Covid-19

L’examen du Barreau a subi une faille informatique, estime un expert

Main image

Florence Tison

2020-07-21 15:00:00

Les étudiants de l’École du Barreau ont eu raison de s’indigner, selon une analyse informatique externe…

Le témoin expert informatique Simon Lavallée. Photo : Courtoisie
Le témoin expert informatique Simon Lavallée. Photo : Courtoisie
L’examen de l’École du Barreau du Québec a bel et bien subi des ratés techniques, selon le témoin expert informatique Simon Lavallée de la firme H2E, mandaté par une étudiante pour faire la lumière sur le cafouillage de mai dernier.

L’étudiante en question a échoué l’examen, qui se tenait pour la première fois en ligne en raison de la crise sanitaire.

Le Barreau n’a jamais admis qu’un problème technique avait eu lieu lors de l’examen. En le complétant le 25 mai dernier, les étudiants ont pourtant vu certaines de leurs réponses disparaître et des modifications à leurs réponses non enregistrées, mettant en péril leur réussite.

La solution présentée par le Barreau, largement décriée, a été d’octroyer quatre points de plus à chaque étudiant.

Un problème de « concurrence informatique »

L’expert Simon Lavallée estime dans son analyse que les étudiants ont été « victime d’un problème de concurrence informatique causé par le logiciel d’examen, qui a été mis en place très rapidement dans le contexte de la crise du Covid-19 ».

Le problème de concurrence informatique survient lorsque l’ordinateur recevant les clics (dans ce cas-ci, les réponses à l’examen) en reçoit trop en même temps.

L’ordinateur ou le serveur ignore alors les réponses entrées quelques millisecondes après l’atteinte de son quota de réponses par seconde, parce qu’il est « saturé déjà par d’autres informations qu’il a reçues en même temps ».

En effet, 831 étudiants utilisant 831 ordinateurs soumettaient simultanément 20 réponses lors de l’examen : 16 620 réponses en cinq heures, ce qui fait en théorie 56 réponses à la minute.

Lors de l’examen, les étudiants n’étaient pas coordonnés à ce point, souligne cependant M. Lavallée dans son rapport.

« La réalité était plutôt que 16 620 réponses ont probablement été reçues dans les dernières heures, voire les dernières minutes de l’examen », estime l’expert informatique.

Si la majorité des 16 620 réponses ont été entrées dans la dernière heure, ce qui est très plausible vu que plusieurs étudiants ont lors de cette heure retranscrit leurs réponses au propre, le serveur a probablement reçu 277 réponses par minute.

Le risque de concurrence est alors « extrêmement élevé ».

« Ça explique exactement pourquoi les étudiants disaient que leurs dernières réponses n’ont pas été entrées », explique M. Lavallée.

Une faille qui ne laisse pas de trace

Le problème des étudiants victimes de la faille informatique, c’est que le problème de concurrence ne laisse pas de trace, « car pour faire une inscription dans un registre, il faut que l’ordinateur connaisse l’existence de la réponse ».

Dans ce cas-ci, l’ordinateur de l’examen n’a pu déceler d’erreur, parce qu’il n’a jamais reçu le trop plein de réponses à cause de sa saturation de sauvegardes par seconde.

Le cabinet de service-conseil KPMG, qui avait été mandaté à l’externe par le Barreau pour vérifier si un problème technique avait eu lieu lors de l’examen, n’avait pas décelé de problème.

Pas surprenant, selon Simon Lavallée : ce n’est pas KPMG qui a conçu le logiciel.

« Ce problème-là, il faut être à l'interne pour être capable de le diagnostiquer, explique l’expert informatique. Il faut connaître le logiciel vraiment correctement, et ce n’était par leur logiciel à eux (KPMG). »

Le concepteur de la plateforme utilisée pour l’examen, SVI eSolutions, « ne donnera même pas le droit d'aller voir vu que c’est de la propriété intellectuelle », croit en outre M. Lavallée.

C’est donc à SVI eSolutions de diagnostiquer et de régler le problème.

