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Le parlement doit rendre des comptes, dit le tribunal

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Jean-francois Parent

2017-10-25 13:15:00

La cour fédérale vient de mettre à mal l'application de l'immunité parlementaire aux affaires budgétaires...

La juge Jocelyne Gagné
La juge Jocelyne Gagné
C'est l'affaire des envois postaux faits par le Nouveau Parti démocratique, en 2014, qui a refait surface ce mardi matin en Cour fédérale.

Au NPD qui tente depuis cette époque de contester une décision du Bureau de régie interne (BRI) du Parlement, la juge Jocelyne Gagné vient d'accorder une victoire : le BRI ne peut pas invoquer l'immunité parlementaire pour soustraire ses décisions au réexamen et à la contestation judiciaire.

« Les gouvernements ont toujours interprété l'idée d'immunité parlementaire de façon large, afin d'éviter la révision judiciaire », explique Julius Grey, qui a plaidé pour le compte du NPD.

En 2014, une enquête du BRI concluait que plusieurs députés du NPD avait utilisé les services gratuits de Postes Canada pour des envois postaux partisans.

Une pratique qu'ont souvent faite tant les Libéraux que les Conservateurs, soutenait le NPD dans sa défense de l'époque, laquelle alléguait par ailleurs que le comité, dont les décisions étaient prises en secret, était noyauté par les Conservateurs.

Le BRI a toujours contesté la demande de révision logée par le NPD sous prétexte que ses activités, tenues dans l'enceinte parlementaire, bénéficiaient de l'immunité et qu'elles étaient donc sans appel.

Julius Grey, a plaidé pour le compte du NPD
Julius Grey, a plaidé pour le compte du NPD
Le BRI refusait en outre d'expliquer en quoi, précisément, le NPD était fautif, mais lui réclamait néanmoins près de 2 millions de dollars pour un envoi postal qui avait cependant été déclaré inoffensif par le Directeur général des élections. « Nous avons voulu que la cour se prononce sur ce qui constitue le privilège parlementaire. Nous estimons qu'il ne doit s'appliquer qu'aux fonctions centrales des députés », afin notamment de protéger la liberté d'expression des élus, poursuit Julius Grey, de Grey Casgrain.

Le BRI débouté

À la contestation de la juridiction fédérale, la Cour a répondu au BRI que puisqu'il n'est finalement qu'un organe du parlement, il doit se soumettre aux tribunaux fédéraux. En outre, ses prérogatives sont déterminées par règlement, et non issues de privilèges constitutionnels. Enfin, de par nature administrative, le BRI ne peut prétendre aux protections nécessaires à la fonction de députés, par exemple.

Sur la nature des privilèges auxquelles le BRI peut prétendre, la juge Gagné n'a pas été plus conciliante. D'abord, le BRI a été incapable de démontrer que ses activités tombaient sous le coup d'une immunité.

Mes Guy Pratte et Nadia Effendi, de BLG
Mes Guy Pratte et Nadia Effendi, de BLG
Ensuite, ce n'est pas n'importe quelle activité qui se tient physiquement dans le Parlement qui peut bénéficier de l'immunité, mais bien celles qui profitent à l'exercice démocratique, et ce, dans le but de « protéger la liberté d'expression », écrit Jocelyne Gagné.

Sans que le BRI, qui était représenté par Mes Guy Pratte et Nadia Effendi, de BLG à Ottawa, n'a pu expliquer en quoi ses activités d'examen des dépenses des députés était un rouage essentiel de la démocratie parlementaire.

Un appel « certain » en Cour suprême

Julius Grey croit que cette cause sera portée en Cour suprême, où l'on demandera l'autorisation d'en appeler, « car toutes les parties veulent défendre leur interprétation dans ce dossier ».

Il déplore l'utilisation trop fréquente de l'immunité parlementaire en citant l'exemple d'un autre dossier qu'il plaide présentement en Cour d'appel du Québec.

En 2011, deux sikhs qui se rendaient à une commission parlementaire pour y présenter un mémoire se sont vu refuser l'accès à l'Assemblée nationale parce qu'ils portaient le kirpan, un symbole religieux. Balpreet Singh et Hamrinder Kaur ont tenté de faire invalider cette décision, pour laquelle Québec invoquait le privilège.

La Cour supérieure a tranché, en 2015 : la décision constitue un privilège absolu de l'Assemblée et la Cour ne peut intervenir, et ce, même s'il y avait atteinte à un droit constitutionnel, estimant que « ces privilèges ne sont pas assujettis aux Chartes ».

« Je suis confiant de gagner l'appel », dit Julius Grey, selon qui cette cause aussi ira jusqu'en Cour suprême.
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