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Des «faux réfugiés», vraiment?

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Guillaume Cliche-rivard

2017-08-24 10:15:00

Le bilan d’Haïti en matière de droits et libertés est mitigé, le système judiciaire chancelant et la corruption endémique, souligne cet avocat...

Me Guillaume Cliche-Rivard est vice-président de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI)
Me Guillaume Cliche-Rivard est vice-président de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI)
Plusieurs ont récemment étiqueté comme « faux » réfugiés les demandeurs d’asile haïtiens venus revendiquer le statut de réfugié au Canada cette année, mais peu d’attention a réellement été portée sur les risques de persécutions craintes par ces derniers.

Or, si certains d’entre eux verront possiblement leur demande rejetée, il importe également de souligner que plusieurs de ces demandes seront accueillies en raison de leur caractère authentique et légitime, et ce, face au bilan particulièrement précaire d’Haïti en matière de droits et libertés.

Haïti demeure un pays où la règle de droit est trop souvent fléchie par des intérêts pécuniaires, et la perle des Antilles souffre véritablement d’un problème de corruption endémique selon Transparency International.

Cette problématique entraîne de graves lacunes face à un système judiciaire chancelant rendant possible un flot d’arrestations illégales et de crimes commis par l’État en toute impunité. Le Human Rights Report de 2016 pour Haïti publié par le département d’État des États-Unis et le Rapport 2016-2017 d’Amnistie internationale sur les droits de la personne dans le monde indiquent avoir répertorié plusieurs cas d’arrestations arbitraires et prolongées, d’usage de la force pour limiter le droit à la liberté d’expression et à la liberté de presse, ainsi que de conditions de détention inhumaines et dégradantes au pays.

Toujours selon le Human Rights Report de 2016, Haïti connaît également de graves problèmes de discrimination et de persécution envers les femmes dans un pays où le viol conjugal n’est pas criminalisé et où l’agression sexuelle n’est pas spécifiquement interdite par la loi. Le Code criminel haïtien prévoit également une excuse pour le meurtre d’une femme commis par son époux victime d’adultère.

D’importantes persécutions sont également perpétrées à l’encontre de la communauté LGBTQ +, quotidiennement victime d’agressions physiques, de violences verbales et de menaces de mort. Ces agressions sont commises en toute impunité au sein d’un État qui cautionne un tel traitement et qui accumule les embûches légales à la reconnaissance des droits des membres de cette communauté. En effet, au début du mois d’août, le Sénat haïtien votait un projet de loi interdisant le mariage entre personnes de même sexe et criminalisant tout geste susceptible de faire la promotion de l’homosexualité dans le pays. Selon plusieurs intervenants, ce projet de loi sera sans aucun doute adopté rapidement par la chambre basse du Parlement.

Demandes acceptées au Canada

Face à ces persécutions notoires appuyées par une preuve documentaire abondante, il appert ainsi que plusieurs demandeurs d’asile provenant d’Haïti ont reçu la protection du Canada. En effet, une analyse des demandes de protection récemment acceptées au Canada pour des ressortissants haïtiens nous permet de constater l’étendue et la teneur des persécutions perpétrées dans ce pays.

Par exemple, en 2016, l’appel d’un demandeur d’asile craignant des menaces de mort proférées par des bandits armés, alors que la protection policière n’a pas été jugée adéquate, a été accueilli par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Également, l’appel d’une demanderesse craignant les représailles d’un époux violent envers elle et sa famille a aussi été récemment accueilli. L’appel d’un demandeur homosexuel rué de coups, ridiculisé, humilié et maltraité en raison de son orientation sexuelle était également accueilli par la CISR. L’appel d’une demanderesse craignant de graves violences sexuelles en raison de sa situation de femme seule et précaire en Haïti dans les camps de déplacés a aussi été accepté, tout comme le dossier d’une femme ayant fait paraître une lettre ouverte contre le président Martelly et qui avait par la suite reçu des menaces de mort et d’enlèvement.

