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Aveuglement volontaire

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Marie-france Ouimet

2016-12-09 13:15:00

La Coalition pour la promotion de la sécurité des personnes et des chiens se joint au recours opposant la SPCA à la Ville de Montréal… et met les points sur les i ... !

Marie-France Ouimet est étudiante à la maîtrise en droit à l’Université de Montréal
Marie-France Ouimet est étudiante à la maîtrise en droit à l’Université de Montréal
Les nombreux écueils du Règlement 16-060 sur le contrôle des animaux (« règlement »), adopté le 27 septembre dernier, ont motivé la Coalition pour la promotion de la sécurité des personnes et des chiens à se joindre au recours opposant la Société de prévention de la cruauté envers les animaux (« SPCA ») à la Ville de Montréal. Des individus, des vétérinaires et l’organisme Solidarité dans la rue qui vient en aide aux personnes en situation d’itinérance agiront également à titre d’intervenants.

Dans le cadre de l’intervention, nous soutenons que le règlement est invalide notamment parce que:

1. Il est impossible de juger du tempérament d’un chien en se basant sur son apparence;
2. Le règlement viole le droit à un procès équitable dans l’optique qu’il est impossible pour un gardien de contester un ordre d’euthanasie émis par la Ville de Montréal;
3. Le règlement est inconstitutionnel à la lumière des Chartes québécoise et canadienne.
4. Le règlement ne respecte pas le nouveau statut juridique des animaux désormais considérés comme des être doués de sensibilité;
5. Le règlement endosse la mise à mort de plusieurs animaux vulnérables et en parfaite santé, advenant qu’ils ressemblent à certaines races ou croisement de races;
6. Le règlement confère des pouvoirs abusifs aux inspecteurs municipaux;
7. Le règlement est discriminatoire envers certains groupes d’individus (par ex. les itinérants et les personnes possédant un casier judiciaire); et
8. Le règlement est irrationnel, arbitraire, imprécis, ambigu, opprimant, présomptueux et n’a aucun fondement scientifique.

Au surplus, la Ville de Montréal prétend que l’application de normes particulières aux chiens de « type pit bull » est nécessaire à la sécurité publique et au contrôle des chiens dangereux. Le 5 octobre, le Juge Gouin prononçait un sursis, lequel a été levé par la Cour d’appel le 1er décembre, suivant plusieurs engagements de la Ville valables jusqu’à l’audition au fond où la validité des dispositions en cause sera alors débattue, indépendamment du débat sur leur suspension.

Les tenants du mouvement prônant la législation visant des races particulières (« LRP ») tentent d’en démontrer l’efficacité et le bien-fondé, nonobstant la reconnaissance du statut juridique des animaux comme êtres doués de sensibilité aux termes de la Loi sur la sécurité et le bien-être de l’animal qui n’était pas en vigueur à l’occasion de la contestation judiciaire de la loi ontarienne. Trêve de généralisation abusive et de raccourcis intellectuels, rectifions les faits.

Incidence des attaques mortelles. Au cours des trente dernières années, six cas de morsures mortelles de chiens ont été rapportés au Québec (Rapport de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec « OMVQ », 2016). La mort tragique de Mme Christiane Vadnais, en juin 2016, est la première attaque mortelle imputée à un chien de « type pit bull », alors que nous ne savons toujours pas avec certitude quel type de chien en est responsable. Dans le reste du Canada, deux autres incidents mortels ont été reliés à des chiens de « type pit bull », en 1995 et en 1997, en Ontario.

Incidence des morsures chez les vétérinaires en 2015. Les chiens croisés sont responsables de 9.6% des morsures chez les vétérinaires. Les chiens de « type pit bull » figurent au 18e rang et sont responsables de 1.1% des cas de morsures, par opposition aux chihuahuas et aux bergers allemands qui se trouvent aux deux premiers rangs, respectivement responsables de 19.2% et 10.1% de ces cas (Tableau des races de chiens en cause dans des cas de morsures chez les vétérinaires en 2015, Association des médecins vétérinaires du Québec en pratique des petits animaux « AMVQ »).

