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Facilitation en matière criminelle: Oui ou non?

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Jean-francois Parent

2017-10-17 14:15:00

Un colloque a eu lieu aujourd’hui sur le thème de la justice participative, avec en ouverture une discussion des tenants et aboutissants de la facilitation en matière criminelle. Pour ou contre?

François Rolland
François Rolland
Ajouter juges et salles d'audience ne règle pas le problème de fond de la justice, qui est de revoir les façons de faire, selon un ex-juge en chef...

C'est du moins ce qu'affirme François Rolland, nouvellement retraité comme juge en chef de la Cour supérieure et l'un des acteurs importants des conférences de facilitation.

Le Barreau de Montréal organisait mardi un colloque sur le thème de la justice participative, avec en ouverture une discussion des tenants et aboutissants de la facilitation en matière criminelle.

Environ 93 % des dossiers criminels se règlent avant procès, et plus de 80 % des causes familiales et civiles font de même au Québec.

Pour beaucoup, affligés d'un procès qui dure environ 3 mois, « il arrive souvent que les gens doivent vendre leur maison et se ruiner », déplore François Rolland, aujourd'hui administrateur du Programme de remboursement volontaire, destiné à rembourser les sommes perçues en trop à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans les contrats publics.

Changement de culture

Le recours à la facilitation a pris de l'ampleur dans les années 2000, dans la foulée des premiers mégaprocès, relate Robert Rouleau, procureur du DPCP.

« Avant, ce qu'on appelait les négociations sur plaidoyer, c'était le juge qui nous faisait venir à l'arrière », et qui critiquait les stratégies, poursuit Robert Rouleau.

Avec l'avènement des procès comptant des dizaines d'accusés et l'engorgement du système de justice, plus question de négocier à la pièce. Il faut un mécanisme fiable et systématique, qui permette aux parties de s'entendre pour éviter de batailler sans fin en cour.

Robert Rouleau
Robert Rouleau
D'autant que la déontologie applicable à la poursuite a elle aussi évolué. Pour l'essentiel, la couronne pratiquait la « théorie de la cause qu'il fallait faire triompher ».

Mais aujourd'hui, le code de déontologie insiste pour que le poursuivant agisse « dans l’intérêt public et dans l’intérêt de l’administration de la justice et du caractère équitable du processus judiciaire », observe Robert Rouleau.

La procédure

« Le pire des règlements vaut mieux que le meilleur des procès », entend-on souvent. Alors que les procès se complexifient et que les risques qu'ils ne déraillent sont de plus en plus fréquents, la facilitation vise à trouver un compromis gagnant-gagnant.

« Le grand avantage, c'est que l'intervention d'un tiers va très souvent permettre de faire débloquer un dossier », poursuit Isabella Teolis, criminaliste chez Gélinas Leclerc Teolis. Elle et Robert Rouleau ont participé à quelque 70 conférences de facilitation sous la coupe de l'ex-juge Rouleau, dans le cadre du procès SharQc, en 2010-2011.

Les avantages sont indéniables. D'abord parce que le juge facilitateur n'est pas partie au procès, il est indépendant et peut donc tempérer les ardeurs de l'une ou l'autre des parties. « Il aura un ascendant moral envers ceux qu'il aide à trouver une solution », poursuit Robert Rouleau.

Ce dernier ajoute qu'on peut bien penser que son dossier est faible, « mais lorsqu'un juge nous fait aussi valoir que notre dossier est faible, c'est autre chose ».

Côté défense, on peut arriver à influencer l'issue du procès en conservant des atouts dans sa manche. « On peut révéler des choses qui peuvent aider le juge facilitateur à faire valoir une direction pour un règlement à la couronne », explique Isabella Teolis. Elle donne l'exemple d'un cas d'agression sexuelle qu'elle a défendu, où la plaignante disait avoir perdu les textos qu'elle affirmait délictuels.

« Au juge facilitateur, j'ai ressorti les textos », et pu obtenir un règlement à l'avantage de son client.

Établir la confiance

Il reste que la procédure repose non seulement sur la bonne foi des parties, mais également sur la confiance qu'elles entretiennent l'une envers l'autre.

D'où l'importance pour la poursuite et la défense de faire preuve de jugement, estiment Mes Teolis et Rouleau.

Isabella Teolis
Isabella Teolis
Ainsi, les requêtes déposées par la défense doivent faire l'économie des effets de toge. Il y a une façon de soutenir que la couronne a fait dans l'abus de procédures. « La défense doit avoir du jugement », plaide Me Teolis.

« On peut accepter que l'on ait eu tort dans le dépôt d'accusations directes par exemple, et donc on n'a pas à se formaliser », concède Robert Rouleau. Mais il est certain que si les mots employés sont trop durs par rapport à ce qu'on lui reproche, le procureur sera moins enclin à négocier.

Enfin, tant la victime que l'accusé sont consultés en amont du processus. D'abord, la défense doit avoir un mandat de client sur les limites à ne pas dépasser quant au plaidoyer qu'il enregistrera pour éviter un procès.

« Il faut qu'il sache que si j'estime que telle accusation vaut telle sanction, le juge peut voir les choses autrement » et qu'il y a donc des limites quant aux concessions qui peuvent être obtenues du côté de la couronne.

Idem pour la poursuite, qui doit s'assurer que la victime soit bien au fait d'un règlement probable et des raisons qui poussent la Couronne a le proposer. « Elle n'apprend pas qu'un règlement a été convenu par les journaux. Elle le sait d'avance, et est souvent un défendeur de l'entente », selon Me Rouleau.
On tient souvent compte des conséquences du crime pour établir les paramètres selon lesquels la négociation doit se tenir.

« L'impact sur une victime, on va en parler à la table de négociations, explique Me Rouleau. On utilise cela pour établir les bases de ce qu'on peut négocier en toute conscience. »
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1 commentaire

  1. DSG
    I have an idea
    What if we discouraged people from committing crimes in the first place? Maybe that would help.

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