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Madame la Ministre, écoutez-nous!

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Jean Denis

2016-11-08 09:20:00

Nous estimons que vous ne pouvez rester silencieuse pendant que des centaines d’avocats et de notaires sont dans la rue…, écrit le président de LANEQ à la Ministre de la Justice…

Me Jean Denis, président des Avocats et notaires de l'État québécois
Me Jean Denis, président des Avocats et notaires de l'État québécois
''Lettre de l’association Les avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ) à la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée. ''

Des centaines d’avocats et de notaires de l’État québécois travaillant en votre nom sont en grève générale illimitée depuis le 24 octobre pour faire reconnaître et protéger leur indépendance dans l’exercice de leurs importantes fonctions d’experts juridiques auprès du gouvernement. Ceux-ci sont sans contrat de travail depuis 19 mois, et les négociations avec le Secrétariat du Conseil du trésor sont rompues depuis le mois de juillet.

Comme vous le savez, avocats et notaires donnent quotidiennement des conseils juridiques à une cinquantaine de ministères et d’organismes du gouvernement, et défendent leurs dossiers judiciaires dans des domaines aussi variés que l’éducation, la santé, l’immigration, la sécurité publique, l’environnement ou les affaires municipales. Leur rôle diffère de celui de leurs collègues de la pratique privée.

Les avocats et les notaires de l’État québécois ont pour fonction essentielle de vérifier si les actions de l’administration publique respectent les droits des citoyens et l’intérêt public. Pour ce faire, ils fournissent des conseils juridiques apolitiques dictés par le respect de la primauté du droit (Constitution, chartes des droits et libertés de la personne, lois et règlements), notamment lors de l’octroi de contrats, de subventions ou de permis, de l’adoption de lois et de règlements, d’inspections, enquêtes et poursuites judiciaires, domaines qui ont une incidence directe sur les droits et les intérêts des citoyens.

La reconnaissance et la protection de l’indépendance des avocats et des notaires permettent de fournir des conseils juridiques dans des situations pouvant s’avérer fort délicates. Par exemple, lorsqu’il faut aviser :

un ministre que son projet de loi viole probablement les droits et libertés fondamentaux ;

un sous-ministre qu’il devra se soumettre au processus public d’appel d’offres, malgré les engagements politiques du ministre d’aller de l’avant rapidement ;

un enquêteur ou un inspecteur du gouvernement qui veille à faire appliquer les lois de manière efficace, sans compromettre pour autant le respect des droits des individus concernés et la primauté du droit.

Le rôle des avocats et des notaires de l’État est aussi important pour l’intérêt public que celui exercé par nos collègues procureurs du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Il incombe d’ailleurs aux avocats de la Procureure générale de soutenir la validité constitutionnelle du Code criminel et des autres lois pénales.

La présente grève n’est pas sans conséquence :

des centaines de dossiers devant les tribunaux n’avancent pas et sont remis à plus tard, ce qui entraîne des frais pour les justiciables ;

des clientèles vulnérables attendent le soutien, notamment, des avocats de la Commission des normes du travail, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, de l’Office de la protection du consommateur et de la Régie du logement, et subissent les contrecoups du ralentissement des services auxquels ils ont droit ;

d’importantes poursuites judiciaires qui visent à préserver les intérêts supérieurs de la population sont touchées. Et pourtant, de récents litiges impliquant des avocats plaideurs du gouvernement nous donnent des exemples percutants de ce rôle : celui opposant l’État aux fabricants de tabac (visant à récupérer les millions de dollars en soins de santé liés au tabagisme) ; et la poursuite visant les banques afin de réduire les taux d’intérêt imposés aux utilisateurs québécois de cartes de crédit ;

la rédaction de projets de loi et de règlements qui visent l’amélioration du bien-être collectif est mise en veilleuse ;

et surtout, les différentes autorités du gouvernement prennent des centaines de décisions par jour sans véritable conseil juridique.

Il est donc impératif que soit mis en place un mécanisme de détermination de nos conditions de travail, mécanisme qui tiendrait compte de leur spécificité et de leur rôle unique dans l’administration, à l’instar de ce qui existe dans plusieurs provinces canadiennes. Un comité de rémunération indépendant assurerait que, même en contexte de négociation de leurs conditions de travail, leur indépendance ne puisse jamais être mise en doute. Cela éviterait d’autres recours à la grève à l’avenir.

Aujourd’hui, nous vous demandons, Mme Vallée, de prendre publiquement la parole pour reconnaître l’importance de ces juristes experts qui vous représentent quotidiennement dans votre rôle unique et apolitique de jurisconsulte (premier conseiller juridique du gouvernement) et de Procureure générale du Québec. Nous estimons que vous ne pouvez rester silencieuse pendant que des centaines d’avocats et de notaires sont dans la rue.
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1 commentaire

  1. incompertusx
    incompertusx
    il y a 7 ans
    Rentrez au travail
    Je paie mes impôts pour votre salaire et je paie mes cotisations pourqu'il y ait un Ordre qui est sensé de protéger votre indépendance. Vous n'êtes pas intéressés par les affaires de l'Ordre. Vous avez resté muets lors de l'affaire LCK. Vous avez obtenu un Ordre inerte. Bravo. Maintenant rentrez donc travailler et arrêtez de gaspiller davantage MON argent. Vous n'aurez aucune sympathie de la part de plusieurs avocats de pratique privée.

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