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Valeurs mobilières : beaucoup de bruit pour rien!

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Jean-francois Parent

2018-11-13 13:00:00

Ottawa voulait réglementer les valeurs mobilières mais ne pourra que proposer aux provinces de le faire elles-mêmes… comme cela se fait déjà.

François LeBel a toujours exercé sa profession chez Langlois Avocats
François LeBel a toujours exercé sa profession chez Langlois Avocats
Depuis 1980 qu’il tente de centraliser la réglementation en valeurs mobilières, le gouvernement fédéral vient de remporter une victoire à la Pyrrhus.

Oui, son projet de régime coopératif de réglementation des valeurs mobilières a enfin reçu l’aval du plus haut tribunal du pays.

Mais le projet original est tellement édulcoré qu’il consacre pratiquement le régime actuel de passeport. On confirme cependant une prérogative fédérale de gérer le risque systémique et de le légiférer.

En effet, au sujet du régime coopératif, la Cour suprême écrit qu’il « appartient aux provinces de décider s’il est dans leur intérêt d’y participer. Le présent avis consultatif ne prend pas en considération bon nombre des difficultés politiques et pratiques liées à ce régime coopératif, et particulièrement celles qui peuvent se présenter si une juridiction participante décide de se retirer à une date ultérieure ».

En Cour suprême, Québec était représenté par ses procureurs Francis Demers et Jean‑François Beaupré, de Bernard, Roy. Leurs vis-à-vis, pour le Canada, étaient Robert J. Frater et Alexander Pless.

Du côté québécois, les avocats de Langlois François LeBel et Annie Gallant, représentaient l’intervenant l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques.

Quant à l’intervenant Barreau du Québec, ce sont Raymond Doray et Guillaume Laberge, de Lavery, qui plaidaient pour son compte.

Une saga qui dure

Me Annie Gallant, elle aussi chez Langlois
Me Annie Gallant, elle aussi chez Langlois
Lorsque la Cour suprême se penche sur le dossier d’un régulateur national, en 2011, elle renvoie Ottawa à la planche à dessin. Rapports après rapports, certains datant de l’entre-deux-guerres, préconisent la mise en place d’un régime fédéral de réglementation des valeurs mobilières.

Mais voilà, les deux piliers du projet empiètent sur l’indépendance législative des provinces : le commerce, comme celui des valeurs mobilières, et de compétence provinciale, et les législatures provinciales, tout comme l’Assemblée nationale au Québec, sont libres de légiférer comme elles l’entendent les domaines qui sont de leur ressort.

Défaite fédérale

Me Raymond Doray, du cabinet Lavery
Me Raymond Doray, du cabinet Lavery
La première mouture de la proposition fait à l’époque par feu Jim Flaherty est donc jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême.

Elle sera resservie sous une forme beaucoup moins pimentée : on propose plutôt aux provinces de se joindre de façon volontaire à une « Autorité » qui proposera des lois et des règlements que chaque province pourra, ou non adopter ou modifier.

Pendant ce temps, les provinces dissidentes comme l’Alberta et le Québec mettent en place leur propre régime coopératif, sous la forme d’un passeport en valeurs mobilières. Les régulateurs de chaque province s’entendent sur un train de mesures qu’elles appliqueront de concert.

Un régime coopératif

Guillaume Laberge, également chez Lavery
Guillaume Laberge, également chez Lavery
C’est un régime coopératif, qui mise sur le volontariat des provinces pour fonctionner, et dont les décisions doivent être passées au filtre des compétences législatives provinciales.

Pendant ce temps, Ottawa renouvelle sa proposition en 2012, proposant de ne réglementer que les questions d’intérêt national, comme la gestion du risque systémique et la lutte aux crimes financiers.

Rien n’y fait, le Québec et l’Alberta ne sont toujours pas d’accord, et proposent de passer le projet au crible juridique.

La Cour d’appel du Québec donne raison aux provinces dissidentes en 2017 en déclarant le nouveau projet d’Ottawa inconstitutionnel.

C’est cette décision que la Cour suprême a cassé le 9 novembre dernier

Les provinces décident

D’abord, la Cour suprême estime que l’Autorité nationale en question, sous sa nouvelle forme, ne pourrait tout simplement pas « obliger les législatures dans leur territoire respectif à mettre en œuvre les modifications dictées par le Conseil des ministres ou de les empêcher de modifier leurs propres lois sur les valeurs mobilières sans l’approbation du Conseil des ministres ».

Bref, tout est décidé en dernier ressort par les élus provinciaux.

Ottawa ne pourra que proposer aux provinces de réglementer. « Le régime coopératif n’impose aucune limite juridique au pouvoir législatif des provinces participantes », remarque la Cour suprême.

Bref, on semble consacrer le régime de passeport déjà en œuvre, en lui accolant un grand frère, le régime coopératif.

Nouvelle obligation

Cela étant, Ottawa peut quand même réglementer ce qui ressort des ses compétences, soit le risque systémique et le crime financier.

Sur la question des risques systémiques par exemple, « les pouvoirs de réglementation autorisés par l’ébauche de la loi fédérale n’entrent en jeu que lorsque de telles menaces peuvent de manière prévisible nuire aux intérêts économiques nationaux ».

La Cour suprême estime ainsi, suivant le cadre élaboré dans l’arrêt General Motors, que le « maintien des marchés des capitaux pour nourrir l’économie canadienne et assurer la stabilité financière du pays est un aspect de la réglementation des valeurs mobilières qui pourrait relever de la compétence générale en matière de trafic et de commerce ».

Et c’est là la nouveauté : « Le fait qu’une province puisse choisir de ne pas adhérer au régime coopératif ou de se retirer d’un tel régime pourrait sérieusement nuire à la capacité du régime de protéger l’économie canadienne contre le risque systémique », et la Cour estime donc que sur ce plan précis, Ottawa peut très bien légiférer.
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3 commentaires

  1. DSG
    Who are they kidding?
    The AMF is toast. Just a matter of time before everything will be regulated out of Toronto.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 5 ans
    dommage que le Qc refuse
    « Le fait qu’une province puisse choisir de ne pas adhérer au régime coopératif ou de se retirer d’un tel régime pourrait sérieusement nuire à la capacité du régime de protéger l’économie canadienne contre le risque systémique », et la Cour estime donc que sur ce plan précis, Ottawa peut très bien légiférer.
    Excellent passage de la Cour Supreme. Je ne comprends pas le Quebec que le Quebec ne veuille pas y adherer. Protection des jobs- blabla- ce n'est pas vrai. Il va y avoir des bureaux dans chaque provinces comme Jim Flaherty l'a indiqué. c'est juste les decisions qui vont se faire ensemble. Les valeurs mobilieres c'est different du commerce au detail ou business autre. C'est deja largement calqué sur les ÉU- donc ça revient à un combat de coq en haut. Evidemment les "big cheese" ne veulent pas lâcher leur pouvoir.

  3. Urbain
    Urbain
    il y a 5 ans
    Jugement politique
    Normal qu'une province nationaliste ne veule pas perdre de compétence. L'AMF c'est comme un siège social. Faut être aveugle pour penser que le Québec va avoir sa part du gâteau. Les vraies jobs payantes et le pouvoir va s'en aller à Toronto. Ha oui, et bye bye français.

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