Nouvelles

Frais d’avocat: une ado de 15 ans privée du tiers de son héritage

Main image

Radio -canada

2017-12-05 11:15:00

Le syndic du Barreau enquête depuis 3 ans sur une plainte déposée par un résident de Lévis, chargé de liquider la succession contestée de son frère...

Shanel Savard, la fille de Martin Savard
Shanel Savard, la fille de Martin Savard
Les frais d'avocat se sont tellement élevés que l'héritière, sa nièce de 15 ans, a déjà été privée du tiers de son héritage.

L’histoire commence en 2007 lorsqu’un jeune père de famille, Martin Savard, meurt d’un cancer du cerveau, laissant un testament qui faisait de sa fille de 5 ans, Shanel, l’unique héritière. C’est son frère, André Savard, qui est nommé liquidateur de la succession. « (Mon frère) avait dit : "écoute, je lui laisse une bonne somme d'argent, j'aimerais ça que tu prennes soin de ma fille comme si c'était la tienne". »

Au moment du décès, le testament est contesté. André Savard mandate un avocat pour défendre les dernières volontés de son frère. Il affirme que l'avocat choisi, Me Stéphane Harvey, lui a dit que les frais s'élèveraient entre 10 000 $ et 12 000 $.

Trois ans après le décès de son père, Shanel est confirmée en tant qu’unique héritière. D’un commun accord, l’argent est déposé dans le compte en fidéicommis de l’avocat mandaté par le liquidateur de la succession. Pour rémunérer son travail, André Savard l’autorise à retirer la somme de 15 300 $, plus environ 1200 $ par année pour émettre des chèques de pension alimentaire à la mère de Shanel.

Mais dans les mois suivants, des montants de 3700 $, 4500 $, 2000 $, 7000 $ et 33 000 $ sont retirés du compte en fidéicommis. En tout, ce ne sera pas 12 000 $, mais plus de 65 000 $ taxes incluses qu’il déboursera en frais d’avocat. André Savard porte plainte au syndic du Barreau, l’Ordre professionnel des avocats.

Une entente verbale

L'avocat Stéphane Harvey nie avoir fourni une estimation des frais que M. Savard risquait d’engager. « On n'a pas parlé d’un montant approximatif, on a parlé d'un pourcentage maximal par rapport aux sommes que nous allions percevoir », assure-t-il.

Une entente verbale tenait lieu de convention pour ses honoraires d’avocat. C’est donc la parole de l’un contre la parole de l’autre. « C'est très rare que j'aie une convention écrite. Sur 150 clients, je pourrais vous dire que j'en ai 5 ou 6. », soutient l'avocat.

Stéphane Harvey, mandaté par André Savard
Stéphane Harvey, mandaté par André Savard
Me Harvey va à contre-courant de ce qui est recommandé, mais non exigé par le Barreau. Dans son édition de février 2007, le journal Praeventio, publié par l’assurance responsabilité professionnelle du Barreau, écrit que : « peu importe le mode de facturation retenu (à forfait, à pourcentage ou au tarif horaire), il est essentiel de confirmer par écrit l’entente sur les honoraires et, idéalement, de la faire signer par le client ».

Selon Stéphane Harvey, ses frais sont raisonnables pour un travail qu'il qualifie d'« exceptionnel ». « (Shanel) devrait me remercier parce qu'elle va avoir, grâce à moi, un héritage qu'elle n’aurait probablement pas eu. »

Un détecteur de mensonges

L'avocat soutient qu'André Savard a vu toutes les factures et a autorisé tous les retraits. « À chaque fois, j'ai eu l'autorisation de monsieur Savard pour retirer des sommes. Pour la facture de 33 000 $, j’ai pris la peine de la faire signer, de la faire initialer. » M. Savard nie avoir apposé ses initiales sur cette facture.

Pour dissiper tout doute, Me Harvey s’est porté volontaire pour passer un test du polygraphe, qu’il a réussi. « À ce niveau-là, je pense que la version de monsieur Savard ne tient pas la route tout simplement. »

« On essaie de me faire gober que j'aurais accepté ça », répète M. Savard. « Je n'avais jamais vu ces factures, (je ne les ai) jamais autorisées non plus. »

Le notaire émérite Michel Beauchamp
Le notaire émérite Michel Beauchamp
Me Harvey a fait faire une analyse graphologique de l'écriture d'André Savard, mais les résultats ne sont pas concluants.

