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Que nous dit ce procès au Manitoba sur le droit à la justice en français?

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Radio -canada

2020-07-28 12:00:00

Encore aujourd’hui, l’accès à la justice en français au Manitoba peut s’avérer être compliqué…

Marcel Desrochers et Guy Jourdain, directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba (AJEFM). Photos : Radio-Canada
Marcel Desrochers et Guy Jourdain, directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba (AJEFM). Photos : Radio-Canada
Le procès de Marcel Desrochers contre la Peace Hills Insurance Company s’est ouvert lundi, à Winnipeg. Ce litige en matière civile est une illustration des défis qui se posent au système en matière d’accès à la justice en français.

La ferme de Marcel Desrochers a pris feu en 2011. Depuis, cet homme de 74 ans dit vivre dans un camion et espère que le procès qui l’oppose à son assureur lui permettra d’obtenir le remboursement nécessaire pour couvrir les coûts de construction d’une nouvelle maison.

Au-delà des enjeux financiers de cette cause, Marcel Desrochers est aussi heureux de pouvoir témoigner en français dans son propre procès, un droit qu’il ne savait pas qu'il détenait.

Le directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba (AJEFM), Guy Jourdain, n’est pas étonné d’apprendre qu’un Manitobain ignore l'existence de ce droit.

« Pendant presque un siècle, on a eu une situation d’unilinguisme dans le domaine des tribunaux, rappelle-t-il. Ça a changé avec l'affaire Forest, en 1980. Les tribunaux ont commencé à fonctionner tranquillement en français » par la suite.

Cela ne signifie toutefois pas que tout soit rose, dit-il. « Ça prend du temps pour changer le système. »

Ce n’est pas toujours évident pour un plaignant de choisir un procès en français, reconnaît Guy Jourdain. L’autre partie n'est pas tenue de déposer ses documents en français ou encore de témoigner en français.

Dans des litiges civils, « on se retrouve souvent dans des situations où, si on veut avoir accès à des procès tout en français, ça a tendance à rallonger les procédures et augmenter les coûts » parce que tout devra être traduit.

« Donc généralement, les gens vont préférer témoigner en anglais pour que les choses se passent plus rapidement et soient plus efficaces », en particulier si le litige porte sur un contrat qui a été négocié en anglais. « Les gens vont choisir la langue dans laquelle se sont produits les faits », explique Guy Jourdain.

Des éléments comme ceux-là peuvent être des obstacles à la tenue de procès en français ou bilingues. Il y a donc encore des progrès à faire pour améliorer l’accès à la justice en français, rappelle-t-il.

Marcel Desrochers : un témoignage en français

Lundi, Marcel Desrochers est venu à la barre pour témoigner. Son avocat l'a interrogé sur son enfance, son métier d'agriculteur, sa vie de famille et ses conditions de vie actuelle.

L'homme a expliqué avoir grandi dans la région de Somerset et être allé dans une école où seul l'anglais était la langue d'enseignement. Quand il y est arrivé, il ne parlait pas un mot de la langue de Shakespeare. Il a aussi affirmé avoir quitté l'école en sixième année pour aller travailler aux champs et devenir agriculteur, ce qu'il est encore aujourd'hui.

Comme demandé par son avocat, le septuagénaire a pu s'exprimer en français, sa langue maternelle. Des interprètes ont retranscrit les échanges en anglais.
Mardi, l'avocat de la défense procédera au contre interrogatoire de Marcel Desrochers, qui se déroulera en anglais. Le plaignant pourra répondre en français et des interprètes effectueront une traduction simultanée des échanges.

L'importance de témoigner dans sa langue

« Quand ça vient à un témoignage et que le témoin est francophone, dans bien des cas les gens vont se sentir plus à l’aise en français et être plus en mesure de faire ressortir des nuances, fait remarquer Guy Jourdain. Lorsqu'ils s’expriment en anglais, ils vont être handicapés, jusqu’à un certain point. »

La situation est différente en matière pénale. « C'est l’État qui poursuit au pénal. Et on a plusieurs avocats et procureurs au Manitoba qui parlent couramment les deux langues. On peut donc suivre son procès entièrement en français. Il y a des juges bilingues, des greffiers bilingues et même un tribunal itinérant bilingue. »

Guy Jourdain rappelle aussi l'importance d'être entendu par un juge qui comprend le français et qui peut en saisir toutes les nuances. Dans les procès, les interprètes sont, dit-il, « des gens très compétents », mais on peut perdre des nuances dans la traduction.

Quoi qu’il en soit, Guy Jourdain rappelle que s’il reste encore des progrès à faire, « les procès en français sont un droit acquis depuis l’époque de Louis Riel ».
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