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Les pratiques de la STM sont constitutionnelles

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Jean-francois Parent

2018-01-18 13:15:00

L'obligation de fournir une preuve de paiement est une atteinte raisonnable à la liberté, conclut la Cour supérieure.

Le juge  Randall Richmond
Le juge Randall Richmond
La pratique d'interpeller les usagers de la STM et de les mettre à l'amende lorsqu'ils ne peuvent prouver qu'ils ont réglé leur passage va donc se poursuivre.

La Cour supérieure vient de réviser de fond en comble le jugement d'instance qui pointait du doigt les pratiques de la Société de transports de Montréal, qualifiées dans un premier jugement, rendu en 2016, d' « inconstitutionnelles », misant sur la « détention arbitraire » et faisant fi de la présomption d'innocence.

Dans le métro, des inspecteurs contrôlent les titres des usagers, qui s'exposent à une amende totale de 214 dollars s'ils ne peuvent produire leur billet.

En 2010, trois usagers qui avaient été mis à l'amende pour n'avoir pu prouver qu'ils avaient payé leur passage ont intenté un recours contre la STM. La société avait été critiquée sévèrement par le juge Randall Richmond, qui assimilait les mesures à celles d'un « régime d'un autre siècle ».

L'usager Jean-Philippe Joubert est représenté par Me Germain Caponi-Champagne, de Yves Ménard Avocats, Nathaniel Bell-Roy par Me Pierre-Luc Milord, et Monique Khalil par Me Xuan Nguyen.

Quant à la STM, elle est représentée par Me Mark Paci, de Pateras & Iezzoni, et par Me Nancy Dubé, de la STM.

Pas un régime totalitaire, quand même

Me Germain Caponi-Champagne, de Yves Ménard Avocats
Me Germain Caponi-Champagne, de Yves Ménard Avocats
« Il ne convient pas d’assimiler la vérification aléatoire du titre de transport d’un usager aux pires excès des sociétés totalitaires. Une telle caractérisation semble disproportionnée et excessive », rétorque le juge Guy Cournoyer dans sa décision rendue le 11 janvier dernier.

Le magistrat estime ainsi la restriction aux droits constitutionnels pratiquée par la STM est justifiée au sens de l'article premier de la Charte des droits et libertés. Selon Guy Cournoyer, « le juge d’instance (Richmond) n’applique pas la méthode contextuelle d’interprétation constitutionnelle » dans son analyse, omettant de tenir compte que « les normes constitutionnelles formulées dans le contexte du droit criminel ne s’appliquent pas aux infractions réglementaires sans adaptation et modulation ».

C'est ainsi que le premier jugement « transpose erronément les garanties constitutionnelles applicables aux interventions policières (…) à la vérification réglementaire des inspecteurs de la STM dans le cadre de la mise en œuvre des modalités d’un contrat de transport régi tant par le Code civil que par la législation et la réglementation applicables », peut-on lire dans l'arrêt STM c. Joubert.

Le tribunal est donc d'avis que la « vérification à laquelle procèdent les inspecteurs de la STM, bien qu’aléatoire, s’avère peu intrusive et de courte durée ». La Société dispose en outre du pouvoir légal de faire ce qu'elle fait, ce à quoi « toute personne utilisant ses services (…) s’attend logiquement ».

Selon le juge Cournoyer, « la vérification autorisée constitue une conséquence logique et une exigence raisonnablement nécessaire de la relation contractuelle qui unit l’usager des services de transport et une société de transport ».

Les articles 6 et 9 du règlement de la STM avaient été jugés « incompatibles avec le droit à la présomption d’innocence ainsi que la protection contre la détention arbitraire ». Les restrictions contenues dans ces règlements n'étaient pas non plus « dans des limites raisonnables dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ».

Pas de présomption d’innocence bafouée

Le juge Guy Cournoyer
Le juge Guy Cournoyer
Une analyse démontée point par point par Guy Cournoyer, qui s'attaque notamment à la critique portant sur la présomption d'innocence « bafouée » par la STM.

« L'obligation de produire la preuve du paiement du droit de passage ne constitue pas une violation du droit à la présomption d’innocence, écrit le juge Cournoyer. La preuve de la possession d’un titre de transport valide constitue une exception, exemption, excuse, ou justification prévue par la loi au sens de l’article 64 du Code de procédure pénale, dont la preuve incombe au défendeur. »

Le juge Cournoyer estime en outre qu'il ne s'agit pas là d'une mesure « inusitée, arbitraire ou totalitaire, mais plutôt un pouvoir de vérification reconnu que possèdent d’autres sociétés de transport en commun au Canada.

« Il s’agit donc d’une mesure raisonnablement adaptée à la situation du contrat de transport entre l’usager et la STM et d’un moyen qui se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures alternatives raisonnables.»

« Tout comme l’interception au hasard d’un véhicule sur la route, qui constitue par définition une détention arbitraire, la détention des usagers, même si on la considérait arbitraire au sens de l’article 9 de la Charte, s’avère justifiée au regard de l’article premier de la Charte si les préposés de la STM agissent dans le cadre des objectifs limités relevant du Règlement, en fonction desquels les pouvoirs ont été conférés », conclut le juge Cournoyer.
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5 commentaires

  1. AL16
    Enfin!
    Enfin le gros bon sens! Merci!!!!

  2. DSG
    WTF
    What kind of hippie b.s. freak would actually take this issue to court? Next they will contest the regulation by which bicycles have to go in the last train.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      This.
      This.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Société individualiste et libertés publiques
    La vérification des titres des voyageur n'est pas une nouveauté dans de nombreux pays où depuis des lustres la constitution enchasse un bon nombre de libertés publiques, mais il semble que le point commun des ces sociétés où triomphe l'individualisme de ces enfants-rois qui ont grandis et qui ont engendrés d'autres enfants-rois, soit le cirque intellectuel qui entoure maintenant tous les débats, même juridiques.

    Les génie qui ont représentés les avocats syndiqués du ministère fédéral de la justice ont même été jusqu'à prétendre qu'exiger une certaine disponibilité pour travailler sur appel, durant les fins de semaine, était contraire à la constitution canadienne. ça ne s'invente pas!

    Cette bataille juridique concernant la vérification des titres de transport est du même tonneau que celle du ti-cul qui veut contester la constitutionnalité des confiscations de cellulaire dans les écoles: elle aurait été impensable il a quelques décénies, où celui qui l'aurait menée aurait passé pour un olibrius, et elle aurait alors été réglée en quelques traits de plumes.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Me
    Nuance: contrairement à ce que vous écrivez, le juge n'a PAS dit que "la restriction la restriction aux droits constitutionnels pratiquée par la STM est justifiée au sens de l'article premier de la Charte des droits et libertés". Au contraire. Il a justement conclu qu'il n'y avait PAS de violation de leurs droits mais que S'IL y avait eu détention arbitraire, celle-ci serait justifiée par l'article 1.

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