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Cour d’appel: les secrets des meilleurs plaidoiries!

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Jean-francois Parent

2017-11-22 12:30:00

En cour d'appel, il y a beaucoup d'appelés, mais très peu d'élus. Voici comment se démarquer. Et accessoirement, gagner...

Le juge Yves-Marie Morissette de la Cour d’appel
Le juge Yves-Marie Morissette de la Cour d’appel
En matière de plaidoirie visant la Cour d'appel, tant les paroles que les écrits restent. Mais les représentations écrites, tels les mémoires d'appel, tiennent une place prépondérante dans la hiérarchie juridique.

Réunis lors d'un atelier sur les techniques de plaidoirie par la Société des plaideurs, le juge Yves-Marie Morissette, de la Cour d’appel, et l'ex-juge Pierre Dalphond, aujourd'hui chez Stikeman, ont livré les secrets des meilleurs plaidoiries écrites, dans une question animée par la juge Manon Savard.

Un contenu fort

Parce qu'il constitue la première porte d'entrée, le mémoire d'appel doit frapper par son contenu, explique l'honorable Yves-Marie Morissette. « Ce mémoire sera lu par des juges longtemps à l'avance, et son contenu orientera leur réflexion », explique le magistrat.

Il insiste sur l'importance à accorder, dans la rédaction, sur les questions de droit et de faits sur lesquelles on demande aux juges de se pencher. « On ne refait pas le procès de première instance, on cherche plutôt à identifier les erreurs dans le jugement », ajoute d'ailleurs Pierre Dalphond.

La forme est importante, ajoute le juge Morissette. « Le but est de rendre la lecture utile, intéressante et si possible agréable. »

D'emblée, il vaut la peine de faire le point sur le litige et d'énoncer une thèse.

 L'ex-juge Pierre Dalphond
L'ex-juge Pierre Dalphond
« Il faut notamment résumer les faits, même ceux qui sont défavorables. Concéder l'évidence vous rend plus crédible », selon Pierre Dalphond.

À cet égard, défendre une thèse à laquelle on croit à un impact. « Il faut soutenir un argument que l'on défendra et dont on est convaincu de la justesse légale et morale. » Comme le relève Pierre Dalphond, citant l'ex-président américain Lyndon Johnson, « Si on n'est pas convaincu de ce qu'on avance, c'est perdu d'avance. Pour convaincre il faut être convaincu ».

Une attitude à adopter

Trois caractéristiques balisent un bon mémoire d'appel, observe Yves-Marie Morissette.

« Il faut du détachement, du courage et du renoncement », dit-il.
Par exemple, les 12 points plaidés en première instance ont tous étés rejetés. Il est vain de tenter de tous les replacer en appel. « C'est alors qu'il faut un certain détachement par rapport à ce qu'on veut tenter de démontrer dans le mémoire. »

Il faut donc faire des choix, ce qui demande à la fois du détachement et du courage, selon le juge Morissette.

Quant au renoncement, il intervient lorsqu'il s'agit de faire le tri parmi les arguments qui n'ont pas fonctionnés.

La concision

Yves-Marie Morissette insiste : les mémoires trop longs et touffus, les effets de toge, tout cela plombe l'intérêt des juges pour la lecture, et risque même de miner la crédibilité de l'appelant. « Il faut persuader un lecteur pressé, mais sophistiqué », ajoute Me Dalphond.

La juge Manon Savard
La juge Manon Savard
Selon lui, élaguer les arguments permet de ne conserver que les meilleurs, et ce afin d'éviter de diluer la plaidoirie avec des arguments plus faibles.

D'ailleurs, la règle des 10 pages imposée par le code de procédures civiles « est un maximum. Aucun juge ne vous reprochera d'être trop concis », relate Pierre Dalphond.

En outre, un mémoire efficace indique la décision que l'appelant aimerait obtenir, surtout lorsque le dossier est complexe. « Une indication des conclusions recherchées sera reprise par dans le jugement si vous obtenez gain de cause », selon Yves-Marie Morissette. « Le nerf de la guerre est là : il faut qu'on sache ce que vous voulez. »

L'astuce à préconiser, toujours selon le juge Morissette, est de rédiger son mémoire comme si l'avocat rendait une décision dans la cause. Pour y arriver, « il faut posséder à fond son dossier, en reconnaître les forces et les faiblesses, et expliquer en quoi l'idéal de justice sera atteint » avec un jugement favorable.
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4 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    réprimande ou destitution...pas de choix?
    je ne doute pas que le Comité d’enquête a fait un bon travail mais le choix de sanction n'a pas de bon sens, c'est la réprimande ou la destitution sans milieu. Comme il y a récidive on peut penser que la réprimande ne fonctionne pas et alors c'est la destitution... je comprends le juge Audet d'avoir été dissident.
    Il me semble que la sanction est beaucoup trop forte..c'est comme dans les cas de congédiement, le comité devrait avoir le pouvoir de gradation dans les sanctions. Drôle de système

