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Le juge Baudouin lavé de tout soupçon de conflit d'intérêts!

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Julien Vailles

2017-09-06 15:00:00

La décision qui autorisait la rétractation de jugement pour cause de partialité de l’arbitre Baudouin vient d’être renversée en appel…

L’Honorable juge Baudouin lavé de tout soupçon de conflit d'intérêts
L’Honorable juge Baudouin lavé de tout soupçon de conflit d'intérêts
« Tout ce que je peux vous dire, c’est que l’arrêt de la Cour d’appel me semble bien refléter l’état du droit et que je suis, vous vous en doutez bien, fort heureux du dénouement de l’affaire. »

Jean-Louis Baudoin est un homme soulagé. Joint par Droit-inc, il n’a pu commenter davantage le jugement de la Cour d’appel, car le délai d’appel n’est pas expiré. En effet, les sociétés perdantes ont 60 jours pour demander la permission d’en appeler à la Cour suprême.

Rappelons brièvement les faits: en 2014, Me Baudouin, associé chez Fasken Martineau, agissait en tant qu’arbitre dans une affaire impliquant des sociétés minières. Il a rendu sa décision. Mais en 2015, deux sociétés minoritaires disaient avoir découvert un accroc majeur dans la décision de l’arbitre et allèguaient un conflit d’intérêts.

Elles ont intenté un recours en justice en rétractation du jugement qui a homologué la sentence arbitrale. Cette décision avait été accueillie en octobre 2016.

La Cour d’appel vient de la renverser.

« (U)ne personne raisonnable et bien informée, sensée et non tatillonne, ne douterait pas de l’impartialité d’un décideur qui possède une excellente réputation, ce qui est admis par tous, surtout s’il n’est pas informé que sa firme a, dans le passé, représenté les preneurs », écrit la Cour d’appel dans sa décision.

Ce faisant, elle a accueilli la permission d’en appeler de la société minière Canadian Royalties inc. (« CRI ») en même temps que l’appel de celle-ci, en plus de laver l’Honorable Jean-Louis Baudouin de tout soupçon de conflit d’intérêts.

Un conflit d’intérêts ?

Me Karim Renno
Me Karim Renno
Cette affaire compliquée a débuté en 2001. CRI avait un contrat de joint-venture avec deux sociétés minoritaires, Nearctic Nickel Mines (« Nearctic ») et Ungava Mineral Exploration (« Ungava »), pour un projet concernant des opérations minières dans le Nord-du-Québec.

De nombreux différends ont altéré les relations entre les parties. En 2014, Me Baudouin, associé chez Fasken Martineau qui agissait en tant qu’arbitre, a rendu une décision obligeant Nearctic et Ungava à céder leurs parts minoritaires dans le joint-venture. On s’est mis d’accord pour un paiement de 1 409 911,87 $.

La Cour supérieure a homologué cette sentence arbitrale au mois de décembre de la même année, sans opposition de la part de Nearctic et Ungava.

Mais en août 2015, tout bascule. Les deux sociétés minoritaires disent avoir découvert un accroc majeur dans la décision de l’arbitre : en 2007, le joint-venture dont elles faisaient partie avait fait appel à la Banque de Montréal (BMO) pour contracter un prêt commercial. Lors de cette affaire, le cabinet Fasken Martineau avait dispensé des conseils juridiques à la BMO. Le problème : la BMO a subséquemment retiré son prêt à cause d’une mésentente entre les deux parties au joint-venture (CRI, d’une part, et Nearctic et Ungava, d’autre part).

Par conséquent, les intérêts de la BMO se sont retrouvés opposés à ceux du joint-venture. Et Me Baudouin était associé chez Fasken, qui a justement représenté la BMO!

Ce faisant, on pouvait croire que des informations confidentielles ont été échangées depuis entre Fasken Martineau et Me Baudouin, ont argué Nearctic et Ungava. Me Baudouin s’est donc retrouvé arbitre dans une affaire concernant deux parties opposées à l’ancienne cliente de son cabinet. D’où le conflit d’intérêts allégué.

Déclarant ne pas avoir pu connaître ce contexte auparavant, Nearctic et Ungava ont donc intenté un recours en justice en rétractation du jugement qui a homologué la sentence arbitrale. Rappelons que cette décision avait été accueillie en octobre 2016.

Pas de crainte raisonnable de partialité

Me Guy Du Pont
Me Guy Du Pont
Dans son jugement, le magistrat Michel A. Pinsonnault affirmait qu’on lui avait démontré tout ou moins l’apparence d’un sérieux conflit d’intérêts. Si Nearctic et Ungava avaient connu la situation en temps voulu, elles n’auraient jamais acquiescé à la nomination de Me Baudouin comme arbitre, ou se seraient au moins opposées à l’homologation de la sentence.

La Cour d’appel, formée des Honorables Jean Bouchard, Dominique Bélanger et Claude C. Gagnon, constate cependant une erreur dans les conclusions du juge : alors qu’il suspend l’exécution du jugement en homologation, il le révoque simultanément, deux conclusions qui sont forcément « antinomiques ».

Sous la plume de la juge Bélanger, le tribunal conclut également que le juge de première instance s’est trompé en analysant la situation du point de vue subjectif de Nearctic et Ungava. Il fallait plutôt voir l’affaire de manière objective, écrit-on.

En effet, dans le protocole d’arbitrage conclu entre les parties, l’arbitre Baudouin s’était engagé à ériger une « muraille de Chine » entre sa firme et lui-même. Il fallait donc démontrer malgré tout une crainte raisonnable de partialité, ce que Nearctic et Ungava n’ont pas réussi à faire.

D’une part, la cause alléguée de partialité était complètement inconnue de Me Baudouin. D’autre part, l’information selon laquelle Me Baudouin était peut-être en conflit d’intérêts, que les deux sociétés disaient n’avoir découvert qu’en août 2015, pouvait facilement être connue bien avant la sentence arbitrale. Nearctic et Ungava connaissaient le lien entre l’arbitre et la firme et étaient au fait de l’existence de l’appel public à l’épargne. Le nom du cabinet représentant la BMO était alors dans les documents déposés à l’arbitrage.

Dans ces circonstances, la Cour d’appel tranche en faveur de CRI.

Mes Guy Du Pont, Marc-André Boutin et Jean Teboul, de Davies Ward Phillips & Vineberg ont agi pour CRI. Nearctic et Ungava étaient représentées par les avocats Karim Renno et Éva M. Richard, de Renno Vathilakis.

La réputation de Me Jean-Louis Baudouin n’est plus à faire. Admis au Barreau du Québec en 1963, il est avocat jusqu’en 1989, année où il est nommé juge à la Cour d’appel du Québec. Il y siégera jusqu’en 2008.

Aujourd’hui, il est associé principal et membre du groupe Litiges et résolution de conflits de Fasken Martineau. Durant sa carrière, il a publié de nombreux ouvrages en droit civil, incontournables pour le praticien, notamment Les obligations, La responsabilité civile et le Code civil du Québec annoté. On le considère comme le Pape du droit civil au Québec.
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2 commentaires

  1. Ram
    Tzi
    Plus des avocats sont incompétents, plus il faut se mettre à trois pour défendre un simple point de droit.

  2. Perceval de Kaamelot
    Perceval de Kaamelot
    il y a 6 ans
    ...
    Ouch... Mais c'est pas faux !!!

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