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Les heures facturables sont-elles devenues ridicules?

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Jean-francois Parent

2018-01-25 14:30:00

Évaluer la productivité d'un cabinet en calculant les heures facturées est la pire chose à faire pour déterminer la valeur ajoutée offert aux clients...

Jordan Furlong, de Law21 à Ottawa
Jordan Furlong, de Law21 à Ottawa
« La mesure traditionnelle de la productivité dans les cabinets d'avocats est particulièrement inepte », écrit le consultant Jordan Furlong, de Law21 à Ottawa.

Dans le magazine Lawyerist, le spécialiste du développement d'affaires juridique prend pour cible la dernière livraison du rapport annuel sur l'État du droit, publié par Thomson Reuters.

Dans l'État du droit 2018, on définit la productivité par le ratio entre le nombre d'heures facturées par un bureau et le nombre d'avocats dans ce même bureau.

C'est clairement erroné, analyse Jordan Furlong. « Disons que, comme avocat de première année, je mette 10 heures à accomplir une tâche. L'année suivante, j'en mets cinq. N'importe quelle mesure traditionnelle montrera que j'ai doublé ma productivité. Pas dans un cabinet, où l'on observera plutôt que je l'ai réduite de moitié. »

Gagner en productivité

Plusieurs clients s'inscrivent en faux contre cette mesure. Ils veulent payer la valeur de ce qu'on leur offre, pas les heures qui y sont consacrées. Surtout si cela signifie qu'une tâche accomplie rapidement signale une baisse de productivité.

Même que si les cabinets revoyaient la façon de mesurer la productivité, ils gagneraient en efficacité et cesseraient de facturer les gens pour leurs efforts, au profit des résultats pour les clients.

En règle générale, pour une activité économique normale, on mesure les intrants par rapport aux extrants. Ainsi, dans n'importe quelle industrie, les unités vendues par l'entreprise et achetées par le client—les extrants—sont les mêmes : des planches, des téléphones, des canapés.

Dans l'industrie légale, la donne change : « Les clients considèrent que le bien acheté est un résultat, que ce soit un jugement obtenu, une action déposée, voire un conseil juridique. Les firmes estiment plutôt que le service rendu réside dans les heures nécessaires à ce service; on facture non pas pour une tâche, mais pour le temps qu'il faut à accomplir la tâche. »

C'est là une définition de la productivité qui désavantage le client, puisque ce sont les associés d'un cabinet qui bénéficient des heures facturées, pas les clients. La productivité devrait donc se mesurer résultats finaux, et non en heures facturées.

Les clients n’ont guère le choix

Ce n'est pourtant pas ce qui se passe puisque les cabinets utilisent les heures facturées comme critère de mesure pour le service client. « Et les clients sont obligés d'accepter cet état de fait parce que si un client et son avocat ne peuvent s'entendre sur la façon de définir le service acheté, si le ''bien produit'' a deux définitions différentes, ils ne pourront faire affaire ensemble », observe Jordan Furlong.

Ainsi, par la force des choses, les clients doivent se faire à l'idée et accepter, en faisant un chèque, que le service sera rendu sous la forme d'heures facturables.

Le client peut bien dire qu'il refuse d'acheter des heures alors que ce dont il a besoin, c'est une convention d'actionnaire. Ce à quoi l'avocat répond, « je ne peux pas établir un prix pour une convention d'actionnaire, car je ne sais pas combien ça vaut, pas plus que vous d'ailleurs; je vais donc vous facturer le temps que ça me prend », et c'est ainsi que le temps passé à travailler fait figure d'extrant.

C'est une problème de taille : les cabinets ne savent pas vraiment combien valent réellement les services qu'ils proposent aux clients. Pas plus qu'eux-mêmes par ailleurs.

« Mesurer la valeur offerte au client par l'entremise des heures facturables est ridicule. C'est pourtant ce qu'on mesure et qu'on refile aux clients, et c'est ce pour quoi ils paient, car ils n'ont rien de mieux à proposer, soutient Jordan Furlong. À moins que les cabinets et leurs clients ne s'entendent sur une valeur donnée pour un produit précis, des heures seront facturées. »

Et le monde juridique continuera d'éviter de calculer sa productivité selon des critères utilisés par le monde des affaires en général.
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6 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Quelle analyse biaisée et fausse
    « Disons que, comme avocat de première année, je mette 10 heures à accomplir une tâche. L'année suivante, j'en mets cinq. N'importe quelle mesure traditionnelle montrera que j'ai doublé ma productivité. Pas dans un cabinet, où l'on observera plutôt que je l'ai réduite de moitié. »

    Faire ce commentaire c'est omettre volontairement des pans importants comme les obligations déontologiques et le fait qu'aucun avocat ou cabinet ne veut se faire reprocher par un juge d'avoir sur-facturé.

