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PL 141: « Il était temps », dit un avocat

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Jean-francois Parent

2018-04-25 14:30:00

L’un des acteurs importants de la réglementation au Québec estime cependant que le controversé projet de loi manque de clarté…

Me Éric Stevenson, associé chez Lavery
Me Éric Stevenson, associé chez Lavery
Me Éric Stevenson, associé chez Lavery, a été surintendant de la distribution pendant les cinq dernières années, à l’Autorité des marchés financiers. Il a été auparavant chef de la réglementation et directeur de l’encadrement et de la distribution.

Il fait le point sur les bons—et les moins bons—aspects du projet de révision des lois financières.

À quels besoins répond le projet de loi 141?

En distribution, dont j’ai administré la Loi (NDLR : sur la distribution des produits et services financiers), les mêmes défis des nouveaux modèles d’affaires se présentent depuis longtemps.

Comme la loi ne prévoyait pas une situation précise, dans le marché on se dit « tant pis, je vais faire ça comme ça », ou au contraire on se décide à attendre que la réglementation balise la situation.

Bref, on ne pouvait pas dire clairement comment agir, et cela créait de l’incertitude. Avec pour résultat que plusieurs joueurs ne veulent pas investir tant que les balises ne sont pas claires.

Quels sont les points forts du PL 141?

D’abord, ce n’est pas une mauvaise chose que la Loi sur les assureurs soit révisée. Ne serait-ce que pour la mettre à jour par rapport à ce qu’on constate sur le marché.

Du côté du régulateur, par exemple, nous avions toujours des questions tant des assureurs que représentants qui posaient des questions relatives à de nouveaux modèles d’affaires.

Comment gérer la collecte de données, les nouvelles technologies, tout ce monde avait besoin de savoir comment la réglementation allait s’appliquer dans tel ou tel contexte. Il était plus que temps qu’on ait un projet de loi qui tienne compte de la technologie, comme on le fait pour la vente sur internet.

Cela suscite bien sûr tout un lot de questions, ce que je ne nie pas d’ailleurs.

Quels en sont les points faibles?

Évidemment, toute la question des personnes physiques par rapport aux représentants certifiés.

En distribution, cette confusion a toujours existé; on la voit souvent dans le cas de comptables ou de fiscalistes qui ne savent pas toujours quels types de conseils ils peuvent donner à leurs clients. C’était l’objectif que nous avions quand nous (à l’AMF) avons fait nos recommandations aux ministres.

Par ailleurs, le cadre réglementaire applicable à la distribution doit être clarifié, et c’est avec la réglementation que ce sera fait. Et j’ai des réserves à cet égard.

D’une part, la réglementation de la distribution est un domaine prescriptif : voici ce qu’il faut faire et comment. Et il faut que le règlement soit approuvé par le ministre des Finances.

Or, il ne se passe pas une journée sans qu’on ne lise quelque chose sur le développement de la chaîne de bloc, ou sur de nouvelles pratiques, stratégies ou technologies. Ça va très vite, et j’ai donc une réserve quant à la capacité de la réglementation de se retourner rapidement.

Comme c’est un univers prescriptif, si la règle est trop stricte, ça peut poser problème : on a senti des situations dans le passé où on n’avait pas les outils (réglementaires) pour répondre aux nouveaux modèles d’affaires, voire aux nouveaux joueurs sur le marché.

On a l’impression que le conseil ne sera plus exclusif…

Chez le régulateur, l’objectif de nos recommandations au ministre était de permettre que des conseils généraux soient donnés au client par une personne non certifiée. Par exemple, « il faudrait probablement que tu prennes une assurance, tu devrais aller voir un courtier ».

L’autre aspect de la question, c’est de tenir compte de toutes les fois où quelqu’un est seul face à son ordinateur, en train d’acheter un produit financier, et qu’on se rend compte qu’on ne comprend plus quelque chose. Ou qu’on a un problème technique. Dans ces cas-là, on devrait pouvoir appeler le service à la clientèle.

Ce que je comprends du PL 141, c’est qu’on ne voulait pas avoir un représentant certifié dans ces cas-là.

Mais là, la discussion a mal commencé : j'ai l'impression qu'on a voulu faire un peu faire comme en valeurs mobilières, où l’on peut donner des conseils généraux, du type ‘’tel événement aura un impact sur les taux d’intérêt’’, sans donner de conseil précis.

Mais ce n’était pas le but d’avoir des employés de centre d’appel qui donnent des conseils sur les produits.

Est-ce qu’on ne confond pas assurance sur internet et distribution sans représentant?

La distribution sans représentant porte sur la vente d’un produit accessoire à un produit principal. Et pour ça, pas besoin de représentant certifié. C’est bien sûr un marché important, mais il reste que c’est une exception inscrite très loin dans un article d’un règlement qui parle de certification et de conseils, et ça ne vise donc pas le produit vendu en marge du produit principal, comme l’assurance remboursement d’un prêt automobile.

On n’est pas en train de penser à de l’assurance quand on achète une auto, ce qui n’est pas le cas quand on achète de l’assurance, justement.

Une fois que cela est dit, la clé c'est l'information fournie au client et les pratiques de vente.

Parlant d’information aux clients, il est notoire que celle fournie en assurance relève bien plus du jargon juridique que d’un souci d’informer.

Depuis les consultations menées en 2010 sur les guides de distribution d’assurance, on remarque certainement un plus grand effort des assureurs pour s’attaquer à ce problème.

Du côté réglementaire, il était clair de notre point de vue qu'on doit s’inspirer davantage, en assurance, de l'approche en valeurs mobilières : avec l’aperçu du fonds notamment, on a rapidement les données importantes relatives à un produit, avec le concept de la divulgation au point de vente (point-of-sale).

On voulait amener l’industrie à cheminer vers là. Cela soulève des enjeux pour l’industrie, notamment sur les façons de tirer un document d’information d’un contrat, mais je constate que les assureurs sont assez réceptifs à revoir leurs façons de faire.
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