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«Migrants», un terme à proscrire

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François Côté

2017-08-10 11:15:00

Selon un avocat, les phénomènes migratoires se déclinent en plusieurs nuances. Le mot "migrant" est donc à utiliser selon les circonstances...

François Côté
François Côté
Il y a quelque chose d’intellectuellement discutable dans l’utilisation à tout vent du mot « migrant » pour parler sans distinctions des mouvances transfrontalières. Ce mot de novlangue apporte un appauvrissement du discours qui empêche de saisir les nuances derrière plusieurs phénomènes migratoires distincts, qui se caractérisent par des réalités sociales, humaines et juridiques bien différentes.

En effet, si on écarte la question des séjours temporaires, il existe en réalité trois grandes catégories de mouvances transfrontalières : les demandes d’asile, l’immigration légale et l’immigration illégale. La première catégorie mobilise un droit de la personne fondamental. La seconde relève d’un privilège demandé et mérité. La troisième est un acte illégal.


Réfugiés

Les demandeurs d’asile sont les individus qui revendiquent le statut de réfugié. Les réfugiés sont des individus qui fuient la guerre, la répression, la torture ou d’autres exactions qui mettent leur vie, leur intégrité ou leur liberté en danger.

Le droit d’asile et la protection contre le refoulement sont des droits de l’homme fondamentaux, reconnus par les accords internationaux (Convention de 1951 relative au statut des réfugiés) ainsi que par nos lois (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés).

Le réfugié, c’est votre voisin qui vient cogner à votre porte en plein hiver parce que sa maison brûle et qu’il n’a nulle part où aller : un devoir humain commande de l’aider. Cela dit, un exercice de retenue intellectuelle est nécessaire : ce n’est pas parce qu’une personne se prétend réfugiée qu’elle l’est réellement.

En 2014, par exemple, on apprenait dans Le Devoir que 62 % des demandes d’asile présentées au Canada étaient refusées après examen.


Immigrants légaux

Les immigrants légaux, ce sont les individus qui s’expatrient pour refaire leur vie ailleurs officiellement et qui suivent le processus légal prévu à cette fin. Le fait d’immigrer légalement quelque part est un privilège qui doit se mériter, car on demande alors à un État de nous inclure en son sein et de nous faire bénéficier des mêmes services et des mêmes droits que ses citoyens.

Ne l’oublions pas : l’immigration a un coût, et l’immigrant qui souhaite en bénéficier doit en théorie démontrer qu’il ne constituera pas un fardeau pour sa société d’accueil en prenant plus qu’il n’offre (et qu’il ne constitue pas non plus un danger de criminalité).

Il s’agit d’un processus complet, encadré par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et par la Loi sur l’immigration au Québec. D’une certaine manière, un immigrant légal serait assimilable à un candidat qui passerait une entrevue pour obtenir un emploi. C’est là la nature profonde du processus d’immigration légale : un légitime processus de sélection.


Immigrants illégaux

Finalement, les immigrants illégaux sont les individus qui, sans être des réfugiés (un individu admissible au statut de réfugié pourra prétendre à ce statut même s’il s’introduit au Canada sans passer par les voies officielles) ni suivre la procédure légale, pénètrent une société d’accueil sans s’encombrer de son consentement et s’y incrustent en secret.

En outre, vu l’illégalité de son statut, l’immigrant illégal va la plupart du temps vivre « sous le radar », en dehors des marges du regard de l’État. Bien sûr, beaucoup d’immigrants illégaux ne saisissent pas vraiment la nature et la portée de leurs actes : de leur point de vue, ils cherchent simplement à refaire leur vie ailleurs, mais le processus légal est « trop cher », « trop compliqué », « trop long », etc. Sauf que d’un point de vue systémique, la réalité objective demeure. Et il est ici important de distinguer l’immigrant illégal du réfugié.

Si vous quittez votre terre d’origine simplement à la recherche d’un meilleur sort économique, vous n’êtes pas dans la même situation que celui qui abandonne à regret son foyer parce que les bombes explosent. En outre, l’immigration illégale est en elle-même un camouflet à l’endroit des immigrants légaux, qui ont fait les démarches et les sacrifices nécessaires pour mériter leur droit d’entrée : l’immigrant illégal passe devant eux en leur faisant un pied de nez.


