Covid-19

Subvention salariale de 75 % : une catastrophe pour les entreprises en croissance

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Alexandre Dufresne

2020-04-03 14:15:00

La subvention salariale de 75% annoncée par le fédéral est une catastrophe pour les entreprises en croissance, estime un avocat. Voici pourquoi...

Me Alexandre Dufresne  est le fondateur et associé  du cabinet Verreau Dufresne Avocats
Me Alexandre Dufresne est le fondateur et associé du cabinet Verreau Dufresne Avocats
Dans le contexte du COVID-19, le gouvernement du Canada annonçait, ce 1er avril 2020, les détails de sa subvention salariale de 75% aux entreprises canadiennes. Une véritable catastrophe pour les entrepreneurs et pour l’économie.

Les conditions de la subvention

Afin de favoriser le maintien des emplois, le gouvernement fédéral a annoncé dans les derniers jours qu’il subventionnera une portion des salaires des employés des entreprises canadiennes.

Jusqu’ici, les conditions connues de ladite subvention étaient les suivantes :

Le gouvernement fédéral subventionnera, pour une durée de 12 semaines (du 15 mars au 6 juin 2020), 75% des salaires des employés, jusqu’à concurrence de 847$/semaine/employé.

Une entreprise devra avoir subi une baisse de revenus d’au moins 30 % pour pouvoir bénéficier de cette subvention.

La mesure sera rétroactive au 15 mars 2020.

La mesure sera accessible aux entreprises de toutes tailles, ainsi qu’aux organismes à but non lucratif et aux organismes de bienfaisance enregistrés.

Le 1er avril 2020, le gouvernement annonçait quatre nouvelles conditions :

Les fonds de la subvention seront disponibles dans un délai de 6 semaines.

Les demandes de subvention se feront via un portail web qui sera lancé prochainement.

L’admissibilité des entreprises à la subvention sera déterminée mensuellement et devra faire l’objet d’une nouvelle demande, à chaque mois.

La perte de revenus de 30 % sera calculée en comparant les revenus d’un mois de l’année 2020 avec son mois homologue en 2019.

Le calcul de la baisse de revenus

Tel que mentionné, les entreprises doivent connaître une baisse de revenus bruts d’au moins 30 % pour bénéficier de la subvention. Jusqu’ici louable, c’est précisément à ce niveau que l’objectif de la subvention est anéanti.

La mesure annoncée le 1er avril 2020 par le gouvernement fédéral propose de comparer les revenus d’un mois de l’année 2020 avec son mois homologue en 2019.

À titre d’exemple, les revenus mensuels bruts de mars 2020 doivent être de 30% inférieurs à ceux de mars 2019 pour que l’entreprise soit admissible à la subvention pour le mois de mars, et ainsi de suite pour les mois subséquents.

Une catastrophe pour les startups et les entreprises en croissance

Notre avis : la méthode de calcul proposée par le gouvernement fédéral pour calculer la baisse de revenus désavantagera assurément les startups et entreprises en croissance du Canada.

Illustrons à l’aide d’un exemple.

Au mois de mars 2019, l’entreprise canadienne ABC inc. générait un revenu brut mensuel de 100 000 $ et assumait en contrepartie 75 000 $ de dépenses mensuelles (salaires, loyer, publicité, frais technologiques, etc.).

En 2020, l’entreprise ABC inc. connaît une croissance de 100 % et génère désormais des revenus mensuels bruts de 200 000 $, en contrepartie des dépenses mensuelles de 150 000$.

En mars 2020, la crise du COVID-19 sévit. L’entreprise subit une réduction de 50 % de ses revenus mensuels bruts et génère seulement des ventes 100 000 $. Les dépenses de l’entreprise, elles, demeurent les mêmes (150 000$/mois). La situation est catastrophique pour l’entreprise et cette dernière doit procéder à des mises à pied.

