Karim Renno

Au tiers de choisir s’il veut invoquer le contrat apparent ou la contre-lettre

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Karim Renno

2020-03-27 10:15:00

Contrairement à ce que plusieurs personnes peuvent penser, il n'y a rien de fondamentalement illicite à convenir d'une contre-lettre, explique Me Karim Renno...

Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc
Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc
En fait, les articles 1451 et 1452 C.c.Q. en prévoient expressément la possibilité. Cela ne veut pas dire cependant qu'un tel procédé soit sans risque, puisqu'on ne peut opposer une contre-lettre à un tiers. C'est ce que rappelle l'Honorable juge Louis-Paul Cullen dans Fournier c. Pelletier (2020 QCCS 984).

Dans cette affaire, le Demandeur s'adresse à la Cour pour mettre fin à l'indivision pour un immeuble dont il est copropriétaire avec le Défendeur en vertu du droit de retrait prévu à l'article 1022 C.c.Q. Le Défendeur conteste cette demande et réclame une indemnité en raison de l’occupation exclusive de cet immeuble par le Demandeur.

L'exercice du droit de retrait prévu à l'article 1022 C.c.Q. nécessite la détermination du prix payé par le Défendeur pour sa part. Le Demandeur se base sur l'acte notarié qui constate l'achat par le Défendeur de sa part.

Le Défendeur invoque cependant une contre-lettre et plaide que l'acte notarié ne reflète pas le véritable prix d'achat. La question se pose donc de savoir si le Défendeur peut opposer cette contre-lettre.

Se basant sur l'article 1452 C.c.Q., le juge Cullen indique que le Défendeur ne peut opposer la contre-lettre au Demandeur, qui n'y est pas partie. Ce dernier peut choisir d'invoquer le contrat apparent ou la contre-lettre:

(215) Le contrat notarié P-2 constate une vente.

(…)

(218) Les déclarations des parties relativement au prix se rapportent directement à cet acte juridique.

(219) Le défendeur n’a pas procédé par inscription de faux. Il n’est pas admis à soutenir à l’encontre d’une personne n’ayant pas signé ce contrat – tel le demandeur - que son contenu n’est pas conforme à la réalité.

(220) Puisque madame Labonté confirme expressément dans le contrat notarié P-2 qu’elle a déjà reçu le prix de la vente ainsi que les autres bonnes et valables considérations convenues et qu’elle consent en faveur du défendeur une « quittance totale et finale » à cet égard, ce dernier ne peut exiger du demandeur le remboursement d’un prix de vente supérieur à ce que le contrat P-2 indique.

(221) De plus, le défendeur ne peut opposer au demandeur une contre-lettre (P-8, p. 4 et D-1, p. 1) à laquelle le demandeur n’est pas partie.

(222) Par conséquent, le défendeur n’est pas admis à prétendre qu’il a payé plus de 15 000 $ pour acheter sa moitié de l’Immeuble.

Sur l’auteur

Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc. Il est le fondateur et rédacteur en chef du Blogue À bon droit où il publie régulièrement des billets de jurisprudence. Durant la crise que nous traversons, il partagera ses réflexions avec les lecteurs de Droit-inc.com sur un sujet d'actualité juridique.
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3 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 4 ans
    Et il vaut la peine d'ajouter que....
    Depuis 2019 Revenu Québec (qui n'est pas un tiers au sens du C.c.Q. au moment de l'établissement d'une cotisation) a annoncé une future obligation (qui sera rétroactive, comme c'est l'usage en matière fiscale) des contrats de prête-nom (qui intervienent assez fréquemment derrière les actes apparents), afin de faire obstacle à certaines planifications fiscales (généralement des planifications bas de gamme faites par des joblos, car la crême de la crême des planificateurs évite habituellement d'employer trop directement ce genre d'outil).

  2. confrère
    confrère
    il y a 4 ans
    le retour de Karim
    Voici enfin que se fait sentir un effet positif de la crise du COVID-19: le retour actif de Karim sur son excellent blogue. Tu nous manquait!

    • Karim
      Karim
      il y a 4 ans
      re: le retour de Karim
      C'est très gentil, merci

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