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Le système de justice du Québec fonctionne

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Félix-antoine T. Doyon

2020-07-17 11:15:00

Le système de justice, critiqué toutes parts, fonctionne selon cet avocat. Selon lui, les réseaux sociaux ne sont pas propices à la communication…

Me Félix-Antoine T. Doyon__, avocat, travaille pour le regroupement d’avocats Labrecque Doyon Avocats. Photo : Labrecque Doyon Avocats.
Me Félix-Antoine T. Doyon__, avocat, travaille pour le regroupement d’avocats Labrecque Doyon Avocats. Photo : Labrecque Doyon Avocats.
Lorsqu’on prend la peine d’y penser, la justice est, au fond, une confiscation de cette propension humaine à vouloir parfois se venger de celui qui nous a fait du mal.

D’ailleurs, cette confiscation du droit à la vengeance distingue la civilisation de la barbarie, c’est crucial de le retenir.

Les réseaux sociaux peuvent servir à exprimer le chagrin légitime des victimes et à apaiser leur souffrance, si possible. Mais ces plateformes publiques ne devraient jamais servir à attiser la haine et la diffamation.

Il est aisé de concevoir l’envie d’une femme ou d’un homme de dénoncer sur Instagram celui ou celle qui lui a fait du mal. Pour autant, le réceptacle de toutes ces dénonciations ne devrait jamais être les réseaux sociaux, mais le système de justice.

Premièrement, parce que le Québec est une société de droit, l’expérience enseigne que se faire justice soi-même finit la plupart du temps très mal (poursuite civile ou criminelle, perte de crédibilité, voire tout cela).

Deuxièmement, les réseaux sociaux ne sont pas propices à la nuance ni à l’établissement d’une communication sereine.

Troisièmement, même si un procès s’ouvre et se clôt en quelques clics sur la Toile, l’écho médiatique est souvent mille fois plus dévastateur que l’écho judiciaire pour les protagonistes. Dans les cas d’inconduites ou d’agressions sexuelles, le système a la faculté de livrer la justice de différentes manières (droit du travail, droit civil, droit administratif, droit criminel, séances de médiation, transaction à l’amiable, etc.).

Prendre soin de la justice

Mais pour continuer à rendre la justice, il faut en prendre soin.

Les critiques adressées au système seront toujours nécessaires. Mais celles qui sont généralisées, mal informées et émotives sont carrément délétères. Par exemple, il n’y a rien de constructif à diffuser et à rediffuser l’information simpliste que « le système de justice ne fonctionne pas ».

Je pèse ici mes mots : le système de justice fonctionne. Et il est très sensible aux victimes, je vous supplie de le retenir.

La plainte au criminel et son cheminement constituent l’une des manières dont le système livre la justice en cas d’agression sexuelle.

Pour comprendre les différentes décisions qui caractérisent le processus, il faut d’abord intégrer son fondement.

Le droit criminel vise à déterminer fondamentalement si l’accusé est coupable (et non pas si une victime doit être reconnue comme telle et être indemnisée, comme c’est le cas en droit administratif, par exemple).

Si le procès criminel apaise la victime, tant mieux. Mais ce qu’il faut retenir ici, c’est que ce n’est pas son but initial. Son but est plutôt d’assurer qu’il subsiste suffisamment de preuves pour justifier toutes les conséquences qui découlent d’une condamnation.

Du point de vue des droits de la personne, les sociétés civilisées considèrent que le pire mal que les gens puissent s’infliger, c’est de condamner l’un des nôtres alors qu’il est innocent.

Les civilisations tiennent aussi pour acquis que les humains qui ont à juger sont susceptibles de commettre des erreurs et condamner de faux coupables.

La présomption d’innocence

Pour éviter une telle injustice, on présume donc l’innocence jusqu’à preuve du contraire. Présumer un homme innocent, c’est aussi exiger une preuve qui s’apparente beaucoup plus à la certitude absolue qu’à la culpabilité probable, car sans un degré de conviction aussi élevé, l’expérience démontre que ceux qui jugent sont susceptibles d’emprisonner à tort.

Tant et aussi longtemps que le système sera administré par des êtres humains, le respect de la présomption d’innocence demeurera donc le seul et unique rempart à l’injustice que représente la condamnation d’un innocent.

Il faut retenir que la présomption d’innocence est une liberté civile au même titre que le droit de s’exprimer librement ou le droit à la non-discrimination fondée sur le sexe, par exemple. Elle transcende la notion de dignité humaine et elle est une condition préalable à une société libre et démocratique.

À noter que la présomption d’innocence n’empêche aucunement la majorité des accusés de reconnaître les faits ou encore, la plupart du temps, la condamnation de celui qui choisit de subir un procès.

Même lorsqu’un homme est acquitté au terme du processus, cela ne signifie pas pour autant qu’il est innocent. Mais, en revanche, plus personne ne pourra dire qu’il est coupable.

C’est le prix de la paix sociale.

Sur l’auteur

Félix-Antoine T. Doyon, avocat, travaille pour le regroupement d’avocats Labrecque Doyon Avocats.
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5 commentaires

  1. Rossita S.
    Rossita S.
    il y a 3 ans
    innocence, vengeance et justice participative
    On dirait qu'on commence à tourner en rond, la présomption d'innocence entre en jeu si quelqu'un porte plainte. Si personne ne porte plainte, personne ne sera arrêté ni accusé de rien et les garanties procédurales ne s’appliqueront pas. Les ressources illimitées de l'État ne seront pas utilisées, pour priver un individu de sa liberté et/ou lui donner un casier judiciaire. Donc, l'innocence reste intacte.