Pour les prochains examens

La situation aurait pu être évitée en prévoyant un nombre plus grand de réponses entrées par seconde, ou en testant le système pour voir à quel nombre de réponses il cesse d’en enregistrer.

« Ce qui se passe souvent quand on met en place des solutions informatiques rapidement, c'est qu’on tourne toujours les coins ronds pendant les tests », déplore M. Lavallée.

« En informatique, on a une règle qui dit qu’on essaie de supporter plus (d’utilisateurs) que le maximum qu'on pense », poursuit l’expert.

Mais 831, c’est beaucoup. La plupart des sites ne prévoient que 50 clics par seconde.

Pour faire d’autres examens en ligne de cette envergure, il faudrait soit instaurer des files d’attente pour que les réponses soient traitées l’une à la suite de l’autre après la saturation, soit créer différents groupes d’étudiants pour passer l’examen lors de périodes différentes, conclut l’expert.

Trop tard pour l’examen de reprise du Barreau, par contre : c’était ce lundi.

Pour lire le rapport de l’expert Simon Lavallée, cliquez ici.

Contactés par Droit-inc, ni le Barreau du Québec, ni SVI eSolutions n’ont voulu commenter.
12360

5 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Sceptique
    « La réalité était plutôt que 16 620 réponses ont probablement été reçues dans les dernières heures, voire les dernières minutes de l’examen », estime l’expert informatique.

    Si la majorité des 16 620 réponses ont été entrées dans la dernière heure, ce qui est très plausible vu que plusieurs étudiants ont lors de cette heure retranscrit leurs réponses au propre, le serveur a probablement reçu 277 réponses par minute.»

    Ce raisonnement ne tient pas debout. Cet "expert" semble ignorer que les étudiants avaient une fenêtre de 24h pour faire leur examen. À moins que ces 831 étudiants aient tous débuté et fini leur examen en même temps, le serveur n'a jamais atteint ce nombre de réponses par minute.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Plausible
    La charge n'a pas été amortie de manière égale sur 24 heures. Certaines heures de "pointe" (heures d'examen privilégiées par plusieurs) ont clairement eu lieu. En l'absence de données sur le nombre de connexions maximales autorisées par la plateforme versus le nombre de requêtes réelles expérimentées à la seconde près à tout moment de la journée, l'hypothèse demeure plausible.

    Également, rappelons que l'enregistrement pouvait être déclenché notamment par le fait de cliquer en dehors de la zone de texte, chose qui peut se produire plusieurs fois en un court laps de temps. Autrement dit, si le serveur plafonnait le nombre de requêtes par connexion (ce qui est normalement le cas), il pourrait y avoir eu un plafonnement individuel et des requêtes auraient pu être rejetées. C'est un autre type de problème de concurrence.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Expert
    « Ce problème-là, il faut être à l'interne pour être capable de le diagnostiquer, explique l’expert informatique. Il faut connaître le logiciel vraiment correctement, et ce n’était par leur logiciel à eux (KPMG). »

    Le concepteur de la plateforme utilisée pour l’examen, SVI eSolutions, « ne donnera même pas le droit d'aller voir vu que c’est de la propriété intellectuelle », croit en outre M. Lavallée.

    C’est donc à SVI eSolutions de diagnostiquer et de régler le problème.

    donc.... cet expert, pour conclure ainsi, travaille chez SVI eSolutions? #not

  4. Louis Fortier
    Louis Fortier
    il y a 3 ans
    Que dit le rapport de KPMG?
    Il serait très intéressant et utile de consulter le rapport de KPMG et aussi de savoir ce que SVI eSolutions a à dire au sujet du problème qui est survenu.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    C'est tellement clown comme rapport
    Si vous allez voir son rapport, il tire ses conclusions de sites d'information. Voyons donc... On ne valide pas des hypothèses avec ce qui est rapporté par les journaux. Simon Lavallée a, at best, des hypothèses qu'il faudrait valider avec un audit.

    C'est vraiment clown comme rapport d'expert et pas besoin d'être ingénieur pour le voir...

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires