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Un avocat se fait saisir son téléphone!

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Radio -canada

2019-05-06 14:40:00

Par respect pour le secret professionnel, le juriste a refusé de donner ses mots de passe à la frontière…

L'avocat Nick Wright a été inspecté à l'aéroport Pearson; on lui a confisqué son téléphone et son ordinateur après qu'il eut refusé de dévoiler ses mots de passe. Photo: CBC
L'avocat Nick Wright a été inspecté à l'aéroport Pearson; on lui a confisqué son téléphone et son ordinateur après qu'il eut refusé de dévoiler ses mots de passe. Photo: CBC
Passer la frontière avec son téléphone intelligent est devenu banal, et de plus en plus de voyageurs transportent leur ordinateur portable.

Mais nombreux sont ceux qui ignorent le droit absolu des agents frontaliers de fouiller les appareils électroniques – sans mandat – et de demander le mot de passe. Ce qui ne fait pas l'affaire de tous.

Nick Wright, un avocat de Toronto, l’a appris à ses dépens, lorsque le 10 avril un douanier a confisqué son téléphone et son ordinateur portable, parce qu’il refusait de lui donner les codes permettant de les déverrouiller.

M. Wright revenait d’un voyage de quatre mois au Guatemala et en Colombie, où il avait étudié la langue espagnole tout en travaillant à distance. À l’aéroport Pearson, il a subi une inspection supplémentaire de ses bagages, ce à quoi il ne s’est pas opposé.

Il a toutefois refusé de divulguer les mots de passe de ses appareils, alléguant qu’ils contenaient des informations confidentielles protégées par le secret professionnel.

L’agent frontalier a alors expliqué que les appareils seraient expédiés dans un laboratoire du gouvernement, où l’on tenterait de déchiffrer les précieux codes afin d’inspecter les fichiers numériques.

M. Wright attend toujours le retour de ses appareils. Il a dû s’en acheter de nouveau, pour plus de 3000 $. « La politique est scandaleuse. Je pense que c'est une violation de nos droits constitutionnels », a-t-il déclaré.

Les douaniers dans leur droit

Les douaniers ont le droit de fouiller les appareils électroniques, indique l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), s’ils cherchent des éléments de preuve d’infraction douanière, et ce, sans mandat, comme ils le font pour les bagages.

L’ASFC ajoute qu’il est tout à fait légal pour un agent de saisir les appareils si le voyageur refuse de donner ses mots de passe.

D’ailleurs, entre novembre 2017 et mars 2019, plus de 19 500 voyageurs ont subi l’inspection de leurs appareils numériques. Dans 38 % des cas, les douaniers ont découvert une infraction.

Les lois régissant les recherches des bagages existent depuis des décennies, mais leur application aux appareils numériques suscite l’inquiétude, alors que de nombreux voyageurs transportent avec eux des données sensibles.

Des avocats de partout au Canada soutiennent que les perquisitions de tels appareils sont inconstitutionnelles, et qu’elles devraient cesser, ou du moins être limitées.

« La politique de l’ASFC pour l'inspection d’appareils n’est pas justifiable dans une société libre et démocratique », dit pour sa part M. Wright.

« C'est épouvantable, c'est choquant et j'espère que le gouvernement, les agences gouvernementales, les tribunaux et les citoyens s'informeront et agiront » a déclaré Nick Wright.

Faire pression sur le gouvernement

Le groupe de défense des consommateurs OpenMedia agit déjà. Il a lancé une campagne publicitaire pour sensibiliser le public aux recherches numériques à la frontière et faire pression sur le gouvernement fédéral afin qu’il mette à jour les règles qui les encadrent.

« Ces lois sont vraiment obsolètes, dit Victoria Henry, une militante d’OpenMedia. Ils traitent nos appareils numériques comme si ce n’était que de simples marchandises, comme des t-shirts.

Mme Henry souhaite que des règles distinctes régissent les appareils numériques et que des motifs raisonnables justifiant une inspection soient établis. Les règles doivent être claires pour le public, ajoute-t-elle.

Des fouilles encadrées, dit le ministère

Le gouvernement fédéral estime que ses politiques actuelles sont déjà tout à fait raisonnables et qu’elles sont nécessaires pour assurer la sécurité des frontières canadiennes.

Lorsqu’ils procèdent à une inspection, les agents sont tenus de désactiver la connexion Internet et d’examiner uniquement le contenu déjà stocké sur le périphérique, indique Scott Bardsley, porte-parole du ministère de la Sécurité publique.

Les recherches « ne devraient pas être courantes, ajoute M. Bardsley. Les agents ne peuvent effectuer une recherche que s’il y a des indices permettant de croire que des preuves d’infraction peuvent être trouvées sur l’appareil. »

Selon Nick Wright, aucune justification ne lui a été fournie quant à la nécessité d’examiner son téléphone et son ordinateur.

Les agents de l’ASFC comprennent l’importance du secret professionnel entre un avocat et son client, estime Scott Bardsley, du ministère de la Sécurité publique. Ils ont pour instruction de ne pas examiner les documents entrant dans cette catégorie, ajoute-t-il.

« Les agents de l'ASFC sont formés pour mener tous les examens à la frontière avec le plus grand respect possible de la vie privée », a déclaré M. Bardsley.

Les voyageurs peuvent soumettre une plainte à l’ASFC s’ils ont un problème, ajoute M. Bardsley. Ce qu’a fait M. Wright. Il exige la restitution immédiate de ses appareils, ainsi qu’un dédommagement pour leur remplacement temporaire.
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