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Autre conseil: venez d'un "grand" bureau, ou utilisez vos munitions jurisprudentielles prudement
    Rendez-vous à l'évidence: le même argument ne sera pas accueilli de la même façon, suivant qu'il est plaidé par un avocat d'un "grand" bureau ou d'un praticien indépendant. Le premier aura toutes les chances d'avoir l'oreille des juges, et le second beaucoup moins. Et c'est la même chose en première instance.

    Illustration: expérience vécue dans le contexte d'un litige en droit public soulevant une seule question: une pure quesiton de droit (l'interprétation qu'il y a lieu à donner à une disposition législative). Il ne s'agit pas de droit criminel ou pénal.

    Contexte: aucun jugement n'a été publiée au sujet de la disposition en question, qui est appliquée quotidienement par un grand nombre d'intervenants. Si l'interprétation que je mettais de l'avant était retenue, les impacts serait importants. Le juge de première instance le fait d'ailleur remarquer en début d'audience, après les déclarations d'ouverture.

    Mes arguments: les mêmes que ceux contenus dans un jugement non publié, que j'ai en poche, émanant d'un tribunal d'une autre province, et dans lequel le tribunal adhère à l'interprétation à laquelle j'invite maintenant le tribunal.

    S'agissant d'une question de droit, la preuve de mon côté est vite administrée. Du côté de la partie adverse on fait défiler des témoins qui viendront lancer des attaques personnelles contre mon client. Je ne me suis pas objecté, intrigué sur le temps que cela durerait. Si la chose avait duré 10 minutes elle aurait pu être mise sur le compte d'un juge voulant éviter de se voir reprocher de ne pas avoir laissé une partie s'exprimer, même si cela était inutile pour trancher une question de droit. Comme cela a duré plus de 3 heures, mon client et moi avons compris que notre position n'avait aucune chance d'être retenue par ce juge qui trouvait les témoins très divertissants.

    J'ai plaidé les mêmes arguments que ceux figurant dans le jugement non publié, sans citer celui-ci, et sans le déposer. Le tribunal rejette ma thèse, sur le banc, et ne se gêne pas pour dire qu'à son avis mes arguments ne sont à pas sérieux. Le tribunal ne retient évidement rien du salissage visant mon client, qui n'était aucunement pertinent pour trancher la question de droit.

    Round No.2: demande de permission d'appel. Le juge de la CA saisi de la demande de permission (qui a rapidement repéré le passage du procès verbal concernant la prétendu absence de sérieux des arguments), manifeste des signes clais d'absence d'intérêts et d'impatience. Résultat: rejet, après une audience ayant duré en tout 15 minutes, au motif qu'il n'y aurait aucune chance de succès en appel. Heureusement, je n'ai pas cité ledit jugement, permettant ainsi d'éviter que celui-ci puisse être nomément associé à des arguments sensément voués à l'échec.

    Morale de l'histoire: le fait qu'un tribunal du ROC puisse faire droit à des arguments avancés par un avocat en pratique solo, alors que dans "la belle province" les mêmes arguments, également portés par un praticien solo, sont balayés du revers de la mains en première instance et par un juge de CA sans le moindre effort de motivation, donne à réfléchir sur la culture en place dans les tribunaux québécois, et sur les stratégie à mettre en oeuvre pour tenir compte de ses travers.

    Face à des juges dont le conservatisme, l'empressement à rendre la justice accessible et rapide, les préjugés, l'incompétence, le degré de fatigue, le taux de sucre ou d'alcool dans le sang après 14h00, ou qui pour je ne sais quelle autre raison sont incapables de réfléchir hors des sentiers battus, il exite un risque de gaspillage de munitions jurisprudentielles aussi bien en appel qu'en première instance. Citer des précédents pertinents devant de tels juges n'augmente pas vos chances de succès. Cela augmente seulement le risque que ces jugements soit écartés, et qu'ils soient plus difficile à utiliser par la suite.

    La très vaste majorité des juges étant incapables de conserver une "poker face" très longtemps, il n'y a aucune difficulté à juger du caractère opportun, ou non, de citer un jugement d'intérêt. Pensez-y avant de tirer vainement vos meilleurs cartouches jurisprudentielles.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Pôvre vous
      Ouf... Est-ce que Gilbert Sicotte vous aurait déjà enseigné dans le passé par hasard?

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Avocat
    Les secrets des *meilleures plaidoiries

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