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Quel juge en chef sera Richard Wagner ?

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Jean-francois Parent

2017-12-14 11:15:00

L'indépendance judiciaire et la recherche du consensus sont des vertus que les observateurs disent retrouver chez lui...

La juge en chef sortante de la Cour suprême, Beverley McLachlin
La juge en chef sortante de la Cour suprême, Beverley McLachlin
La juge en chef sortante de la Cour suprême, Beverley McLachlin, est perçue par plusieurs comme celle qui passera à l’histoire comme l’une des meilleures magistrates qu’a connu le plus haut tribunal du pays.

Qu’en est-il de son successeur, Richard Wagner ?

On sait qui il est, et ce qu’il a accompli jusqu’à maintenant dans sa fructueuse carrière.

À quoi s’attendre pour la suite ?

« On devrait avoir une présidence relativement similaire avec le juge Wagner », commente Emmett MacFarlane, politologue à l'Université de Waterloo. « On comprend qu'il n'est pas un idéologue et qu'il est plutôt modéré. Il aura par contre une cour relativement jeune, qui n'a pas toute la mémoire institutionnelle » que la juge McLachlin, qui a siégé plus de 25 ans à la Cour.

Emmett MacFarlane, politologue à l'Université de Waterloo.
Emmett MacFarlane, politologue à l'Université de Waterloo.
Cette dernière a vu passer 30 juges de la Cour suprême, en plus de six premiers ministres canadiens et de six présidents américains.

Cela étant, il serait étonnant, selon le politologue, que Richard Wagner ressente le besoin de faire tanguer la barque.

« Richard Wagner a la réputation lui aussi de donner de l'importance au consensus, tout comme la juge McLachlin. Ça m'étonnerait qu'on assiste dans les prochaines années à des dissidences aussi caustiques que celles qu'on peut voir à la Cour suprême suprême des États-Unis », pressent William Trudell, président de l'Association canadienne des avocats criminalistes. Il estime lui aussi que la transition se fera sous le signe de la continuité.

Me William Trudell
Me William Trudell
« Il est de la majorité dans les plus importantes décisions », observe le politologue Emmett MacFarlane. L'universitaire a signé plusieurs ouvrages portant sur la magistrature en général et la Cour suprême en particulier. Il reste qu'il peut aussi être dissident, à l'instar de sa prédécesseur. « Sa dissidence dans l'arrêt Saskatchewan Federation of Labour illustre bien qu'il n'hésite pas à aller à contre-courant. »

Richard Wagner a également été l'auteur d'une décision qui fût finalement infirmée par ses collègues, poursuit Emmett MacFarlane. Ainsi, dans l'affaire de l'université évangélique Trinity, le juge Wagner a voulu refuser à 4 groupes LBGTQ d'intervenir, dans une décision finalement renversée par ses collègues du banc.

Les défis du juge en chef

Le juge Wagner, en devenant le premier magistrat canadien, est « l'âme inspirante de la magistrature canadienne », comme l'explique l'ex-juge en chef du Québec Louise Otis dans une entrevue à la télévision de la SRC.

Responsable de diriger les consensus des juges, Louise Otis estime que Richard Wagner sera libéral dans les causes qui lui tiennent à cœur, et « conservateur dans les causes criminelles », croit-elle.

Pour la professeure Lucie Lamarche, de l'UQAM, ce sont les défis qui attendent Richard Wagner qui vont caractériser sa présidence. « Sur le dossier de l'administration de la justice, il sera intéressant de voir comment le juge Wagner va canaliser l'héritage de Beverley McLachlin », explique l'universitaire.

Lucie Lamarche, de l'UQAM
Lucie Lamarche, de l'UQAM
L'accent a été mis sur la justice criminelle, avec l'arrêt Jordan, mais les problématiques sont tout aussi importantes dans les autres domaines du droit. Il sera intéressant de voir quel chemin Richard Wagner va prendre avec son bagage pénal et commercial, dit-elle.

Autre grand dossier dont hérite le nouveau juge en chef du pays: sa gestion du « courageux héritage », laissée par sa prédécesseure sur la question autochtone. Beverley McLachlin n'avait pas fait de cachettes de ses sentiments à l'égard du traitement des Premières Nations. Sur cet aspect, « le point d'interrogation est plus grand », observe Lucie Lamarche.

Sur la question des enjeux relatifs aux conflits de droit, Lucie Lamarche croit que toutes les cartes sont sur la table. Richard Wagner n’est à la Cour suprême que depuis cinq ans, il n'a donc pas rendu assez de jugements pour permettre d'avoir une idée précise de l’orientation qu'il donnera.

Sur les dossiers impliquant une interprétation de la Charte, par exemple, comme celui de la loi 62 sur la neutralité religieuse, « est-ce qu'il va estimer que la Cour suprême en a suffisamment dit sur ces questions », demande Lucie Lamarche, laissant le soin au législatif de prendre ses propres décisions?

Ou sera-t-il au contraire d'avis « que toutes les questions relevant de la Charte des droits doivent être répondues par la Cour? », poursuit la professeure.

Rendre la justice plus efficace

Chose certaine cependant, lors des débats sur la préséance à accorder aux droits individuels par rapport aux droits collectifs, la déférence de la cour envers le pouvoir législatif est bien établi. Et Lucie Lamarche croit que Richard Wagner respectera cette déférence.

« C'est une cour prudente à l'endroit du législateur » dit-elle, et ce, même si elle n'hésite pas renvoyer un parlement ou une assemblée législative à la planche à dessins.

Enfin, Richard Wagner aura vraisemblablement à imposer des balises aux tentatives de rendre la justice plus efficace. « Des questions se posent sur l'accessibilité—une justice plus efficace n'est pas nécessairement plus accessible », poursuit Lucie Lamarche.

La cause opposant la Cour supérieure à la Cour du Québec illustre ce dilemme, dit-elle, ajoutant que Richard Wagner voudra probablement s'assurer que le souci d'efficacité ne s'exerce pas au détriment des prérogatives des tribunaux.

« Ce sont là des questions dont il ne pourra pas faire l'économie. »
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