important à jouer dans la société et c’est encore plus vrai dans les petits milieux, c’est important de le prendre à coeur.
7538

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires