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Immunité pour les journalistes?

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Jean-francois Parent

2017-12-14 14:45:00

La Commission Chamberland propose une loi cadre et une révision législative afin de protéger les sources journalistiques.

La Commission Chamberland
La Commission Chamberland
En réaction aux écoutes électroniques de journalistes, un rapport fleuve de 200 pages recommande d'entrée de jeu de créer un « régime d'immunité » pour les sources et le matériel journalistiques.

La recommandation première du rapport de la Commission Chamberland, déposé jeudi à l'Assemblée nationale, se lit comme suit : « Adopter une Loi sur la protection du matériel et des sources journalistiques, en matière civile et pénale ».

Cette proposition de loi cadre viserait à « à assurer au Québec une véritable protection de l’information recueillie par un journaliste dans le cadre de ses activités de collecte, d’analyse et de diffusion de l’information », écrivent les commissaires.

Et ce, afin de souligner « de façon éclatante l’importance du journalisme dans notre société démocratique ».

Les juges de paix-magistrats, dont le rôle a été critiqué par les journalistes dans l'affaire Lagacé, font l'objet d'une recommandation. Le commission exige qu'on prenne « les mesures pour la création d’un registre où seront consignées toutes les demandes d’autorisations judiciaires présentées à un juge ou à un juge de paix magistrat ».

La Cour du Québec, dans un communiqué, se dit heureuse « de lire que la Commission a constaté que les juges de paix magistrats sont des spécialistes en matière d'autorisations judiciaires et qu'ils ne se contentent pas d'apposer leur signature sur les documents qui leur sont présentés sans avoir procédé aux vérifications appropriés ».

Enfin, on voudrait obliger tous les corps de police à rendre publique leur politique de relations avec les médias.

Les ministres de la Justice, Stéphanie Vallée, et de la Sécurité publique, Martin Coiteux, « ont indiqué sans l’ombre d’un doute qu’ils ont l’intention de mettre en œuvre dans la mesure du possible ».

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec se dit « très satisfaite des recommandations de la Commission Chamberland, qui demande non seulement une loi pour protéger les sources journalistiques, mais aussi le matériel journalistique ».

La création de la commission d'enquête fait suite aux révélations récentes selon lesquelles les conversations téléphoniques de plusieurs journalistes ont été écoutées soit par la Sûreté du Québec, soit par des policiers du Service de police de la Ville de Montréal, souvent pendant des années, dans le cadre de diverses enquêtes policières.

Immunité

En détails, voici les recommandations:

Les journalistes et leurs sources bénéficieraient ainsi d'un « régime d’exception au profit du droit du public à l’information comme il en existe déjà pour le secret des communications entre conjoints, le fonctionnaire de l’État en ce qui a trait aux renseignements obtenus dans l’exercice de ses fonctions, le secret professionnel et le secret relatif à l’identité des indicateurs de police », peut-on lire dans le rapport.

On va plus loin en proposant un libellé des règles qui garantiraient l'immunité des journalistes face aux perquisitions et obligations de témoigner.

« La règle, tant en matière civile que pénale, pourrait être ainsi libellée: le journaliste n’est pas tenu de témoigner au sujet d’une information recueillie dans le cadre de ses activités journalistiques, ni de révéler la source de son information ou de produire le matériel journalistique en sa possession. La règle vaut également pour tout collaborateur du journaliste. Il appartient à la personne qui revendique cette immunité d’en établir l’existence, mais, lorsque le dévoilement de l’identité d’une source confidentielle est en jeu, le juge doit intervenir d’office. Un tel régime de protection permettrait de couvrir les questions relatives au témoignage du journaliste, à la saisie du matériel journalistique en matière civile et aux perquisitions en droit pénal provincial », lit-on dans la recommandation des commissaires.

Exceptions

On prévoit cependant des exceptions, faisant cesser l’immunité, tant civile que pénale, « lorsque, à la fois, 1) la preuve revêt une importance déterminante pour la solution du litige; 2) il n’existe aucun autre moyen par lequel la preuve peut raisonnablement être obtenue; et 3) l’intérêt public dans la découverte de la vérité l’emporte sur l’intérêt public à préserver la confidentialité de l’information ».
Il revient à la personne qui demande la levée de l’immunité d’établir que sa requête est bien fondée.
À cet égard, les commissaires insistent pour les ces mesures « s’appliquent à toutes les procédures de saisie ou de perquisition relevant de la compétence du Québec, tant civiles que pénales. L’intervention législative devrait donc adopter une forme susceptible d’obtenir ce résultat. Certaines lois québécoises confèrent à des organismes des pouvoirs d’enquête et de contrainte fort étendus qui échappent au contrôle des tribunaux judiciaires (…). Ces lois devraient également faire l’objet d’une révision afin d’y incorporer les règles mentionnées plus haut relativement à la saisie du matériel journalistique ».

La saisie

Une deuxième recommandation balise les conditions dans lesquelles les saisies de matériel journalistique peuvent avoir lieu, notamment en donnant comme directive « à l’intention de tous les corps de police1234 exigeant l’envoi systématique d’un avis au journaliste et au média concerné dans les jours suivant l’exécution d’un mandat, d’une autorisation ou d’une ordonnance. Il s’agirait ainsi de donner au journaliste et au média un délai raisonnable (par exemple, dix jours, comme dans la Loi sur la protection des sources journalistiques) pour contester la mesure et faire valoir leur point de vue, et ce, peu importe les intentions des policiers à l’égard de ces documents ».

Les perquisitions

La recommandation troisième de la Commission insiste sur le besoin d' « élaborer une directive à l’intention de tous les corps de police exigeant que, sauf urgence ou risque pour le déroulement de l’enquête, le journaliste et le média soient avisés avant l’exécution du mandat de perquisition ».
Parmi le train de mesures proposées par la Commission, on retrouve une série de mesures législatives visant à « mieux encadrer les rapports entre les élus et les corps de police » pour éviter qu'un souhait ou une question émanant de la police soit « rapidement perçu comme un ordre ».
On réitère en outre les principes de l'indépendance policière par rapport aux autorités publiques, l'importance de la formation et de la supervision des enquêteurs pour tout ce qui a trait à la saisie ou la mise sur écoute de journaliste.

-Avec Radio-Canada
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