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L’avocate des solutions

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Dominique Tardif

2018-03-21 12:15:00

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Nancy J. Trudel, directrice générale du CAIJ, le Centre d’accès à l’aide juridique.

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier ou encore une autre profession?

Me Nancy J. Trudel, directrice générale du CAIJ
Me Nancy J. Trudel, directrice générale du CAIJ
C’est au cégep, avant de faire mes demandes pour l’université, que j’ai pris ma décision. J’avais à l’époque décidé de ‘revalider’ certains choix en allant, comme on le fait au secondaire, consulter un orienteur. J’aimais les contacts et les relations avec les autres, tout en étant aussi attirée par le ‘côté affaires’ des choses. Je pensais alors, notamment, à me diriger en relations industrielles, qui permettent d’analyser des processus et d’en évaluer les impacts sur l’individu.

C’est en faisant des tests avec l’orienteur, qui m’a alors demandé si j’avais pensé faire mon droit pour ensuite y ajouter une maîtrise en administration des affaires, que j’ai eu une révélation! À l’époque, cette combinaison était assez rare. Surtout, je ne la connaissais pas encore et elle m’apparaissait tout indiquée!

Le droit, jusque-là, ne comptait pas parmi mes choix naturels: j’identifiais la discipline à la rédaction de procédures et cela me paraissait davantage académique qu’appliqué, alors que je recherchais les décisions et l’action. Pourtant, j’aimais défendre des points de vue et, en fait, je le faisais assez naturellement. Je ne considérais cependant pas, peut-être par timidité, avoir l’éloquence et la capacité de plaider des avocats de litige.

Cette idée de combiner le droit au MBA me permettait donc d’avoir, en quelque sorte, le « meilleur des deux mondes ».

J’ai ainsi fait le droit pour aller en affaires, avec le MBA en tête. Je savais dès le départ que ma pratique n’en serait pas une au sens traditionnel du terme, d’autant plus que je ne sentais pas que j’avais à l’époque la maturité nécessaire pour accompagner la clientèle.

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

Je suis de la génération dont les mères sont entrées sur le marché du travail, et de celles, dans la quarantaine, qui veulent concilier leur grand investissement pour leurs enfants avec le travail, en donnant la même qualité et un grand nombre d’heures à chacun.

Ayant à peu près toujours été la plus jeune des groupes de travail dans lesquels je travaillais, tant en entreprise qu’au Barreau, je n’avais souvent pas la même réalité familiale que celle des gens avec qui je travaillais. J’avais alors trois jeunes enfants. Cela dit, et peu importe ma vie personnelle, je tenais à être « présente à 100% ».

Ce fut, je dois dire, tout un défi par moments! Je suis, en effet, de la génération qui « n’a pas d’excuse », qui répond toujours « présente » et qui veut y être pour la qualité de ses interventions. Je dois bien être de celles qui ont lu le plus de livres sur l’organisation visant à mieux gérer sa vie personnelle et professionnelle! (rire).

Si je n’ai aucun regret et que je suis tout à fait satisfaite du chemin que j’ai parcouru, je constate qu’une prise de conscience existe chez la nouvelle génération, qui est heureuse des avancées qui ont été faites, mais qui semble aussi vouloir rééquilibrer certaines choses. Pourquoi, en effet, accepter que l’équilibre travail et famille se fasse au prix des heures personnelles qui doivent souvent être éliminées? En étant créatif et imaginatif, il n’existe à mon avis que des solutions! Tellement d’outils, aujourd’hui, existent et permettent plus de flexibilité – et j’y suis certainement sensible.

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

Si j’avais une baguette magique, j’améliorerais l’accessibilité à la justice. À mon avis, cela doit passer par le fait de mettre ensemble toutes nos idées et ressources.

On entend, en effet, trop souvent parler d’initiatives qui partent de bonnes intentions, mais qui ont déjà été tenté par le passé ou encore qui sont déjà en cours au sein d’un autre organisme.

Nous devons tous, pour obtenir des résultats concrets pour le citoyen et la communauté juridique, nous rappeler que nous sommes complémentaires dans nos missions respectives et que nous pouvons chacun contribuer à l’atteinte d’un résultat commun.

Cela implique évidemment de faire passer l’objectif avant chacune de nos organisations et de travailler ensemble à partir des bases existantes.

Je constate par ailleurs que, souvent, on attend d’avoir un « résultat parfait à 100% » avant d’agir, plutôt que de réaliser que, parfois, un « score imparfait » peut suffire si l’on est rationnel et qu’on évalue bien les risques. Si l’on s’assure qu’absolument rien ne posera problème et que tous ceux qui ont une opinion soient unanimes, il devient parfois impossible d’agir, et rien ne se fait. Je crois donc qu’il faut parfois oser aller de l’avant, plutôt que d’attendre l’adéquation parfaite avant de se lancer.

