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Coronavirus : se préparer au pire en espérant le mieux

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Marie-hélène Jetté Et Philippe Bélisle

2020-02-03 11:15:00

Deux avocats se penchent sur les dispositions qui devraient être prises par les entreprises en lien avec le nouveau virus qui inquiète la planète...

Mes Marie-Hélène Jetté et Philippe Bélisle se penchent sur le cas du coronavirus. Photos : Shutterstock et site Web de Langlois
Mes Marie-Hélène Jetté et Philippe Bélisle se penchent sur le cas du coronavirus. Photos : Shutterstock et site Web de Langlois
Depuis son apparition en décembre 2019, les médias nous informent quotidiennement de l’évolution de la situation quant au nouveau coronavirus s’étant développé dans la ville de Wuhan en Chine. En date du 27 janvier 2020, le premier cas de contamination au Canada a été confirmé.

L’Organisation mondiale de la santé suit les développements de près, tout comme les autorités de santé publique au pays. Bien qu’il n’y ait pas lieu de paniquer, les employeurs ont tout intérêt à se préparer à faire face à une situation exceptionnelle. En effet, les experts s’entendent pour dire que même si cela ne sera pas nécessairement le cas cette fois-ci, les risques d’une éventuelle pandémie sont bien réels. Voici donc quelques pistes de réflexion pour aider les entreprises québécoises et canadiennes à voir venir les coups.

Les absences

Une pandémie aura comme conséquence première d’augmenter de façon significative le taux d’absentéisme dans les entreprises. En fait, un employeur peut s’attendre à devoir gérer plusieurs types d’absences pendant une telle période. Le premier type sera le fait des employés infectés par le virus. Ces personnes seront invitées par les messages de la santé publique à demeurer à la maison. Il y aura aussi les employés qui devront prendre soin d’un membre de la famille immédiate et qui ne pourront se présenter au travail. Ensuite : les employés qui seront en quarantaine parce qu’ils auront été en contact avec des individus atteints de la maladie. Cet isolement peut être déclenché par l’employeur pour limiter les risques de contamination ou par le médecin dans le cadre d’un protocole médical. Un autre type d’absence concerne les employés qui refuseront de se présenter au travail par peur d’y être contaminés ou dans leurs déplacements (transport public) pour s’y rendre. Également, certains employés seront absents à la suite d’un retrait préventif dû à une condition médicale précaire ou une grossesse et parce que le milieu de travail représente un risque élevé pour eux.

Refus de travailler

Il est possible que certains employés exercent le droit de refus prévu à la législation en matière de santé et de sécurité, selon lequel un employé qui a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de son travail comporte un risque pour sa santé a le droit de refuser de continuer à travailler.

Toutefois, aucune directive n’a été émise à ce jour par la Direction de la santé publique. Si, comme par le passé, on considère qu’un employeur qui a mis en place les recommandations éventuellement suggérées par un organisme comme Urgence Québec a pris les mesures nécessaires pour réduire le risque au maximum pour ses travailleurs, le droit de refus ne sera pas applicable. Il restera à voir comment la CNESST, qui est chargée de gérer l’exercice du droit de refus réagira. Quoi qu’il en soit, cela devrait inciter les employeurs à mettre en place les mesures de prévention et de gestion éventuellement suggérées.

Droits de la personne

La Charte des droits et libertés de la personne prévoit que nul ne peut exercer de discrimination dans les conditions de travail d’une personne. Le handicap constitue un des motifs de discrimination interdits. De manière générale, un rhume ou une grippe ordinaire ne sont pas considérés comme un handicap dans le contexte de la Charte. Par contre, lors d’une pandémie, le fait d’être infecté d’un virus pourrait l’être. Il importe donc de garder les questions de droits de la personne à l’esprit dans l’élaboration des plans de continuité des affaires ou encore lorsqu’on requiert que certains employés « à risque » ne se présentent pas au travail.

Vie privée vs santé et sécurité

La question de l’accès aux informations médicales des employés pour des absences de courte durée fait toujours couler beaucoup d’encre. En général, à moins de circonstances particulières (par exemple, en cas d’absences abusives ou douteuses), l’accès à ces informations est limité. Par contre, en cas de pandémie, un employeur doit pouvoir poser des questions précises aux employés afin de minimiser les risques.

En effet, la législation en matière de santé et sécurité du travail de même que le Code civil indiquent clairement qu’un employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de ses employés. Pour ce faire, les gestionnaires devront bien connaître les symptômes du virus et questionner tout employé qui s’absente sur la présence de ces symptômes – il en va de la protection des autres employés.

Il est par ailleurs admis qu’imposer aux employés de se faire vacciner (en supposant qu’un vaccin efficace existe ou soit développé) n’est pas possible. En revanche, par exemple lorsqu’un employé revient d’un voyage effectué dans une région à risque, il pourrait être justifié d’exiger qu’il se soumette à un protocole de quarantaine avant de pouvoir physiquement réintégrer le milieu de travail s’il n’a pas voulu se faire vacciner.

Prévention

Plusieurs mesures de prévention existent afin de limiter la contagion dans les milieux de travail. En voici quelques-unes :
  • La vaccination (si possible);

  • Rappel des règles d’hygiène de base :

  • se laver les mains;

  • tousser dans le pli du coude;

  • Distribution de produits antiseptiques;

  • Désinfection des postes de travail utilisés par plusieurs personnes ainsi que des zones de grande affluence;

  • Repousser les voyages d’affaires en encourageant les téléconférences.


Il s’agit donc pour les employeurs de prendre les moyens les plus adaptés à leur réalité qui aideront à limiter les risques de propagation.

Opérations (plan de continuité des affaires)

Les risques de pandémie des années passées (pensons au SRAS ou à la grippe H1N1) ont fait en sorte que plusieurs entreprises se sont dotées d’un plan de continuité des affaires. L’occasion peut être bonne pour réviser ces plans et les ajuster au besoin.

Au minimum, des considérations telles que les besoins en ressources humaines, matérielles et financières doivent être prises en compte. De plus, l’identification des opérations qui peuvent être complètement arrêtées et des partenaires d’affaires qui en seront affectés est primordiale.

Conclusion

Quoi qu’il advienne de ce nouveau coronavirus, les entreprises ont tout intérêt à se préparer à ce genre de situation parce qu’il est certain que l’histoire va se répéter. Dans un contexte où les déplacements à l’international sont facilités et toujours plus nombreux, les risques d’une véritable pandémie ne sont plus que de simples scénarios de science-fiction.

Ce billet a été écrit par Me Marie-Hélène Jetté, CRHA, avocate associée et responsable du groupe de droit du travail et de l’emploi chez Langlois avocats et par Me Philippe Bélisle, CRHA, avocat au sein de ce groupe.

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