Malgré la gravité de la situation, ABC inc. sera inadmissible à la subvention. Conformément aux critères d’admissibilité, l’entreprise doit avoir subi une réduction de ses revenus d’au moins 30 % entre mars 2020 et mars 2019. Or, les revenus de mars 2020 et ceux de mars 2019 sont identiques (100 000 $, dans les deux cas). La croissance vécue par l’entreprise de 2019 à 2020 s’avère donc extrêmement pénalisante pour l’entreprise.

Autrement dit, pour avoir droit à la subvention, il aurait fallu que les revenus d’ABC inc. pour le mois de mars 2020 chutent de 200 000 $ à 70 000 $ (baisse réelle de 65 % des revenus). C’est uniquement dans un tel cas que la baisse de revenus aurait atteint le seuil de 30 %, lorsque l’on compare mars 2020 (70 000 $) à mars 2019 (100 000 $).

L’entreprise ABC inc. sera donc doublement pénalisée par la crise du COVID-19. Non seulement aura-t-elle subi des pertes financières, mais elle aura également été désavantagée par rapport à ses concurrents qui n’auront pas connu de croissance de 2019 à 2020 et qui auront pu bénéficier de la subvention.

Le résultat est inacceptable

La conclusion qu’il faut tirer de cette subvention ? Les entreprises stagnantes sont protégées et les entreprises proactives ayant pris des risques et investi dans leur croissance en 2019-2020 sont laissées pour compte.

Rappelons par ailleurs que les entreprises en croissance ne sont généralement pas celles dont les coffres débordent. En effet, ces entreprises réinvestissent constamment leurs ressources afin d’augmenter leurs revenus futurs. Leur équilibre financier est donc souvent plus fragile que les entreprises stables ou stagnantes et elles ont actuellement besoin plus que quiconque de l’aide gouvernementale.

Les mesures du gouvernement sont donc inconciliables avec l’intention annoncée d’aider l’ensemble des entreprises ayant subi une perte de chiffre d’affaires de 30%. Les mesures présentées le 1er avril 2020 ratent non seulement la cible d’assurer une réintégration massive à l’emploi, mais elles risquent également de mettre en péril la majorité des entreprises ayant connu une forte croissance depuis 2019.

Espérons donc que des modifications aux critères d’admissibilité seront annoncées incessamment afin de corriger le déséquilibre créé par cette mesure.

En attendant, les startups et entreprises en croissance devront se tourner vers les mesures de travail partagé de l’assurance-emploi (régime non rétroactif et qui implique un délai d’attente minimal de 30 jours) et vers la subvention salariale de 10 % précédemment annoncée. Malheureusement, vous l’aurez compris, ces régimes alternatifs n’arrivent pas à la cheville de la subvention salariale de 75 %.

Sur l’auteur

Me Alexandre Dufresne est le fondateur et associé du cabinet Verreau Dufresne Avocats. Au quotidien, il veille à l'amélioration continue de l'entreprise et oriente la philosophie du cabinet vers l’innovation technologique de la pratique juridique.
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14 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Startup
    Tout à fait d'accord. Les startups ont été complètement oubliés par ces mesures. Espérons que le gouvernement va réviser les critères d'admissibilités.

  2. Felipe
    Felipe
    il y a 3 ans
    Très juste
    Je partage l'analyse de Me Dufresne. L'amateurisme du premier ministre Trudeau est sans limite. 70 milliards. Juste comme ça. Et la mesure n'est pas représentative de la situation actuelle.

    Comparer le mois de 2020 avec celui de 2019? Qu'en est-il si je suis un bureau d'avocats qui est passé de 200 avocats à 100 avocats durant cette période. Dans mon ménage j'ai "clearé" les avocats non productifs et coupé du personnel de soutien. J'ai donc augmenté ma productivité et mon profit par associé. Mon chiffre d'affaires (calculé, je présume, sur les honoraires facturés, mais ça on ne le sait même pas encore car les critères sont flous!), a baissé de 31% durant cette période. Bingo! Je me qualifie! Amène-la ta subvention!

    Prenons l'inverse, avec un bureau qui passe de 100 à 200 durant la même période. Pas de chance, Justin ne vous aime pas.

    Gaspillage éhonté de fonds publics. Mesures improvisées en temps de crise. Et Justin voulait des pouvoirs accrus de jouer avec nos impôts pendant deux ans...

