Carrière et Formation

Comment devenir un avocat exceptionnel?

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Jean-francois Parent

2017-07-21 10:15:00

Un juge comptant 20 ans d’expérience sur le banc livre sa recette pour atteindre la perfection.

André Wery
André Wery
« Il n’y a pas assez de bons avocats et beaucoup trop de mauvais avocats. Quant aux avocats exceptionnels, ils sont très rares. »

C’est ainsi que André Wery, juge surnuméraire à la Cour supérieure du Québec, débute son témoignage sur ce qui sépare le bon grain de l’ivraie dans les tribunaux.

Il répondait à l’invitation du Jeune Barreau Montréal lors de son congrès annuel.

Pour réussir le passage à l’ère « postmoderne » de la plaidoirie, l’honorable juge Wery, qui a été juge en chef adjoint de la Cour supérieure de 2005 à 2013, propose une liste de comportements qui relèveront de plusieurs crans la crédibilité du plaideur.


Être un agent pacificateur

Aujourd’hui, il faut faire tout en son pouvoir pour livrer un débat loyal, remarque le juge Wery.

« Quand j’ai commencé à pratiquer, on se moquait d’un collègue qui venait de régler, on disait qu’il avait peur d’affronter le juge. »

Le summum de l’activité professionnelle, pour un plaideur, était de livrer bataille jusqu’au dernier sang. « Mais allez en cour, c’est l’arme de destruction massive. D’ailleurs le Code de procédure civile insiste d’entrée de jeu pour que les parties tente de régler. »

« Et pour un juge, un avocat qui cherche le compromis ou la négociation » gagne en crédibilité.


Faire des offres raisonnables

« Beaucoup d’avocats approchent la négociation de règlement comme une partie de poker », déplore M. Wery qui estime que l’avocat qui n’ouvre pas les négociations avec des offres sensibles ne peut pas être pris au sérieux.

« Par exemple, alors qu’on a donné une évaluation à un client qu’il allait voir sa responsabilité reconnue et que cela allait lui coûter 100 000$, mais qu’on lance la négociation à 10 000 $, on envoie le signal qu’on prend l’adversaire pour un idiot. »

Ouvrir les enchères avec une proposition ridicule dessert la justice. Est-ce qu’on respecte la déontologie ? demande André Wery.


Restez objectif

« Ce n’est pas parce qu’un client vous paie qu’il faut cesser d’être objectif. » Le client doit avoir la certitude que l’avocat ne lui dira pas ce qu’il veut entendre, mais plutôt ce qu’il doit entendre.

Le juge Wery cite d’ailleurs une publicité du cabinet Osler à cet effet : « Le travail d’un avocat, c’est de montrer au client la lumière au bout du tunnel. Surtout si cette lumière est celle du train qui arrive ! »


Restez calme

L’équanimité, soit l’égalité d'humeur, la sérénité et le flegme, est une qualité qu’on reconnaît toujours. C’est surtout lorsqu’on sort de ses gonds que les dégâts surviennent.

André Wery s’étonne ainsi de ce que certains avocats s’enguirlandent par courriel, par exemple lors des conférences de gestion. « Et souvent, ils mettent le juge gestionnaire en copie ! », dit-il, incrédule.

Le corollaire de l’attitude zen, c’est d’être d’une courtoisie sans faille. « L’agressivité envers les témoins, c’est intolérable. Même avec les témoins qui sont baveux, il faut rester calme et courtois. » Le témoin perdra en crédibilité, mais l’avocat, lui, conservera l’estime du juge.


N’exagérez jamais

Des cartables comportant 50 onglets, les juges n’en veulent pas. « C’est la différence entre l’information et le renseignement. Des cartables épais, c’est de l’infobésité. »

Ce frein à l’exagération doit s’appliquer partout : aux interrogatoires, aux sommes que vous faites miroiter à vos client… « Réclamez un million de dollars pour ensuite régler à 50 000 $, ce n’est pas sérieux. »

Le fait est qu’on affaiblit toujours ce qu’on exagère.

Selon André Wery, « les juges évaluent la qualité de l’avocat par la brièveté de ses dossiers. On se dit trop souvent "Get to the point !" ».


Collaborez

Deux avocats qui se rencontrent pour voir comment on peut élaguer la preuve, ça impressionne un juge. Compliquer les choses ne sert personne. « C’est la seule raison pour laquelle vous avez le monopole de représenter les gens devant les tribunaux, signale le juge Wery : vous devez distiller la preuve, simplifier les choses pour que nous puissions prendre une décision éclairée. »

Le Code de procédure civile, qui insiste sur la collaboration et la transparence, vise à mettre fin au règne des avocats chicaneurs livrant combat dans l’arène du tribunal.


Soyez candide

On croit trop que la candeur est antinomique pour un plaideur. « Quand on pose une question à un avocat qui ne connaît pas la réponse, la majorité vont tenter de patiner. Pourtant, un avocat me dit qu’il ne connaît pas la réponse, qu’Il a besoin de temps pour aller vérifier, il n’essaie pas de faire de l’esbroufe, je me dis qu’il ne me prend pas pour un idiot. »


Aidez-vous

Lors de l’interrogatoire en chef par exemple, ne témoignez pas à la place de votre client. « Aussi, une faute avouée est à moitié pardonnée », poursuit le juge Wery, selon qui ne pas révéler un élément qui nuit au client risque de faire énormément de tort lorsque la vérité éclatera.

Quant à la plaidoirie, « Commencez par votre meilleur argument, soyez rigoureusement exact dans vos références à la preuve, et sachez que le succès d’un plaideur dépend de sa capacité à être clair ».


Prenez soin de vous

Le métier est exigeant, mais il faut trouver le temps de s’occuper de soi. « L’avocat reposé est une meilleur avocat. »
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