Campus

Souvenirs d’une courseuse d’il y a 20 ans

Main image

Sophie Bérubé

2017-01-27 14:30:00

Réponses farfelues, erreur d’étiquettes à tables, langage corporel douteux... mais surtout, des souvenirs mémorables pour cette avocate, qui jette un regard attendrissant sur sa course aux stages.

Sophie Bérubé est avocate, animatrice, journaliste, auteure et productrice.
Sophie Bérubé est avocate, animatrice, journaliste, auteure et productrice.
Trente-deux cv envoyés, 28 premières entrevues, 12 deuxièmes entrevues, 4 activités avec les bureaux, 3 offres… Voilà, en chiffres, ma course aux stages. Mais par-dessus tout, je n’oublierai jamais ce premier contact avec les grands bureaux alors que je n’étais qu’une petite étudiante en deuxième année en 1997, à l’Université de Montréal.

Je ne sais pas pourquoi j’ai postulé à tant d’endroits ! Je devais vivre beaucoup d’insécurité et surtout, je n’avais aucune idée dans quoi je m’embarquais. Je me souviens d’être allée magasiner mon premier tailleur chez Tristan et Iseult avec mon défunt père aux Promenades Sorel. Il ne comprenait pas pourquoi c’était si cher (200$ !!) alors que je n’avais même pas encore d’emploi. Mais je n’oublierai jamais sa fierté dans les yeux lorsqu’il m’a vue défiler dans mon nouveau tailleur.

Ma première entrevue s’est déroulée dans une salle de conférence, chez Desjardins Ducharme (comme vous voyez les noms de cabinet ont changé depuis), seule devant trois avocats. J’étais tellement nerveuse que je me suis dandiné intensément sur ma chaise, en gardant le tronc bien droit, mais en faisant tourner mes hanches à une vitesse folle de chaque côté. Ce n’est qu’au milieu de l’entrevue que je m’en suis rendue compte. J’ai arrêté, d’un coup sec, totalement honteuse, sans rien mentionner à ce sujet. Un autre regard dont je me souviendrai toujours : celui de mes intervieweurs qui semblaient à la fois soulagés que j’arrête, et à la fois convaincus que je ne ferais pas l’affaire. Je n’ai pas eu de rappel de leur part.

Gros malaises

Après quelques entrevues, j’ai commencé à être plus à l’aise. Chacune finissait de la même façon : « avez-vous une question pour nous ? ». Et j’avais toujours la même question pour mes intervieweurs : « quel est votre meilleur souvenir depuis que vous travaillez ici ? ». La meilleure réponse fût celle de mes intervieweurs chez Border Ladner Gervais. Ils m’ont raconté la fois où une bande de jeunes avocats s’étaient introduits par effraction dans la piscine du parc Laurier après une fête bien arrosée (je ne me souviens plus de leur noms, ils sont sûrement devenus associés aujourd’hui!). Ailleurs, on me répondait: « lorsqu’on m’a donné de belles responsabilités » ou encore, « lorsque j’ai plaidé ma première injonction ». Évidemment, si j’avais été un peu plus sérieuse, c’est ce genre de réponse qui aurait davantage dû m’inspirer dans mes choix!

Pour les deuxièmes entrevues, le panel vieillit un peu, et j’ai dû affronter des associés d’expérience. Me George Artinian, chez Martineau Walker, connaissait mon cv par cœur et me posait des questions très précises. Je le lui ai fait remarquer : « wow ! Vous connaissez bien mon cv». Sa réponse ? « Bien non, il est affiché sur le mur derrière toi. » Et ma réaction? Oui. Je me suis retournée sans saisir sa blague. Malaise.

Ma pire réponse en deuxième entrevue fût celle à une question posée par les avocats de Stikeman Elliott. Elle concernait l’actualité. Aujourd’hui, je gagne ma vie en partie en commentant l’actualité, mais à l’époque, je lisais des milliers de pages de jurisprudence et de doctrine pour avoir les notes pour obtenir un stage (d’accord, je faisais aussi des concours de calage de bière aux LawGames, mais c’est une autre histoire). Et je ne connaissais rien de l’actualité.