    Après que 13 sur 14 plaintes de soi-disantes Courageuses ont été rejetées en décembre 2018 (après un an de réflexion), il n’est pas surprenant que public ne veuille plus porter plainte.

    Si une boite à lettre a été vandalisée, on porte plainte tout de suite à la police (pas sur Instagram), sans tourment psychologique ni étiquette de vengeance. Un accident de la route, bruit, distanciation, on appelle 911 sans sourciller. Dès qu'il s'agit d'agression, tout change...

    Le plus comique est que ce qui est vu au criminel comme un fléau (se faire justice soi-même) est obligatoire au civil, où on s'attend à ce que les justiciables trouvent d'abord une façon de résoudre leurs problèmes hors-cour par eux-mêmes, avant de s’adresser aux tribunaux.

    Les parties qui ont recours à la justice participative (concept post-moderniste et féministe introduisant la volonté des justiciables dans le processus de résolution des conflits) sont tenues le faire de bonne foi et dans le respect des droits et des libertés.

    Si jamais un recours arrive à se cristalliser, les parties seront présumées de bonne foi jusqu'à preuve du contraire. Donc, il restera une mise en balance des droits et des libertés, ce qui implique une lecture attentive de ''Ward et Le Petit Jeremy''(toutes les instances), où justement la liberté d'expression d'un humoriste se heurte au droit à la réputation d'un enfant handicapé.

    Je suis d'accord que c'est préférable d'opter pour un processus contradictoire structuré et suivant les règles de preuve légale, mais je ne suis pas en mesure de convaincre personne qu'une plainte en agression sexuelle améliorera sa vie.

    • Pirlouit
      Pirlouit
      il y a 3 ans
      Principe
      Le principe de présomption d'innocence devrait s'appliquer même s'il n'y a pas de procès criminel car c'est le dernier garde-fou à la fureur populaire, fureur que l'on peut constater ces dernières semaines. Si tu n'as pas le cran de porter plainte pour que ton histoire passe le test, oui la présomption d'innocence devrait s'appliquer. Personne n'a dit que c'était facile, mais c'est le principe que la société a choisi pour éviter les faux coupables.

      L'affaire Lauzon est un très mauvais exemple, des plaintes qui étaient vouées à l'échec au premier regard de n'importe quel juriste qui n'était pas aveuglée par l'hystérie collective de la vague de dénonciation de 2007. Même si ce que ces femmes disaient sur Lauzon étaient vrais, ce n’étaient pas des agressions sexuelles. Se faire embrasser par Lauzon et coucher avec lui-même si ça ne tente pas, ce n'est pas une agression sexuelle. Il fallait qu'elles disent simplement "non", ce qu'elles n'ont pas fait. Pas étonnant qu'aucune de ces plaintes n'aient été retenues sauf une plainte obscure qui date d'il y a 25 ans.

      Difficile de comparer des agressions sexuelles à une boîte à lettre vandalisée, un accident de la route, du bruit etc. Dans ces cas, il y a normalement une preuve matérielle ou des témoins, ce qui n'est généralement pas le cas dans les agressions sexuelles. Alors c'est la parole de l'un contre celle de l'autre. Donc oui il faut faire attention car il est facile de se venger. Il est facile de se tromper aussi ou de jouer sur les mots comme on peut le constater ces derniers jours en dénonçant comme agression ce qui n'en n'est pas une (drague lourde, blague sexuelle, etc.).

      Finalement, vous semblez mélanger les notions de "se faire justice soi-même" et de la justice participative, deux concepts bien différents.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Le prétendu fléau au criminel, supposément béni en civil
      "Le plus comique est que ce qui est vu au criminel comme un fléau (se faire justice soi-même) est obligatoire au civil".


      On voit que vous ne pratiquez pas en civil.

      Drogués à la maxime "nul ne peut se faire justice soit-même", beaucoup de juge n'ont toujours pas compris le principe de l'exception d'inexécution, et fustigent des justiciables qui s'en sont prévalus plutôt que de s'adresser d'abord à un tribunal.

      L'avocat de Québec persécuté pour avoir fait une arrestation citoyenne en emitouflant sa cible dans une couverture (beaucoup de gens rêverait de savoir la police aussi délicate...) peut donc se consoler: les tribunaux civils perdent également le nord.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Le système de justice au Québec, c'est de la merde
    Voilà une histoire vraiment scandaleuse, qui j'espère va réveiller les gens:

    http://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2020-07-17/deux-jours-de-prison-a-cause-d-une-application-de-faux-textos.php

  3. Pirlouit
    Pirlouit
    il y a 3 ans
    Drôle d'histoire
    1. Je ne pense pas que c'est le système de justice qui est en cause ici, ce sont les policiers qui l'ont mis en prison préventive une fin de semaine. À vérifier.

    2. Il s'agissait d'une fraude et tout le monde n'y a vu que du feu. Ce n'est pas vraiment la faute au système de justice ou à la police;

    3. C'est un bon exemple de gens qui font de fausses plaintes, sans même raison apparente. On devrait réfléchir à ça avant de croire les yeux fermés ceux qui dénoncent sur les réseaux sociaux, parfois anonymement.

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