Rationalité, science et raison. Les chiens de « type pit bull » ne sont pas plus agressifs que les autres chiens et n’ont pas la force de morsure la plus grande (Découverte, Épisode du 11 septembre 2016, Ici Radio-Canada Télé); contrairement aux données erronément citées par Mme Anie Samson, membre du Comité exécutif de la Ville de Montréal et présidente de la Commission de la sécurité publique, lors du débat sur l’adoption du règlement.


Qui plus est, le comportement des chiens de « type pit bull » est davantage déterminé par leur environnement que par leurs gènes, leur race ou encore leur historique (James Serpell, zoologiste, Université de Pennsylvanie; Brady Barr, National Geographic). Tous les chiens ont la capacité de défigurer ou de mutiler, selon que la victime est un adulte, un enfant, ou un autre chien. Dans tous les cas, les races responsables du plus grand nombre d’attaques varient selon l’année et la région étudiées (Karen Overall, Université de Pennsylvanie).

Identification des chiens de « type pit bull ». Les trois chiens de « type pit bull » listés dans le règlement sont physiquement différents les uns des autres et plusieurs autres races de chiens de divers pays leur ressemblent. La référence au chien de « type pit bull » dans les rapports médicaux et de police suite à un incident de morsure relève de l’identification arbitraire, subjective et discrétionnaire des propriétaires, des victimes, des voisins, des policiers ou d’une autre « autorité compétente ».


Or, des études révèlent que la grande majorité des victimes ne sont pas en mesure de bien identifier le chien qui les a mordues. Le porte-parole du SPVM, M. Daniel Lacoursière, a d’ailleurs affirmé publiquement le 21 septembre que le SPVM n’est pas compétent pour identifier avec justesse les chiens dans leurs rapports. Il existe également une tendance à étiqueter le chien responsable comme étant de « type pit bull » en cas de morsure sévère (Karen Overall, Université de Pennsylvanie).


Qui plus est, l’identification visuelle de chiens « de type pit bull » à partir des critères morphologiques proposés par la American Dog Breeders Association (non pas la Canadian Canine Association qui n’existe pas, malgré les prétentions de Mme Anie Samson, membre du Comité exécutif de la Ville de Montréal et présidente de la Commission de la sécurité publique) est qualifiée de « difficile », « biaisée et peu fiable » et peut mener à « [des] erreurs fréquentes dans l’identification et dans la certification » (Rapport de l’OMVQ, 2016). Les statistiques d’études reposant sur cette identification présomptueuse, hypothétique et non scientifique ne sont donc pas fiables.

Inefficacité des règlements pro LRP. À Vancouver, cette réglementation n’a eu aucun effet. Au Manitoba, le nombre d'hospitalisations liées à des morsures de chiens est stable, seize ans après l'interdiction en 1990 des chiens de « type pit bull ». En Ontario, le nombre d'hospitalisations liées à des morsures de chiens est en hausse depuis l'interdiction des chiens de « type pit bull » (767 cas en 2014, alors qu’en 2005, lors de l’entrée en vigueur de la loi visant l’interdiction de ces chiens, le nombre s’élevait à 486) (Découverte, Épisode du 11 septembre 2016, Ici Radio-Canada Télé).

Enfin, le règlement est contraire à la recommandation de ne pas procéder à l’interdiction d'une race particulière, formulée unanimement par le Comité de travail sur l’encadrement des chiens dangereux dans son Rapport rendu public en août 2016 dont était membre Mme Anie Samson. D’ailleurs, dans la version préliminaire de son rapport, ce comité avait judicieusement mis en garde la Ville: « lorsqu'il y aura morsure par une autre race de chien, les élus devront répondre de leur choix qui va à l'encontre des études scientifiques et démographiques réalisées au cours des dernières années ».

À quel prix l’administration du maire Coderre continuera-t-elle à se borner à mettre de l’avant sa réglementation en matière de gestion animalière, alors que les experts s’entendent que l’expérience pratique, les données scientifiques et la raison lui font obstacles?

Marie-France Ouimet est étudiante à la maîtrise en droit à l’Université de Montréal et Vice-Présidente et directrice des communications pour la Coalition pour la promotion de la sécurité des personnes et des chiens.
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