L’étendue des récits et des risques allégués par les demandeurs d’asile entrés récemment au Canada demeure donc particulièrement complexe et propre à chaque dossier et à chaque personne. Chaque revendication doit être étudiée de façon approfondie et, à ce stade, seul un tribunal compétent et spécialisé peut se prononcer sur le caractère authentique ou non de ces craintes de persécutions en vertu de règles de droit définies. Pour le moment, il n’existe donc pas de « faux » réfugié et nul ne devrait tirer de conclusion hâtive quant à ces demandes de protection, et ce, particulièrement par respect devant la gravité des risques allégués.

Signataires: Me Stéphanie Valois, Me Jean-Sébastien Boudreault (Président de l’AQAADI), Me Dan Bohbot, Me Patil Tutunjian, Me Mai Nguyen, Me Chantal Ianniciello, Me Alain Joffe, Me Odette Desjardins, Me Laura Gomez, Me David Berger, Me Stewart Istvanffy (coordinateur de l’Asociacion Americana de Juristas Canada (AAJ), Me Stéphane Handfield, Me Marie José l’Ecuyer, Me Ho Sung Kim, Me Claude Whalen, Me Sylvie Tardif, Me Angela Potvin, Me Jacques Beauchemin, Me Suzanne Taffot, Me Rawia Ebrahim, Me Richard Goldman, Me Yasmina Benihoud, Me Denis L’Anglais, Me Avi Gomberg, Me Duc Anh Thu Tran, Me Carole Fiore, Me Annie Bélanger, Me Miriam McLeod, Me Ibrahima Dabo, Me Coline Bellefleur, Me Joseph Allen, Me Marie José Blain, Me Rose Bossou, Me Roger Pichette, Me Laurence Delage, Me Guy Nephtali, Me Arash Banakar, Me Miriam Harbec, Me Nilufar Sadeghi, Me Herbert Brownstein, Me Vincent Desbiens, Me Elhadad Johanna et Me Carole Chelhot.

Me Guillaume Cliche-Rivard est vice-président de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI) et chargé de cours à la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM
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10 commentaires

  1. DSG
    persécutions perpétrées à l’encontre de la communauté LGBTQ
    When they make stupid arguments like this it's no wonder that people are so vehemently opposed to these asylum seekers. Sure in some countries in the middle east they resort to genital mutilation of women and executions of gays, which most certainly merits refugee status in Canada. But simply banning gay marriage is not a threat to anyone's life. And if people of the LGBTQ community are ridiculed in Haiti, guess what; it won't be that much better here, especially if they relocate in a neighborhood inhabited mainly by Haitians.

    Fact of the matter is that whenever someone cuts in line and fabricates a refugee claim, they are talking away the chance for someone else to seek refuge in Canada; someone who may be in grave danger. So we must be strict and very cautious (perhaps even suspicious) when examining any claim.

    • PT
      Conseil d'´avovat non scrupuleux; prétendez être LGBT
      On sait que prétendre faussement être membre de la communauté LGBT est un astuce suggéré par des avocats en immigration non scrupuleux.

      Étrange que fe façon concomitante à l'arrivée de milliers de migrants, Haïti légifère ainsi...D'autre part, le pays se dit prêt à accueillir ses ressortissants.

      Des chèques d'aide sociale pour tous? Ça ne va pas? Ce n'est pas par ce qu'ils arrivent à la frontière avec des valises qu'ils sont démunis financièrement. Reality check everyone! Certains travaillIent depuis des années. D'autres ont ou avaient maison, auto etc. laissés à des proches ou vendus.

      S'ils veulent revendiquer le statut et les aides, ils n'ont pas intérêt à dévoiler leurs numéros de compte de banque. Vous avez lu le papier de fe journaliste de la presse anglophone qui s'est remdu près de Lacolle?son équipe a ramassé les papiers laissés derrière par les réfugiés avant de traverser: dossiers, avis de comparaître, documents de travail etc.