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Je suis d’avis que, malheureusement, il existe une perte de confiance du citoyen à l’égard de la profession et des avocats, et que la situation se dégrade dans une certaine mesure.

Quand on parle d’accessibilité à la justice, on réalise rapidement que chacun veut sa justice pour soi : une justice individuelle. Or, le droit de l’un commence où finit celui de l’autre.

Symptôme de la perte de confiance dans les institutions, on note que le citoyen semble ne plus se reconnaître dans le cursus habituel du système judiciaire. Il cherche donc un moyen pour résoudre son problème. Il faut, cela dit, se rappeler qu’il y a deux parties à un litige et que l’enjeu de la collectivité est aussi important que le droit individuel de chacun de trouver sa propre solution.

Les coûts du système, le manque de prévisibilité du résultat en cas de judiciarisation, les délais et la difficulté de tout comprendre comptent bien sûr parmi les raisons de cette perte de confiance. Même si l’on a accès à de plus en plus d’information, n’oublions pas, aussi, que la véritable éducation passe par bien plus que les médias sociaux…!

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière, même hors des sentiers traditionnels?

Pour réussir, il faut :
  • Croire en qui l’on est, et en ce que l’on veut faire;

  • Être responsable de sa destinée;

  • S’informer sur ce que l’on veut faire, en allant par exemple en milieu de travail pour tester les choses;

  • S’investir et mettre du temps à bâtir son bagage d’expérience, son réseau et son expérience;

  • Ne pas avoir qu’un modèle en tête;

  • Faire preuve d’ouverture pour se permettre de vivre des opportunités différentes et ne pas toujours prendre le chemin classique. Oser l’atypique, en d’autres mots, pour s’exposer à des enjeux et dossiers variés.

  • Être passionné, créatif et innovateur.

  • Faire des choix différents.


  • Les derniers bons livres qu’elle a lus : La sixième extinction (auteur : Elizabeth Kolbert) et Lean In (auteurs : Sheryl Sandberg et Nell Scovell)

  • Sa chanson fétiche : Emmenez-moi (interprète : Charles Aznavour)

  • Ses expressions préférées:« On récolte ce que l’on sème. » Et « Il ne peut qu’y avoir des solutions » (parce qu’il ne suffit que de prendre le temps : il y a toujours un chemin!)

  • Son péché mignon : Le chocolat… à chaque après-midi!

  • Ses restaurants préférés : Chez Lévêque (avenue Laurier, Outremont) et Le Bonaparte (rue Saint-François-Xavier, Montréal)

  • Les pays qu’elle aimerait visiter : l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse…et particulièrement les paysages de montagnes et de fleurs comme une scène de La Mélodie du bonheur!

  • Le personnage historique qu’elle admire : Michelle Obama, pour son authenticité et sa volonté de donner aux autres de façon intègre toute sa vie, et bien avant la présidence de son mari, afin d’aider à bâtir la société.

  • Si elle n’était pas avocate-gestionnaire, elle serait…. Psychologue ou médecin, ou dans un poste de relation d’aide.



Me Nancy J. Trudel est Directrice générale du CAIJ. Elle est responsable de planifier, coordonner et évaluer l’ensemble des activités et des ressources de l’organisation en vue de maintenir un niveau de satisfaction élevé des membres du CAIJ et une utilisation optimale des ressources. Elle dirige également la mise en œuvre des Plans stratégiques et des Plans d’action de l’organisation. Le nouveau plan stratégique du CAIJ 2016-2021 a d’ailleurs été élaboré sous sa direction.

Me Trudel a occupé la fonction de Directrice des Greffes du Barreau du Québec d’août 2006 à mars 2016. Elle a également agi comme chargée de projet dans des dossiers ayant pour objectif d’assurer la mission du Barreau du Québec de protéger le public, entre autres par la mise en place de la ligne Info-Barreau et de l’inscription annuelle des membres. Elle a aussi agi comme formatrice et conférencière dans le cadre du Conseil interprofessionnel du Québec. Avant d’occuper cette fonction, elle a œuvré dans le secteur privé, notamment à la direction d'un cabinet de courtage en assurance de dommages et comme avocate en pratique privée.

Me Trudel est titulaire d’un diplôme en droit de l’Université de Montréal et est membre du Barreau depuis 1997. En 2003, elle a obtenu un double diplôme dans le cadre du programme de MBA pour cadres à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, en partenariat avec l’Université de Paris Dauphine. Elle est membre de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec depuis 2014.
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