    Alors mon jeune avocat qui met 10 heures pour quelque chose qui devrait en prendre 5, je vais couper ses heures et le pousser à être plus productif au bénéfice du client, au sien et au miens car nous avons des objectifs communs. Le temps qu'il passe dans cet extra 5 heures qui risque de toutes façons de se faire contester, il pourrait le passer sur d'autres dossiers et à meilleur escient.

    Alors on donne une tribune à quelqu'un qui fait une analyse déficiente car la question des heures facturables est à la mode mais il y a malheureusement personne pour expliquer en profondeur le processus.

    • Avocat
      Avocat
      il y a 6 ans
      Effectivement
      De plus, si je mets 10 heures à faire quelque chose en début de pratique, et donc à taux horaire moins élevé, le client n'est pas perdant, d'autant qu'effectivement, certaines heures seront coupées. Et quand, l'année suivante, je mets 5 heures pour faire la même tâche, je ne cesse pas de travailler les 5 autres heures, je fais quelque chose d'autre - que je facture aussi, à un tarif présumément plus élevé.

      N'importe quoi comme article.

  2. Oyoyoy
    Oyoyoy
    il y a 6 ans
    Oyoyoy
    Ce qui m'énerve le plus avec ce "débat", ce sont les arguments vides avancés. Est-ce que nous sommes si imbéciles?

    Maintenant je dois comparer ma profession à ceux qui vendent des téléphones? Tab... Voici une piste de réflexion, peut-être que la comparaison est différente parce que ton téléphone, du 1er au dernier, va être le même, mais que les conventions d'actionnaires sont toutes différentes?

    Un domaine forfaitaire qui nous rejoint peut-être un peu plus. La création de site Web par exemple. Honnêtement, je préfèrerais que l'on me facture à l'heure. Le forfaitaire est tellement limitatif ou finit par tellement coûter plus cher que ce que vendait le forfait à la rencontre initiale.

    Je n'ai pour l'heure lu aucun argument intelligent en faveur d'un changement drastique de méthode de facturation.

    Et j'y reviens toujours, parce que nous avons la chance d'avoir un ordre professionnel très proche du nôtre qui subit encore ce changement. Les notaires.

    D'ailleurs, je trouve assez aberrant que le Barreau commande un rapport, qui se résume à des arguments sophistes et à du pelletage de nuages, qu'il n'y ait aucune mention, aucune, sur ce que vivent actuellement les notaires qui eux ont choisi la voie du forfaitaire. Non, nous ce que le Barreau nous dit, c'est que nous allons ainsi arrêter de surfacturer, car c'est bien connu, par le Barreau du moins, que tous les avocats sont des délinquants en puissance.

    Je ne lis aucun débat, seulement de la pensée magique d'un groupe minoritaire, qui manifestement ne gère rien dans la vie, ou le font mal, ne font que prendre la balle au bond, la position médiatique facile, sans réflexion, parce que, que voulez vous, il faut du changement.

    Et qui est le plus facile à attaquer, le système de justice ou les méchants avocats?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 6 ans
      Amen!
      En fait on ne sait pas vraiment qui a contribué au rapport et quelles étaient les conclusions de l'économiste alors qu'il était hautement pertinent qu'ils soient consultés.

      Voici tout ce que dit le fameux rapport :

      " Dans cette perspective, la contribution des économistes de l’Observatoire des services professionnels à la réalisation de ce rapport a permis d’orienter l’analyse en fonction de ces
      incontournables réalités"

      Pour être vague...

    • Avocat
      Avocat
      il y a 6 ans
      Bravo
      «Je ne lis aucun débat, seulement de la pensée magique d'un groupe minoritaire, qui manifestement ne gère rien dans la vie, ou le font mal, ne font que prendre la balle au bond, la position médiatique facile, sans réflexion, parce que, que voulez vous, il faut du changement.»

      Vous venez, hélas, de décrire la société occidentale du 21ème siècle, où la rectitude politique prime, et où l'on cherche à régler des problèmes qui n'existent pas.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Donc selon M. Furlong le droit fonctionne en marge des autres industries...
    Voir l'extrait ci-dessous:

    En règle générale, pour une activité économique normale, on mesure les intrants par rapport aux extrants. Ainsi, dans n'importe quelle industrie, les unités vendues par l'entreprise et achetées par le client—les extrants—sont les mêmes : des planches, des téléphones, des canapés.

    Dans l'industrie légale, la donne change : « Les clients considèrent que le bien acheté est un résultat, que ce soit un jugement obtenu, une action déposée, voire un conseil juridique. Les firmes estiment plutôt que le service rendu réside dans les heures nécessaires à ce service; on facture non pas pour une tâche, mais pour le temps qu'il faut à accomplir la tâche. »


    Mais qu'en est-il de l'industrie de la santé? Mon psy et les médecins qui traitent ma famille n'ont clairement pas reçu le mémo! Ils veulent être payés à l'heure et non au résultat.

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