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Un ex-juge se fait taper sur les doigts!

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éric Martel

2019-05-29 15:00:00

Blâmé par le Conseil de la magistrature, le Québécois a tenu des propos «tendancieux» et «inappropriés» en Cour...

L’ex-juge Jean-Paul Braun blâmé par le Conseil de la magistrature.
L’ex-juge Jean-Paul Braun blâmé par le Conseil de la magistrature.
L’ex-juge Jean-Paul Braun « a manqué à ses obligations déontologiques, plus particulièrement à son devoir de remplir son rôle avec intégrité, dignité et honneur, ainsi qu’à son droit de réserve. »

C’est ce qu’on peut lire dans une décision du Conseil de la magistrature, récemment rendue publique.

Les réprimandes concernent les commentaires que le juge Braun a tenu à l’égard d’une victime d’agression sexuelle, en 2017, dans le cadre d’un procès. Il avait alors commenté son « surpoids » ainsi que son attitude de « fleur bleue ».

Quatorze citoyens avaient porté plainte à ce sujet, qualifiant ses propos de « rétrogrades », « dégradants », « insultants », « sexistes » et « inacceptables », tel qu’on peut le lire dans la décision.

Désignant son comportement d’inacceptable, la ministre de la Justice Stéphanie Vallée avait ordonné au Conseil de la magistrature de lancer une enquête.

Stéphanie Vallée, alors ministre de la Justice.
Stéphanie Vallée, alors ministre de la Justice.
Après s’être désisté de l’affaire, le magistrat avait annoncé sa retraite.

Selon La Presse, l’ex-juge a demandé l’annulation de la décision du Conseil de la magistrature à la Cour supérieure du Québec.

Notons également que si le Conseil a estimé « indigne d’un juge » les propos de Me Braun, il a également souligné dans sa décision l’attitude « courtoise » et « bienveillante » du juge envers la victime durant le procès.

Propos controversés

Les évènements se sont déroulés en mai 2017, au cours du procès de Carlo Figaro, un chauffeur de taxi accusé d’agression sexuelle. Il a été déclaré coupable d’avoir léché le visage de sa victime, une mineure, en plus de lui toucher la poitrine.

Une fois la présentation de la preuve terminée, le juge Braun échangeait avec les avocats. Il s’est alors prononcé sur le physique de la victime.

« On peut dire qu’il y a un peu de surpoids, mais qu’il y a un joli visage, hein, qui paraît bien, polie », a-t-il dit, selon le jugement du Conseil de la magistrature.

Le juge s’est aussi étonné lorsqu’il a appris que le chauffeur de taxi avait fréquenté le café dans lequel travaillait la victime pendant six mois, sans remarquer sa présence.

« C’est assez incompréhensible et incroyable, surtout en prenant considération le physique particulier de (...) qui est assez abondant et, je le répète, elle a une très jolie figure. »

Le Conseil de la magistrature a déterminé qu’il n’était pas approprié pour un juge présidant un procès d’agression sexuelle de commenter le physique de sa victime, « même pour exprimer ce qui s’apparente à un compliment. » Ainsi, Jean-Paul Braun aurait « manqué à son devoir de réserve », peut-on lire dans le jugement.

Hypothèses stéréotypées

Le Conseil de la magistrature a également relevé que l’ancien juge a « utilisé à plusieurs reprises des suppositions fondées sur des perceptions et des hypothèses stéréotypées. » Il est « consternant », écrit-on, que le magistrat ait eu recours au « mythe de la jeune fille innocente et fleur bleue. »

Le Conseil estime que l’utilisation pour le juge d’un tel mythe est d’autant plus répréhensible qu’il accrédite l’idée que l’imaginaire romantique présumée de la victime la prédisposait à être consentante et disponible pour une aventure amoureuse en de pareilles circonstances, dans une certaine limite que l’accusé a toutefois dépassée.

« Est-ce qu'on a besoin d'un consentement express pour, quand on se regarde, s'embrasser ? (...) Est-ce que c'est vraiment sexuel d'embrasser quelqu'un ? », s’était également questionné le juge.

« Il y a une grosse différence entre obtenir un consentement pour embrasser (...) quelqu’un et après ça faire d’autres gestes », avait-il poursuivi.

Également, le juge Braun avait lancé l’hypothèse que la jeune fille était flattée qu’un homme s’intéresse à elle. « Elle n'a pas 14 ans là, elle n'a pas 10 ans », avait-il déclaré.

En se mettant à la place de l’adolescente, il s’était alors livré à un monologue truffé de suppositions.

« C'est-tu ça, un homme ? C'est-tu ça, avec une relation ? C'est-tu ça, avec un boyfriend ? Un gars qui nous embrasse qu'on connaît à peine, et il commence à nous toucher tout partout, pis dans les fesses, pis c'est-tu ça ? C'tu ça ? C'tu ça, maman ? C'tu ça, avoir une relation avec un gars ? C'est ça qui est arrivé. »

Le Conseil de la magistrature a statué que le recours à des mythes discrédités et à des hypothèses stéréotypées a un effet pernicieux, qui « contribue à dénaturer les questions en litige. »

Il estime donc que l’ex-juge a couru le risque de compromettre son impartialité, et de porter atteinte à la dignité de sa fonction.

Une décision qui compromet la « capacité des juges »

Le juge retraité exige l’annulation de la décision du Conseil de la Magistrature, selon La Presse.

Il souligne que le comité a commis une dizaine d’erreurs dans sa demande de contrôle judiciaire. À ses yeux, la décision pourrait « compromettre la capacité des juges » lors des procès d’agression sexuelle « d'explorer librement » le comportement des participants.

L’ex-juge Braun a siégé pendant plusieurs années à la Chambre de la jeunesse avant d’être assigné à la Chambre criminelle de la Cour du Québec.

Droit-inc n’a pas pu s’entretenir avec Me Braun.





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