  3. Pierre G
    Pierre G
    il y a 3 ans
    On oublie les entreprises fermées
    Bonjour

    Mon enterprise doit fermer complètement a cause des mesures de Legault. Je me qualifie donc pour ZÉRO. Alors je devrai payer mes frais fixes (loyer taxes emprunt sur equipements) avec quoi???

    Entretemps des entreprises comme Dollarama qui vont voir une diminution de leur chiffre de ventes diminuer de 30% vont voir leur personnel payé a 75%.

    Assez particulier coome mesure

    Pierre

  4. Lui Do
    Lui Do
    il y a 3 ans
    Et les nouvelles entreprises?
    Cette mesure semble oublier les entreprises qui sont en explotation depuis moins d'un an. Si on n'était pas encore en activité en Mars 2019, on a pas de comparatif pour démontrer la perte de revenu. Il faudrait plus d'ouverture sur les moyens de démontrer la perte de revenu, par exemple, des preuves de ruptures de contrat dues au COVID-19. Les nouvelles entreprises sont les plus vulnérables en tant de crises, le gouvernement ne devrait pas les oublier.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Baisse de salaire
    Un employeur qui a une baisse de 30% a t'il le droit de couper les salaires de ses employés de 25% ? S'il a droit à la subvention de 75% .

  6. Jonathan
    Jonathan
    il y a 3 ans
    CMO et co-fondateur Medscint
    Actuellement au niveau de la subvention de 75%, à surveiller car cela pourrait changer d'ici 6 semaines, l'employeur doit payer 100% du salaire ou au minimum montrer une intention de verser le 25% restant du salaire une fois que la subvention sera dans les coffres de l'entreprise.

  7. Jonathan
    Jonathan
    il y a 3 ans
    CMO et co-fondateur Medscint
    Cette mesure d'aide oublie particulièrement les nouvelles entreprises en technologies qui ont souvent un modèle d'affaires qui ne permet pas d'évaluer l'impact de la crise en mesurant les ventes de l'an dernier.

  8. Phil
    CTO
    L'exemple que vous avez décrit concorde parfaitement avec notre situation. D'ici un mois nous serons obligé de faire des mises à pied si le critères d'obtention ne changent pas.

  9. jos
    pour admistrateur
    j ai une compagnie a numero et j aimerais savoir moi je suis employer de ma compagnie cars je paye mes impot comme toutes les employer esce que je peux avoir le 75 pour cent du gouvernement pour moi

  10. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Salaire
    Si bien compris l employeur doit paye 100% du salaire.Dans la reprise Mon employeur exige une baisse de salaire de tous pour nous ramenez au taux du gouvernement soit de 847. Ce qui fait des baisse de 20 à 40 pourcent.
    Que faire

  11. Salaire
    Salaire
    il y a 3 ans
    Salaire
    Mon employeur exige une baisse de salaire de tous pour nous amène à 847
    Quoi faire

  12. Raphaël Dubé-Demers
    Raphaël Dubé-Demers
    il y a 3 ans
    CEO - EHVA Inc.
    Complètement en accord!

    Notre entreprise développe une solution d'automatisation et d'intelligence pour les entreprises en hautes technologies (optique). En raison du contexte, nous sommes probablement encore plus pertinent que l'an passé.

    Notre concept émane directement de notre passage en industrie; la productivité peut augmenter considérablement.

    Paradoxalement, les mesures vont aider beaucoup de joueurs ayant un impact questionnable sur l'économie et la société, ou bien des joueurs bien en place, mais sous-productifs.

    Concentrons-nous pour ne pas filtrer les plus innovants de l'écosystème, on en a besoin plus que jamais!

  13. Julien
    Julien
    il y a 3 ans
    start up en soufrance
    j'ai hypothequer ma maison pour demarer mon entreprise, l'ouverture de mon entreprise a debuter le 4 mars. je me trouve dans situation vraiment catastrophique, sans aide pertinente.

  14. Marc
    Controleur
    Quel est la règle pour les compagnies associés.

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