      Pour un accueil généreux et lucide.

  2. Torrente, le bras idiot the la loi
    Torrente, le bras idiot the la loi
    il y a 6 ans
    LGBTQ$
    The LGBTQ Community is discriminatory towards myself. What really turns me on is cash, and honestly, I would marry my bank account if I could. In order to be more inclusive, they should change teir accrony to LGBTQ$.

    Thank you.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Oui, vraiment!
    Haïti, un état "qui accumule les embûches légales à la reconnaissance des droits des membres de cette communauté".


    Bientôt, une guerre des toilettes permettra d'obtenir un statut de réfugié!


    2.5 M$ de chèques de BS, puisés dans les coffres de la province, sont sur le point d'être distribués parce que le fédéral reste les bras croisés (http://www.lapresse.ca/actualites/201708/24/01-5127128-des-cheques-daide-sociale-seront-distribues-a-des-demandeurs-dasile.php). x 12 mois x 30 ans x N débarquements supplémentaires = chaos social en perspective.

    Les politiciens jovialistes comme Trudeau et Codere sont sur le party, mais il ne pourront pas ignorer cela très longtemps, comme l'a fait remarquer le maire Labeaume.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      agreed
      Totally agree. This is simply politicians being opportunists...especially that dimwit Trudeau who is more preoccupied about his image than taking care of our country

    • FL
      Le Fédéral doit compenser mais QC en prend le crédit
      Aide sociale: $628 par mois pour tous pour vivre à Montréal. Ridicule. Aucun screening de leur véritable situation financière?

  4. Me Halidi
    Me Halidi
    il y a 6 ans
    Tolérance
    Il faut faire preuve de tolérance et les accueillir. Avec l'argent reçu, ils pourront contribuer à notre société. C'est aussi un nouveau marché pour des clients potentiels...

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Oui, vraiment !!
    C'est pas parce que la situation enlève le pain de la bouche des avocats en immigration qu'ils en sont moins des illégaux. Faut arrêter avec la xenophilie...

  6. Selin Deravedisyan-Adam
    Selin Deravedisyan-Adam
    il y a 6 ans
    CRIC
    Je salue cette déclaration qui permettra à plusieurs parmi nous de nous rafraichir la mémoire sur la raison sur laquelle se fondent les demandeurs d'asile qui proviennent principalement d'Haïti.

    Ils ont trouvé une brêche dans le système et le tout a commencé avec un petit chemin de campagne... et des espoirs d'une vie meilleure !

    Il est évident que des Lois et réglements encadrent des démarches d'immigration et spécifiquement en matière de demande de réfuge et même si la personne déclare un risque important pour sa vie, il faut qu'il puisse démontrer.

    Malheureusement, nous voyons à la TV seulement des personnes qui disent venir pour assurer un meilleur avenir économique pour leurs enfants... Ce n'est malheureusement pas les fondements de la demande d'asile ! Alors, merci pour cet article de remettre les pendules à l'heure et une fois que la CISR aura évalué chaque dossier (car chaque cas est évalué individuellement), ceux qui resteront... resteront et ceux qui devront partir .... partiront ! A moins que un autre type de programme puisse leur être attribué.... Je pense notamment à ceux qui vont probablement pouvoir travailler dans les entreprises qui ont d'importantes pénuries de main d'oeuvre de journaliers en région et autres...

    SDA

  7. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Appel trop facile alors...
    "l’appel d’un demandeur d’asile craignant des menaces de mort proférées par des bandits armés, alors que la protection policière n’a pas été jugée adéquate, "

    "l’appel d’une demanderesse craignant les représailles d’un époux violent envers elle et sa famille a aussi été récemment accueilli. "

    "L’appel d’un demandeur homosexuel rué de coups, ridiculisé, humilié et maltraité en raison de son orientation sexuelle était également accueilli"

    C'est le genre de situation qui se produit continuellement même ici...est-ce que le Canada est dangereux pour autant ?

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