« Que pensez-vous de la loi anti-tabac ? »

Je fumais et je n’avais qu’une vague idée de la loi à laquelle ils faisaient référence. Et tout ce qui me venait en tête, c’était: « faut pas que je leur dise que je fume ».

Après une longue minute d’hésitation, j’ai répondu : « euh… Ça, c’est… c’est bien l’affaire de ne pas permettre des publicités au Grand prix ? Hein ? Euh… oui, bon, eh bien, ouais, ben, en fait, le tabac, c’est un peu comme l’alcool et le McDo (le McDo ???), et on n’empêche pas la pub dans ces domaines… »

Encore aujourd’hui, je m’en veux de cette réponse. Même que, lorsque j’ai été rappelée par la responsable pour assister à un match de hockey dans la loge du bureau, je n’en revenais pas et je le lui ai dit. Elle m’a répondu: « ouais, bien on s’est dit que tu avais peut-être d’autres qualités que de maîtriser l’actualité… » Ouch. Mais bon, ce n’est rien si l’on compare aux commentaires qu’il m’arrive de lire sous les articles de Droit Inc.

Entorse à l’étiquette

À la fin de la course, après les deuxièmes entrevues, et avant les offres, il y avait parfois des événements mondains. Du haut de ma jeunesse un peu écervelée, j’ai osé demander au prestigieux et olympique Richard Pound, de chez Stikeman Elliott, si les avocates avaient le temps d’avoir une vie, une famille, et de s’amuser un peu, quoi (j’étais une avant-gardiste, n’est-ce pas la priorité des milléniaux aujourd’hui ?). Monsieur Pound m’avait regardée comme si je lui avais demandé s’il avait une maladie vénérienne et a poursuivi la conversation avec un meilleur candidat potentiel que moi.

Puis, j’ai été invitée dans un club privé pour la première fois de ma vie. J’étais jumelée avec le regretté Yvon Martineau et je n’avais pas grand chose à dire, surtout que j’étais stressée de ne pas respecter l’étiquette à table. Comme de fait, j’ai oublié d’attendre que tous les invités soient servis avant de prendre la première bouchée et j’ai enlevé le petit filet en tissu recouvrant mon demi-citron, ne sachant pas que celui-ci servait à retenir les pépins lorsqu’on le pressait au-dessus de notre poisson. Mais heureusement, il ne m’en a pas tenu rigueur, et j’ai entamé mon stage chez Martineau Walker (aujourd’hui Fasken Martineau) un an et demi plus tard.

Après mon stage, j’ai été convoquée dans la grande salle de conférence et le fameux « Welcome aboard ! » lancé par le maître de stage Marc-André Fabien restera à jamais gravé dans ma mémoire et mon cœur. La vie dans les grands cabinets n’était pas vraiment pour moi, une carrière dans les médias et en médiation m’attendait, mais j’en garde un excellent souvenir et surtout, des qualités professionnelles qui me servent encore aujourd’hui.

Sophie Bérubé est avocate, médiatrice familiale, auteur et collaboratrice dans différents médias.
www.sophieberubeavocate.com
9783

3 commentaires

  1. Joey Zukran
    Joey Zukran
    il y a 7 ans
    Avocat
    Your answer in your Stikeman interview was not as farfetched as you thought! Au contraire, it was an excellent reflex for a second year law student! A class action lawsuit was filed in Quebec a few months ago against McDonald's for illegal advertisement targeting children. For more info see: http://lpclex.com/2016/11/mcdonalds-toys/

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Du point de vu d'un coureur depuis 20 ans
    De l'autre côté de la clôture les souvenirs sont différents, mais tout aussi savoureux.

    Malheureusement les temps changent. Le troussages de stagiaires par exemple, c'est devenu tellement banal que le plaisir de la chasse en a complètement disparu.

    • Sophie Bérubé
      Sophie Bérubé
      il y a 7 ans
      Avocate auteure
      Votre commentaire est dégueulasse.
      Vous devez être un homme tellement heureux derrière votre anonymat.

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires