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Procès d’un meurtrier annulé: la Cour supérieure a « erré » dénonce le DPCP

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Radio -canada

2017-07-17 11:15:00

La Couronne estime que le présumé meurtrier n’aurait pas dû obtenir un arrêt des procédures...

Sivaloganathan Thanabalasingam
Sivaloganathan Thanabalasingam
Sivaloganathan Thanabalasingham aurait indûment utilisé l’arrêt Jordan pour se soustraire à son procès, selon le DPCP.

Le Sri-Lankais expulsé du Canada malgré une accusation de meurtre prémédité, aurait fait une utilisation indue de l'arrêt Jordan pour échapper à son procès, selon le mémoire d'appel du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) que Radio-Canada a obtenu.

Son procès a été annulé par la Cour supérieure du Québec pour cause de délais déraisonnables en vertu de l’arrêt Jordan, déposé il y a maintenant un an par la Cour suprême du Canada.

Selon le plus haut tribunal du pays, il est désormais déraisonnable que les cours supérieures dépassent un délai de 30 mois du début à la fin d’un procès. Il s’agit d’une violation des droits de l’accusé, ce qui lui permet de demander un arrêt des procédures.

Et c’est ce que Sivaloganathan Thanabalasingham, accusé d’avoir assassiné sa conjointe en août 2012, a fait. Les délais associés à son dossier sont de 55 mois.

Or, la Couronne estime que l’homme de 31 ans n’aurait pas dû obtenir un arrêt des procédures, entre autres parce qu’il a lui-même refusé de devancer la tenue de son procès.


Des délais imputables à la défense

La date du procès de l’accusé avait d’abord été fixée au 12 février 2018. « La défense accepte alors la date sans broncher, annonçant même qu’elle n’aurait aucune requête à présenter en vertu (...) de la Charte », note le DPCP dans son mémoire déposé le 6 juillet dernier.

Lors de la conférence préparatoire du 21 janvier 2016, le juge indique qu’il souhaite devancer la date du procès de presque deux ans, soit au 11 avril 2016. Ce à quoi la défense répond négativement. Lorsque le juge propose le 20 mars 2017, la défense répond encore une fois négativement. La défense se montre aussi réticente à accepter une date en janvier 2017, mais propose enfin le 13 mars 2017.

Les parties conviennent alors de se rencontrer quelques jours plus tard pour finaliser la fixation de cette date, puisque des vérifications administratives sont nécessaires.

« Ce n’est qu'alors que la défense (...) annonce qu’elle déposera une requête de type Jordan », écrit le DPCP, qui soupçonne l’accusé d’avoir utilisé l’arrêt de la Cour suprême pour se soustraire à son procès plutôt que pour faire valoir son droit d’être jugé dans un délai raisonnable. « Le bouclier que se veut (...) la Charte (s’est) transformé en épée entre les mains de l’intimé. Ceci n’est pas censé d’être », ajoute le Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Le DPCP estime même que le juge de la Cour supérieure a « erré » en n’attribuant pas ce délai à la défense et en acceptant l’arrêt des procédures.


Pourquoi faire appel si l’accusé a été expulsé?

Sivaloganathan Thanabalasingham, qui bénéficiait du statut de réfugié, est le premier Québécois accusé de meurtre à obtenir l’annulation de son procès grâce à l’arrêt Jordan.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié avait décrété son expulsion en avril dernier sous le motif de « grande criminalité » en raison de ses antécédents judiciaires en matière de violence conjugale.

Au cours des neuf mois ayant précédé le meurtre de sa femme, l’homme avait été arrêté à trois reprises pour des affaires de violence conjugale.

Thanabalasingham comptait s’opposer à cet avis d’expulsion, avant de faire volte-face quand la Couronne a demandé de renverser l’arrêt des procédures.

Comme il n’y a pas de traité d’extradition entre le Sri Lanka et le Canada et qu’aucune mesure coercitive ne peut être envisagée pour le ramener au pays, le DPCP avait demandé d'empêcher son expulsion, au moins le temps que la Cour d'appel statue sur son cas, en septembre. Le ministre de l'Immigration, Ahmed Hussen, a cependant refusé.

Malgré ce revers, la Couronne tient tout de même à faire annuler le jugement de la Cour supérieure.

« Cette affaire soulève des questions de principe que nous estimons importantes et qui, selon nous, méritent la considération de la Cour d'appel », dit Me Christian Jarry, procureur aux poursuites criminelles et pénales.

Marie-Hélène Giroux
Marie-Hélène Giroux
On craint visiblement que l’arrêt Jordan puisse être utilisé de manière indue par d’autres accusés de crimes graves, sous prétexte de violation de leur droit d’être jugé dans un délai raisonnable.

En date du 6 avril dernier, le DPCP avait reçu 805 demandes pour un arrêt de procédures, dont 485 en matière criminelle.

L’avocate du présumé meurtrier, Marie-Hélène Giroux, a jusqu'au 15 août pour déposer sa réponse au mémoire. L'affaire doit être entendue dès le 13 septembre prochain.
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