Questions

Peut-on critiquer les réfugiés ? Non. Tout simplement non : les demandeurs d’asile qui sont vraiment des réfugiés ne méritent pas de critiques ; ils méritent notre aide et notre compassion devant leur souffrance. Peut-on critiquer l’immigration légale ? Oui et non : on peut s’interroger sur nos seuils et sur la manière dont nous gérons et intégrons notre immigration légale, mais elle n’est pas, à titre de concept, condamnable en elle-même. Peut-on critiquer l’immigration illégale ? Tout à fait. Un immigrant illégal est — c’est dans le nom — en situation d’illégalité, qui par définition ne doit pas être tolérée dans un État de droit.

«Migrants», un terme à proscrire, selon François Côté
«Migrants», un terme à proscrire, selon François Côté
Or, parler de « migrant », c’est mettre tous ces concepts — demandeur d’asile, réfugié, immigrant légal, immigrant illégal — dans un même panier, le plus souvent accompagné d’un parfum de misère humaine pour susciter la sympathie et entourer le mot d’une aura d’intouchabilité.

Par là, toute critique de la gestion de l’immigration légale (seuils d’accueil, mesures d’intégration, critères d’entrée, etc.) ou toute lutte contre l’immigration illégale devient assimilable à une oppression envers les réfugiés, qui font aussi partie de ce creuset — rendant la chose immédiatement odieuse au travers de ce sophisme associatif.

Pourtant, en 2017, il s’agit de sujets de société extrêmement importants qui ne doivent pas être soustraits à la réflexion civique. En confisquant ces nuances dans le mot « migrant », on censure le discours public et toute la réflexion collective s’appauvrit. Il est temps pour nos médias et nos dirigeants de faire la part des choses. À commencer par ne plus parler de « migrants » et effectuer les distinctions qui s’imposent.



Sur l’auteur

François Côté - Avocat spécialisé en droit civil, chargé de cours et candidat au doctorat en droit. Ce texte a été publié sur le site du Devoir.


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13 commentaires

  1. DSG
    Finally some sense
    Finally someone who makes sense in this whole debate, and from a doctorate candidate no less (usually they are as useless as breasts on a nun). And it goes back to what I was saying, these migrants are fleeing the U.S. primarily because of a recent crackdown on illegal immigration (or because they looking for a government funded sex change operation), which as the author says should not be tolerated in any society of laws. The do-gooder volunteers should realize that they may be in fact helping people to cut in line and get ahead of people who have applied legally (or people who hate their own genitals).

    • Me
      Valises n'égallent pas pauvreté
      Tel que mentionné par ceux qui traversent la frontière à pied, la plupart avaient un travail, une voiture et même une maison à eux. Ce n'est pas par ce qu'on débarque avec 2 valises qu'on est pauvre et qu'on y a mis toute ses possessions dedans! On ne peut arriver avec son Winibago bien rempli. Des comptes en banque, virements et placements permettraient à plusieurs de défrayer les coûts dans l'attente d'une décision. Certains pays d'Europe ont été plus scrupuleux (et moins bêtement naïfs ) à cet égard. Après plusieurs années de travail aux USA, plusieurs n'ont pas besoin de l'aide sociale pour se payer un logement. De toute manière, c'est insuffisant. Elle est drôle la Ministre "certains veulent aller en Ontario par ce qu'ils ont aussi de la famille là-bas". Hello... ce n'est pas par ce qu'ils parlent français qu'ils ont tous de la famile au Québec. C'est simplement que c'est hyper facile d'entrer. Deuxièmement, le filet social est beaucoup plus généreux en Ontario. Le marché de l'emploi et les salaires aussi.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Finally someone who gets it!
    FINALLY someone who gets it!

    Two words to the author: ===Thank===. ===You===.

    After the previous text published in the Devoir claiming that there is no such thing as an "illegal immigrant" as a matter of law, I was starting to lose faith in the young generation's ability to think legally outside the fluffy box of rainbows and cotton candy.