Sans se prononcer sur le cas de M. Savard, le notaire émérite Michel Beauchamp, qui enseigne le droit des successions à l’Université de Montréal, rappelle les règles de base de la facturation. « Un compte en fidéicommis d’un professionnel, ce n'est pas un bar ouvert. Tu ne peux pas arriver du jour au lendemain et dire que ça va te coûter 15 et sortir une facture de 65. Il faut dénoncer le travail qu'on a à faire, il faut donner des estimations au client, parce qu'en bout de piste, le client pourrait décider de se retirer. »

De « l'intimidation », selon André Savard

Les épreuves d’André Savard ne s’arrêtent pas là. À la suite de la plainte déposée au syndic du Barreau, Stéphane Harvey intente une poursuite en diffamation de 50 000 $ contre son ancien client. Selon M. Savard, il s'agit clairement d'une tentative d'intimidation. Et le code de déontologie du Barreau est clair. Après le dépôt d’une plainte au syndic, l’avocat ne doit pas intimider ni exercer des représailles contre le plaignant. « J'ai fait valoir judiciairement mes droits de façon correcte, polie, respectueuse. Je ne l’ai jamais vu (comme étant de l'intimidation) », indique M. Harvey.

André Savard, nommé liquidateur de la succession
André Savard, nommé liquidateur de la succession
Me Harvey a retiré sa poursuite contre André Savard, mais il en a déposé une autre, cette fois contre la syndique qui enquête sur lui. Le juge a rejeté sa poursuite en lui reprochant son attitude devant le Barreau. Dans son jugement, le juge Jean Lemelin écrit : « Le tribunal n’ira pas jusqu’à dire que ce recours est une mesure d’intimidation, mais il est certainement susceptible de nuire […] et d’entraver son devoir d’enquête. » Pour Me Harvey, c'est la preuve qu'il n'a pas voulu intimider son ancien client.

Mais selon Me Michel Beauchamp « le juge a bien cerné la situation et a bien dit que ça pouvait s’apparenter à de l’entrave. »

Comme le syndic enquête toujours sur la plainte d’André Savard, le Barreau s’est abstenu de commenter l'affaire. Le Fonds d’indemnisation du Barreau du Québec pourrait lui être utile pour récupérer les sommes qu’il prétend avoir perdues mais, selon les règles, le comité du Fonds ne déléguera un enquêteur qu’après avoir reçu un rapport favorable du syndic.

Cela fait maintenant trois ans que le syndic du Barreau enquête sur cette plainte.
8012

8 commentaires

  1. DSG
    trois ans que le syndic du Barreau enquête sur cette plainte
    It takes them 3 years to look into this but the Barreau wastes no time in formulating official positions and in intervening in political issues such as mandatory sentencing and compensation for captured enemy combatants.

  2. Dubitatif
    Dubitatif
    il y a 6 ans
    Question
    Une question : dans certains cas, serait-il possible que la "réussite" de l'épreuve du polygraphe démontre qu'un sujet est bel et bien psychopathe?

    • On_law
      On_law
      il y a 6 ans
      Nop
      La "réussite" d'un polygraphe ne prouve rien en soi, et encore moins si une personne peut être qualifiée de psychopathe. Il faut d'abord passer par le Hare Psychopathy Checklist-Revised. Il est aussi plausible de penser qu'une personne qui est convaincue de ce qu'elle soutient, que ce vrai ou non, puisse passer le polygraphe...

      Et sérieux, 3 ans d'enquête du syndic et rien encore? Mais on tombe sur les avocats qui ont oublié de déclarer 5$ d'intérêts en fidéicommis? Ironique un brin ce barreau et ses composantes....

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Ceux qui le connaisse le savent
    Stéphane Harvey est passé maître dans l'art de faignanter.
    Jamais prêt à procéder. Plus ça traine plus c'est payant.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Au fait
    Comment va sa poursuite notre Labeaume etc pour les commentaires concernant la mafia Montréalaise?

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    question
    Question: par choix ou incompétence?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Où bien encore
      Par choix, incompétence, paresse ou un ensemble de tout cela?

  6. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    ?
    "on a parlé d'un pourcentage maximal par rapport aux sommes que nous allions percevoir"

    Il était à pourcentage ou non? Sinon, en quoi est-ce pertinent?

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires