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Alcootest : la Cour suprême évalue la pertinence d'une divulgation

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Jean-francois Parent

2018-02-08 13:15:00

Les détails du fonctionnement d'un alcootest au cœur d'un chassé-croisé juridique...

Me Jean-Marc Fradette,  l'avocat de la défense
Me Jean-Marc Fradette, l'avocat de la défense
Une requête en divulgation par la défense visant à invalider les résultats d'un alcootest est acceptée, puis contestée, puis acceptée, pour finalement se retrouver devant le plus haut tribunal du pays.

Tout commence en 2012 avec l'arrestation de Justine Awashih, qui sera finalement accusée de conduite avec facultés affaiblies.

Plaidant devant la Cour du Québec, l'avocat de la défense Jean-Marc Fradette obtient une ordonnance exhortant le ministère public à produire une cinquantaine de renseignements supplémentaires portant sur le fonctionnement de l’appareil de détection d’alcool et la compétence des techniciens qui l'opèrent.

La défense avait appris que l'ADA a dû être réparé au lendemain du test administré à Mme Awashish, et que ledit appareil avait subi deux réparations antérieures dans les mois précédant l'arrestation de l'accusée.

La Cour supérieure renverse la Cour du Québec, pour ensuite revenir sur la décision et permettre ce que la poursuite qualifie « d'expédition de pêche ».

Le tout se retrouve en Cour d'appel, qui maintient le jugement de première instance.

Erreur de droit et excès de compétence

Pour l'essentiel, le DPCP demande à la Cour suprême de trancher la question suivante : « un tribunal est-il compétent à contraindre le ministère public à se renseigner, pour le compte de l’accusé, sur l’existence et les détenteurs d’éléments pour lesquels il n’y a aucune démonstration de pertinence? »

Le DPCP, appelant dans ce dossier, dit non.

Alors que la Cour supérieure avait « identifié un excès de compétence et une erreur de droit manifeste qui l’ont conduite à accueillir le certiorari de l’appelante et annuler l’ordonnance contestée », la Cour d'appel a cassé ce jugement.

Et ordonné au DPCP de se plier à la demande de divulgation. Pas question, répond ce dernier, qui signale que la Cour du Québec, même si elle semblait douter de la pertinence de la requête, l'a jugée admissible et l'a permise.

C'est notamment sur ce doute que le DPCP s'appuie pour plaider l'erreur de droit et l'excès de compétence.

Car dans le cas présent, écrivent les plaideurs du DPCP Justin Tremblay et Pierre Boisvenue, « si un tribunal estime qu’une procédure est sans fondement de pertinence, comme c’est le cas en l’espèce, il n’a compétence que pour la rejeter. De surcroît, l’obligation de se renseigner qui incombe au ministère public ne permet pas à une cour d’ordonner au poursuivant d’investiguer, pour le compte de l’accusé, sur l’existence et les détenteurs de renseignements pour lesquels il n’existe aucune démonstration de pertinence ».

Pour la défense, tout ce débat occulte un droit fondamental : les renseignements divulgués en preuve par la poursuite « ne se limitent pas au rapport d’enquête mais à tout ce qui découle des accusations et qui est raisonnablement possible d'avoir un effet sur la capacité de l’accusé à se défendre », écrit Me Fradette dans son mémoire d'appel.

« Exiger à ce stade-ci d’établir un « doute réel » quant au mauvais fonctionnement de l’alcootest impose un fardeau indu à l’accusé. Cela revient à forcer ce dernier à établir l’« apparence de vraisemblance » d’une défense; un enjeu légitime lorsqu’on attaque les résultats de l’alcootest lors du procès mais illogique lorsqu’on essaie d’obtenir l’ensemble des renseignements se rapportant aux accusations pour évaluer justement si l’accusé devrait offrir une défense ou pas », écrit-il.

Douze autres dossiers

Me Fradette relève d'ailleurs que la décision rendue en première instance par la juge Manon Paradis de la Cour du Québec « a été plaidée dans douze (12) autres dossiers. La juge Paradis a réitéré sa décision. Encore là, la poursuite a respecté l’ordonnance. Dans 11 des 12 dossiers, les procédures sont terminées ».

Qu'à cela ne tienne, « le poursuivant n’est pas tenu d’enquêter sur des renseignements dont l’existence et la pertinence sont inconnues », rétorquent Mes Tremblay et Boisvenue.
« Nul besoin d’expert pour établir la pertinence d’une demande de renseignement à l’étape de la communication de la preuve. Le seul potentiel qu’un renseignement ait une certaine utilité suffit », soutient pour sa part Jean-Marc Fradette.

En plaidoirie devant la Cour suprême le mercredi 7 février, Me Fradette a dit vouloir savoir « si le technicien était qualifié pour faire le travail. Ça s’est déjà vu, des techniciens qui avaient été déqualifiés. On ne demande pas ces renseignements pour chiquer de la guenille », rapporte Le Quotidien de Saguenay.

Les neuf juges entendant l'appel ont pris l'affaire en délibéré.
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