Nouvelles

Un juge mis en cause pour avoir retardé 50 dossiers

Main image

Radio -canada

2017-01-21 10:42:00

Alors que la crise des délais judiciaires mène à l'avortement de plusieurs procès, un juge de la Cour du Québec est montré du doigt pour avoir refusé d'entendre des dizaines de dossiers...

Le juge Gilles Garneau
Le juge Gilles Garneau
Le juge Gilles Garneau a fermé sa salle d'audience pendant trois jours en raison de l'habillement que portaient des constables spéciaux comme moyen de pression.

Les 19, 20 et 21 décembre derniers, au palais de justice de Laval, il n'aurait pas apprécié les pantalons de camouflage du constable spécial qui assurait la sécurité dans sa salle d'audience. Il aurait donc obligé les avocats à reporter les 50 dossiers qui devaient être entendus, dont certains jusqu'en novembre 2017.

Même lorsqu'une procureure a rappelé l'existence de l'arrêt Jordan de la Cour suprême, qui fixe une durée maximale aux procès, le juge Garneau serait demeuré intraitable, selon ce qu’on peut lire dans une requête dont Radio-Canada a obtenu copie. « Non, il y a un décorum. Il y a des règles de pratique. Ça va être respecté, que Jordan soit là ou pas », aurait-il dit.

Dans la requête, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) reproche au juge Garneau d'avoir agi contre l'intérêt de la justice.

« Le juge intimé aurait dû prendre en considération la présence des témoins, les délais importants provoqués, les inconvénients pour les parties, les victimes et le système de justice (...) », peut-on lire dans la requête.

Le DPCP demande à la Cour supérieure d'intervenir pour renverser les décisions prises par le juge Garneau et s'assurer que les dossiers reportés puissent être entendus le plus rapidement possible.

Gilles Garneau est l'un des rares juges à avoir refusé de siéger dans la province en raison de l'habillement des constables spéciaux.

C'est la première fois que le DPCP s'adresse aux tribunaux pour contester ce type de décision. Le juge Garneau affirme lui aussi n'avoir jamais vu cela auparavant, mais il refuse d'en dire davantage, invoquant son devoir de réserve.

Chandails roses, jeans et casquettes

Les constables spéciaux portent des pantalons de camouflage comme moyen de pression dans leurs négociations syndicales
Les constables spéciaux portent des pantalons de camouflage comme moyen de pression dans leurs négociations syndicales
Les constables spéciaux portent des pantalons de camouflage comme moyen de pression dans leurs négociations syndicales.

Cet accroc au décorum fait partie des moyens de pression utilisés depuis deux mois par les constables spéciaux, dans le cadre de leurs négociations syndicales. Vendredi, ils ont augmenté la pression en ajoutant une touche de rose à leur garde-robe.

Le président du syndicat des constables spéciaux, Franck Perales, tient à préciser que cela ne doit pas être perçu comme un affront et déplore la réaction du juge Garneau.

« On ne veut pas porter l'odieux de cela. Les moyens de visibilité sont notre seule façon de montrer notre mécontentement », dit-il.

Réaction disproportionnée?

La décision du juge Garneau de reporter tous les dossiers est un « remède radical », selon le professeur de droit à l'Université de Montréal Pierre Trudel.

« À première vue, ça apparaît léger comme raison, la couleur des pantalons. [...] C'est peut-être désagréable, mais il y a pire », dit-il. Il note en plus que les reports entraînent des coûts supplémentaires pour le système de justice.

Martin Gallié, professeur de droit à l'UQAM, juge aussi la situation préoccupante. « Quand, dans une société, la couleur des pantalons des policiers devient plus importante pour des magistrats que l’accès à la justice de dizaines de citoyens et de citoyennes, il peut sembler pertinent de s’attarder sur le contexte social et les priorités de la société en question », dit-il.

Des munitions pour un arrêt de procédures

La présidente de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, Mia Mannochio, croit que les délais engendrés par le juge Garneau pourraient permettre à certains accusés d'échapper à leur procès.

En juillet dernier, la Cour suprême a fixé une durée maximale pour les procédures judiciaires. Le plafond est de 18 mois en cour provinciale, et de 30 mois, devant la Cour supérieure.

Dans le cas qui nous occupe, la question importante pour Me Mannochio est la suivante : « À qui ce délai est-il attribuable? » Pas à la défense, selon elle, ce qui fait que certaines causes pourraient excéder la limite permise, et on pourrait devoir y mettre fin.

Aucun commentaire des juges en chef

Les juges en chef de la Cour du Québec et de la Cour supérieure ont décliné toute entrevue au sujet du refus du juge Gilles Garneau de siéger, parce que sa décision est au cœur d'une requête judiciaire.


Ce sont deux procureurs de Québec, Nicolas Abran et Daniel Royer, qui ont signé la requête. Ils ont transmis toutes les questions au porte-parole du DPCP, Jean-Pascal Boucher, qui s'est tenu à répondre que le ministère public fera valoir ses arguments « à la cour ».
6906

3 commentaires

  1. Ano
    Bien fait
    J'aime bien le juge Garneau qui est un des rares à dire les choses comme elles sont. Le Québec n'est même plus capable d'avoir des employés qui respectent l'uniforme qui leur confère leur autorité. Que les politicailleux veules qui nous gouvernent assument la responsabilité de ce gâchis

  2. J. M.
    J. M.
    il y a 7 ans
    L'affaire du juge Garneau
    Les avocats de la poursuite comme ceux de la défense n'ont pas à se plaindre, car c'est devenu une coutume de faire remettre les causes afin de jouer sur la loi. Et cette fois-ci, ils vont se plaindre d'un juge qui veut seulement mettre un terme à l'abus de policiers qui sont grassement payés et ont tellement d'avantages sociaux, etc.
    L'administration de la justice est devenue une farce monumentale dans la société québécoise. J'en ai déjà eu un aperçu et je peux vous dire que c'est pitoyable.
    Le très célèbre avocat Marcel Turgeon, qui fut le doyen du barreau du Québec avait une très haute estime du juge Garneau.

  3. J. M.
    J. M.
    il y a 7 ans
    Gilles Garneau, un juge honnête
    Le juge Garneau est un très bon juge qui n'est pas complice du système judiciaire. C'est sa façon de protester contre les abus des policiers, et avocats qui font exprès pour se servir de la prescription de la loi sur les délais afin de permettre à certains de leurs clients d'échapper à la justice.
    Bravo au juge Garneau qui était tenu en très haute estime par mon ami le défunt Me Marcel Turgeon qui fut durant quelque temps le doyen du Barreau du Québec.

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires