Nouvelles

Dénonciations : une action collective déposée contre Facebook!

Main image

Camille Laurin-desjardins

2020-07-22 15:00:00

Un cabinet boutique de Montréal entreprend une bataille contre le géant du web, qui aurait diffusé du contenu « illicite ». Qui sont ces avocats téméraires?

Mes Jean-Philippe Caron et Alessandra Esposito Chartrand. Photos : Site Web de Calex
Mes Jean-Philippe Caron et Alessandra Esposito Chartrand. Photos : Site Web de Calex
La vague de dénonciations sur les réseaux sociaux continue de faire couler beaucoup d’encre. Hier, Calex Légal a déposé une demande d’action collective contre Facebook devant la Cour supérieure du Québec, au palais de justice de Montréal.

« C’est un dossier qu’on a analysé en profondeur. Ce n’est pas nécessairement facile, côté relations publiques, mais quelque chose doit être fait pour rétablir l’État de droit », estime Me Jean-Philippe Caron, avocat et fondateur de Calex, qui travaille sur ce dossier avec sa collègue Me Alessandra Esposito Chartrand.

Dans la demande, on allègue que le réseau social est responsable du contenu qui est distribué sur sa plateforme. Le plaignant à l’origine de cette poursuite est identifié comme « C.D. » dans la demande. Cette personne qui désire garder l’anonymat affirme que son nom s’est retrouvé sur la page « Dis son nom », qui était hébergée jusqu’à tout récemment par Wordpress.

Au départ, « Dis son nom » était une page Facebook, qui entre le 12 et le 14 juillet, a publié et mis à jour une liste de noms d’agresseurs potentiels, sans préciser la nature des actes qui leur étaient reprochés (on utilisait les grades 1 à 3 pour évaluer la gravité des actes).

Dans la poursuite, on raconte que C.D. n’a rien à se reprocher, mais qu’il a un nom assez commun au Québec. Le fait que ce nom se retrouve sur cette liste a fait en sorte que lui et sa conjointe se sont fait poser beaucoup de questions à ce propos.

« C.D. a commencé à éprouver de l’anxiété et des cauchemars, et cela a eu des conséquences sur son estime de soi. Il a développé des crises de panique et de l’insomnie, terrassé par l’inquiétude constante de faire l’objet de représailles de tierces personnes », peut-on lire dans la demande introductive d’instance.

La demande se fait donc au nom de C.D., mais aussi de tout autre personne dont la réputation ou la dignité aurait été atteinte, après la publication de son nom sur les pages « Dis son nom » ou « Victims voices » (par l’entremise d’Instagram) ou toute autre page qui publie anonymement des allégations de harcèlement ou d’agression de nature sexuelle, diffusées au public par l’intermédiaire des plateformes de médias sociaux Facebook et/ou Instagram.

Le recours collectif semblait être « le véhicule procédural approprié pour faire avancer des questions comme celles-là », selon Me Caron.

Depuis le dépôt de la demande, hier, les deux avocats affirment avoir déjà reçu des dizaines de courriels et d’appels, de personnes qui se trouvent également dans cette situation.

« On a déjà commencé à construire une liste de membres », précise Me Esposito Chartrand.

Évidemment, les avocats craignent de se faire reprocher leur action par des victimes d’agression sexuelle. Ils spécifient d’ailleurs qu’ils n’ont aucune intention de condamner ces victimes.

« On met l'accent sur les questions de droit qui doivent être tranchées, et ce, dans l'intérêt de la société et du public en général », précise Me Caron.

Mais pourquoi poursuivre Facebook, et non directement les administrateurs de ces pages jugées problématiques? Selon les deux avocats, c’est que sans Facebook, ces listes n’auraient pas été vues par beaucoup de gens.

« La problématique, c’est que c’est tellement facile de reproduire le contenu ailleurs… que si on veut mettre un frein à la pratique de publication à grande échelle, il faut que Facebook reconnaisse qu’il a participé au fait générateur en diffusant du contenu illicite », explique Me Caron.

« D’autant plus que la situation a été portée à son attention à maintes reprises », ajoute Me Esposito Chartrand.

Dans la demande, on explique en effet que C.D. a communiqué avec Facebook à plusieurs reprise, par le biais d’avocats. Le réseau social affirme ne pas être responsable du contenu de cette liste, puisqu’elle est publiée sur un autre site web.
7797

2 commentaires

  1. Jeannette D. Gibara
    Jeannette D. Gibara
    il y a 3 ans
    Avocat
    Bravo!
    Tenez bien - c'est assez cette crise qui ne finit pas par finir.
    Je trouve que c'est une façon indécente de minimiser l'impact sur des victimes, que de banaliser le problème

  2. Rossita S.
    Rossita S.
    il y a 3 ans
    Bou Malhab en 2020
    Ce n'est pas clair si une action collective est le véhicule approprié en l’espèce et encore moins si Facebook a commis une faute.

    A priori, il y a un problème de représentant, parce que celui-ci n'est pas personnellement visé par des allégations, et les dommages qu'il a subi sont "par ricochet", du fait qu'il a un nom identique à celui d'un présumé agresseur. Donc, ses dommages ne découlent pas d'une faute reprochée à FB, mais d'une certaine malchance. Un nom identique ne confère pas des droits identiques au sens de l'article 575, Cpc.

    Bien qu'il n'existe pas au Canada d'équivalent de l'infâme §230, ''Communication Decency Act'', Facebook a quand même un mécanisme permettant de retirer du contenu qualifié de "harmful conduct towards others" et d'imposer d'autres sanctions, comme désactiver des comptes, bloquer des pages, etc. Cette clause existe justement pour limiter la responsabilité de FB contre ce type de poursuite.

    Si FB avait reçu une pluie de plaintes à l'encontre d'une page, d'un groupe ou d'un compte et que FB n'a rien fait en conséquence, ou a répondu à tout le monde que le comportement dénoncé n'est pas "harmful", on pourrait peut-être intenter une action collective regroupant toutes les personnes qui ont demandé l'aide de FB en vain.

    En dernier lieu, il va falloir trouver autre chose, parce que la CSC a déjà dit (2011 CSC 9) qu’on n’autorise pas des actions collectives en diffamation, « puisque seule la personne ayant subi personnellement le préjudice voit naître en sa faveur le droit à la réparation. »

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires