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Qui décide de la défense? Votre client ou vous?

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Mélissa Pelletier

2018-01-31 11:15:00

Qu’arrive-t-il quand un client insiste pour adopter une défense, et vous, une autre? Et si la cause risque de mener à une peine de mort?

Toni Messina, criminaliste new-yorkaise
Toni Messina, criminaliste new-yorkaise
Toni Messina, criminaliste new-yorkaise, que Droit-inc a rencontré il y a quelques mois, nous dresse un intéressant tour d’horizon dans Above The Law. Elle parle notamment d’un cas qui a fait les manchettes récemment: celui de Robert McCoy, un homme condamné à mort qui réclame un nouveau procès, estimant que son avocat a trahi l'essence même de sa mission… L’affaire est devant la Cour suprême américaine.

Qu’arrive-t-il donc lorsqu’il y a une telle divergence?, demande Toni Messina.

C’est donc exactement ce qui s’est produit pour Robert McCoy, accusé d’un triple meurtre en Louisiane. La couronne affirmait que l’homme serait allé chercher sa femme chez ses beaux-parents, relate Toni Messina. En ne la trouvant pas, il aurait ouvert le feu sur la mère, le père et leur fils. La preuve contre lui était forte: le fusil utilisé pour le meurtre se trouvait sur lui au moment de l’arrestation, la ligne d’urgence 911 avait sous la main un enregistrement de sa belle-mère qui crie son nom juste avant le meurtre... Son cellulaire a d’ailleurs ensuite été trouvé dans une voiture abandonnée dans le voisinage.

Lors du procès, McCoy a décidé que sa meilleure défense était l’alibi. Il a insisté pour que son avocat dise qu’il n’était pas dans le quartier au moment du drame et que ce sont les policiers qui auraient planqué le fusil sur lui.

Toutefois, son avocat, Larry English, a estimé qu’un jury de Louisiane ne pourrait jamais croire ça, et étant donné la possibilité de peine de mort, il a jugé qu’il serait préférable d’admettre que McCoy avait commis les meurtres, mais qu’il n’était pas dans son état d’esprit normal. Il a donc débuté sa défense en affirmant que l’accusé avait bel et bien commis les trois meurtres. McCoy est alors sauté de son siège: «Monsieur English est en train de me vendre!»

En Louisiane, il est acceptable que l’avocat décide de suivre une autre ligne de défense que celle choisie par son client, explique Toni Messina. Lorsque ça arrive, le client n’a que deux choix - accepter ou se défendre lui-même. À la fin du procès, McCoy a été jugé coupable et condamné à la peine de mort.

Larry English, avocat de Robert McCoy
Larry English, avocat de Robert McCoy
Tous les avocats de la défense qui travaillent dans le domaine criminel ont dû faire face à ce genre de dilemne, dit l’avocate, qui a une longue feuille de route derrière elle. Rarement pour un cas aussi grave qu’une peine de mort toutefois, ajoute-t-elle… L’idée? « Je suis l’avocat et je sais mieux que toi comment te sortir de ce mauvais pas. Mais ce n’est pas toujours vrai. En plus, ça crée un problème éthique. Les avocats sont dans l’obligation de répondre aux souhaits de leurs clients, les incluant dans tout le processus, et en s’assurant que toutes les décisions sont informées et volontaires. »

Que faire si le client emprunte un chemin qui pourrait lui nuire?, demande-t-elle.

Tous les cas sont différents, estime la criminaliste, mais c’est clair que l’avocat sait en général mieux ce qui va l’aider - les technicalités des lois, le fonctionnement du système judiciaire, le jury disponible, etc. « Penser autrement reviendrait à demander à votre chirurgien d’utiliser tel scalpel plutôt qu’un autre. Ça peut devenir suicidaire. »

Chaque client, par contre, peu importe son cheminement académique, a le droit de décider du cours de son casier criminel. « Pour McCoy, c’était peut-être plus difficile d’admettre qu’il avait tué ses beaux-parents et leur fils en faisant face à une possible peine de mort. »

Quand Toni Messina a fait face à ce problème dans le début de sa carrière comme avocate de la défense, son collègue plus expérimenté a fait le lien avec un vendeur de chaussures. «Nous sommes dans le domaine du service. On peut expliquer quelle chaussure est la plus confortable, et le laisser ensuite décider. C’est à lui de voir ce qu’il veut porter.» Messina suit ce conseil depuis. L’idée, c’est de montrer au client tous les souliers disponibles. Dans un cas criminel, cela veut dire de se préparer: évaluer la cause, faire des recherches sur les lois, parler à la couronne et monter un rapport très détaillé pour le client, question de créer un lien de confiance.

« Dire à un client qu’il doit absolument plaider coupable au premier rendez-vous ne vous permettra pas d’arriver à votre but, explique la criminaliste. Dévoiler votre opinion après avoir compris son point de vue, répondu à ses questions, regardé pour des failles dans le dossier de la couronne, donnera un meilleur résultat. »

Le manque de confiance, par contre, est souvent là, remarque Toni Messina. Plusieurs clients peuvent croire que les avocats offerts par la cour travaillent pour l’État et qu’ils sont mieux payés s’ils plaident coupable. « C’est sans parler du manque d’éducation et de la maladie mentale, ce qui peut rendre encore plus difficile la tâche de bien faire comprendre les options au client.» Selon Messina, dès que l’avocat a fait son travail, il faut laisser le client décider.

Comme l’a expliqué la juge Sonia Sotomayor, qui a tranché pour le cas McCoy, les accusés peuvent parfois se mener eux-mêmes vers la mort par leur parole. Mais ils ont le droit de raconter leur histoire.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Et au Québec?
    Le problème avec cet article, c'est qu'il parle de la réalité aux USA. Au Québec, avec notre code de déontologie, ce serait certainement très différent.

    Pourquoi ne pas reprendre le même sujet mais en s'adressant à des avocats d'ici à la place?

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