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Le juge Boucher fustige le DPCP !

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Jean-francois Parent

2017-04-10 15:00:00

L’arrêt des procédures contre un accusé de meurtre est dû aux erreurs de la Couronne, et à l’enlisement « notoire » des causes au Palais de justice de Montréal…

Sivaloganathan Thanabalasingham, accusé d’avoir égorgé sa jeune épouse, Anuja Baskaran, en août 2012.
Sivaloganathan Thanabalasingham, accusé d’avoir égorgé sa jeune épouse, Anuja Baskaran, en août 2012.
Sa décision de libérer un accusé de meurtre en raison de l’arrêt Jordan a déclenché une série de réactions politiques et mis à mal la confiance des citoyens envers le système de justice. Le juge Alexandre Boucher a publié les motifs qui ont conduit à l’arrêt des procédures contre Sivaloganathan Thanabalasingham, accusé d’avoir égorgé sa jeune épouse, Anuja Baskaran, en août 2012.

L'arrêt Thanabalasingham révèle une stratégie procédurale déficiente de la Couronne et un enlisement chronique de l'appareil judiciaire dans le district de Montréal.

Prenant appui sur les balises imposées par l'arrêt Jordan, l'honorable juge Alexandre Boucher, de la Cour supérieure, a tranché : un délai de 55 mois entre la mise en accusation et la tenue d'un procès est inconstitutionnel.

Reste alors à déterminer si ces délais indus sont le résultat de circonstances exceptionnelles, qui tiennent par ailleurs compte du nouveau régime de droit imposé par la règle Jordan, note le juge Boucher en préambule de sa décision, rendue vendredi.

Au chapitre des blâmes à distribuer, il y a d'abord l'enlisement notoire des causes devant la Cour supérieure, constate le juge Alexandre Boucher dans une décision rédigée en anglais.

Il revient alors à la Couronne de démontrer que les délais sont exceptionnels ou qu'ils sont causés par une cause particulièrement complexe. Une démonstration que le DPCP n'a pas fait, tranche le juge Boucher.

Le DPCP pointé du doigt

« Le temps démesurément long requis pour l'enquête préliminaire n'échappait pas au contrôle de la Couronne. Bien au contraire », écrit le juge Boucher, qui relève que le DPCP est monté au front sans avoir les munitions pour le faire.

Alors que le ministère public avait déposé un accusation de meurtre au second degré contre Sivaloganathan Thanabalasingham, il a cependant tenté de démontrer, pendant l'enquête préliminaire, que le crime était plutôt un meurtre au premier degré.

Mais « la Couronne n'a pu satisfaire ce fardeau, relativement faible », constate le juge Boucher, qui ajoute qu'en fait, « la Couronne n'avait pas de preuve » sur laquelle appuyer une nouvelle accusation.

Au final, l'enquête préliminaire a duré 20 jours, plutôt que la dizaine prévus au départ. Il a fallu plus d'une année pour la mener à terme, ce que le DPCP a attribué à des circonstance exceptionnelles.

Le juge voit la chose autrement. « Il est de notoriété publique que c'est pratiquement impossible, à Montréal, de tenir une enquête préliminaire en continu ». La Couronne ne peut donc pas invoquer des circonstances exceptionnelles pour justifier de tels délais, qu'elle a elle-même causé en partie.

Pas de « disponibilité perpétuelle »

Autre argument invoqué par le DPCP pour expliquer les délais : le manque de disponibilité de la défense pour participer à un procès tenus dans des délais plus courts.

« La Couronne soutient que le procès aurait pu se terminer au début de juin 2016 si la défense avait été disponible à ce moment », écrit le juge Boucher. Un argument qu'il rejette, puisque les avocats de la défense auraient été disponibles pour un procès tenu plus tôt si on le leur avait offert.

Mais voilà, de nouvelles dates de procès sont arrivées trop tard dans le processus, se heurtant aux précédents engagements de la défense. Sans compter que les nouvelles dates ont été proposées trop tard pour permettre aux avocats de bien préparer leur défense.

Le juge observe que la planification des procès « ne requiert pas que la défense se mette en état de disponibilité perpétuelle ». Elle ne peut donc être tenue responsable de ces délais.

Une cause simple

La cause étant relativement simple à plaider, la « complexité n'a pas causé les délais déraisonnables ». De plus, la Couronne n'a pas fait grand chose « pour réduire les longs délais institutionnels » inhérents à la justice criminelle et faire subir son procès à l'accusé dans des délais raisonnables. « Au contraire, la Couronne a fait des choix procéduraux discutables qui ont ajoutés aux délais. (…) Une meilleure analyse coût-bénéfice de (son processus de mise en accusation) aurait davantage servi la justice », conclut le juge pour justifier qu'il choisisse de relaxer le prévenu.

C'est le quatrième arrêt de procédures ordonné dans un procès pour meurtre au Canada : les jugements Picard et Manasseri en Ontario, ainsi que Regan en Alberta, sont les autres causes mises à mal par l'arrêt Jordan.

Quant au DPCP, « nous sommes toujours en réflexion » quant à la décision de porter ou non le jugement en appel, indique la porte-parole Valérie Savard. « Nous ne ferons donc aucun commentaire », dit-elle.

L’accusé pourrait être expulsé au Sri Lanka

Quant à Sivaloganathan Thanabalasingham, âgé de 31 ans aujourd’hui, il n'a pas encore retrouvé sa liberté. Il comparaît aujourd'hui devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), pour enquête et révision des motifs de sa détention.
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