    And don't get me wrong: I take no stance on the immigration debate here - but to mix everything up in a melting pot in the name of political correctness is just wrong. You can't have a social debate if you can't describe what you're dealing with.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Texte réactionnaire...
    Je ne crois pas qu'on (juristes, médias, gouvernement) utilise le terme "migrant" pour "censurer le discours public" et pour je ne sais quel autre dessein complotiste. On utilise le mot "migrants" pour la très simple raison que nous ne savons pas et nous ne sommes pas en mesure de savoir avant d'avoir traiter leurs demandes si tous ces individus sont des immigrants illégaux ou des réfugiés. Probablement qu'il y a un mélange des deux. Comment alors appeler un groupe composés de réfugiés et d'immigrants légaux...? Avez-vous un autre terme que migrants à proposer? Mais bon, j'imagine qu'il est plus sexy de se déchirer la chemise et d'hurler au novlangue, à la censure et à la manipulation de l'opinion publique.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Vous me faites bien rire
      "On utilise le mot "migrants" pour la très simple raison que nous ne savons pas et nous ne sommes pas en mesure de savoir avant d'avoir traiter leurs demandes si tous ces individus sont des immigrants illégaux ou des réfugiés."
      Ont-ils fait les démarches légales ? Non...
      Ont-ils quitter un pays en guerre ? Non...
      Sont-ils menacer de mort par leur gouvernement ou autre menace imminente s'ils retournent chez eux ? Encore non...

      Ça sonne pas mal comme illégaux, non ?

    • Me Stéphane Lacoste
      Me Stéphane Lacoste
      il y a 6 ans
      La primauté du droit
      Il est important de respecter la primauté du droit et de ne surtout pas préjuger de la preuve qui pourrait être présentée par chacun des demandeurs d'asile. Le commentateur précédent commet ce péché en concluant déjà que tous les demandeurs dont il est questions ne sont pas menacés "de mort par leur gouvernement et ou autre menace imminente s'ils retournent chez eux". Nous n'en savons justement rien.

      Le Canada est une société libre et démocratique qui reconnait la primauté du droit et le droit d'être entendu. Il faut bien laisser les instances et tribunaux compétents faire leur travail; ce sont eux qui détermineront si chacune des demandes est ou non bien fondée au sens de la loi.

      Si le gouvernement se contentait d'expulser prématurément les demandeurs d'asile comme plusieurs le suggère, la Cour supérieure interviendrait rapidement, par voie d'injonction, pour le lui interdire.

      La Constitution et les lois sont les mêmes pour tous.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      USA et Haiti
      À ma connaissance, et référez-moi un article ou quelque chose si je me trompe, aucun de ces 2 pays ne les menacent de mort, de torture ou de quoi que ce soit du genre, sauf peut être les USA qui veulent les retourner dans leur pays après 7 ans d’accommodation temporaire. À la limite, peut être certaines exceptions dans le lot mais il est clair que ce ne sont pas des réfugiés au sens des conventions.

      Et c'est vraiment drôle de ramener la primauté du droit quand c'est tout sauf ce qui ce passe présentement. Trouvez-vous un moyen de passer illégalement la frontière et tout va être beau après, on est un état de droit !!!

  4. SBS
    Merci
    Un gros merci pour ce bel article

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Un petit commentaire
    Je pense que cet article illustre bien l'importance de distinguer des pommes et des poivres. On ne peut pas utiliser un terme pour toutes ces trois catégories. Les journalistes doivent faire bien leur boulot de clarification et de compréhension du sujet lequel ils désirent mettre en lumière. De plus, quand ces personnes viennent des Etats Unis, il est évident qu'ils ne sont pas en train de fuir la guerre ou subir une oppression et traitement inhumain de leur autorité. c'est pour cette raison. Ils ne peuvent pas être des réfugiés. D'où vient la conclusion que les autorités compétents du Canada doivent arrêter de dépenser des argents (sous forme des différents impôts et autres prélèvement) des contribuables sans faire un travail de réflexion et définition des termes au moins.

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    ...
    Donc les gens qui passent la frontière et dont on parle tellement récemment sont des "migrants légaux" puisqu'ils participent au processus légal, pas dans l'anonymat, du moins jusqu'à ce que leur demande soit tranchée.

    Pense pas que de nombreux comprennent ça...

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Finally
      Someone who gets it!

      The people who cross the border and seek refugee status are NOT illegals. You can't claim refugee status in most cases from your country of origin. Canada has international obligations to respect, that is what they are doing. No one says that everyone will have the right to stay, they are saying that we need to let them in and evaluate the claim. That is what our laws say, that is what civilized nations do.

      So everyone, relax!

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      And you certainly don't get it...
      Seeking refugee status...really ?
      From the USA...really ?
      It's not because you seek this status that you are not an "illegal" if in fact, you know very well that you are not in a situation.

  7. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Il ressemble un peu à Rodolphe
    Séparés à la naissance?

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